Source : Huffpost

La fin du conflit israélo-palestinien ne dépend pas d’un accord avec les Emirats

« J’ai grandi avec le slogan « Mort à Israël! » mais la jeunesse arabe est en train de changer de regard. »

Enfants, tôt le matin, l’un des slogans que l’on nous faisait répéter à l’école, était: “Mort à Israël!”, suivi de: “Notre engagement c’est la lutte contre le sionisme, l’impérialisme”. On pouvait ensuite entrer dans les salles de classe, fatigués, colonisés par le sommeil, et le froid.

Nous ne savions pas ce que ces mots signifiaient, mais on était persuadé que nous avions un ennemi en Palestine. A l’école, il s’appelait Israël, à la maison c’étaient les juifs. Les deux mots ont le même sens pour la plupart des habitants du pays. Mais l’essentiel, c’est que cet ennemi est la cause principale de tous nos problèmes.

 

Nous étions en guerre contre Israël, et l’on réglerait les autres problèmes après la victoire.

 

Depuis les années 60, quand le parti Baath a pris le pouvoir en Syrie, par un coup d’état, Israël est alors devenu le Grand Satan. Il fallait le liquider et le jeter à la mer. C’était si simple, et un jour, on parviendrait à le faire, car “nous sommes des gens de droit, et les Israéliens ont volé notre terre”. Pour ce faire, il fallait mettre la plupart des ressources de l’Etat dans l’armée, appauvrir les citoyens pour acheter des armes modernes. Des mots comme liberté d’expression, droits de l’homme, amélioration du système de santé, ou d’enseignement, n’étaient pas acceptables car nous étions en guerre contre Israël, et l’on réglerait les autres problèmes après la victoire. Celui qui n’était pas d’accord n’était rien d’autre qu’un agent de l’ennemi et finissait en prison.

Pendant 50 ans, le régime syrien et la plupart des régimes arabes ont volé et opprimé leurs peuples au nom de la libération de la Palestine, mais aucun n’est parvenu à réaliser ce fantasme. Ce n’est pas parce qu’ils étaient moins forts, mais parce que ce conflit n’était qu’un moyen pour manipuler leurs peuples.

Fausse guerre 

L’opinion publique vis-à-vis d’Israël était aussi fermée dans le monde arabe, à cause de la propagande déployée par ces régimes, mettant à profit l’histoire complexe des relations entre juifs et arabes au Moyen-Orient. Malheureusement, beaucoup d’intellectuels arabes ont suivi le courant: Israël n’était qu’une tumeur, un cancer, qu’il fallait enlever. On entendait cette phrase dans beaucoup de conférences organisées dans les bibliothèques syriennes autour de l’avenir arabe. Mais ce qui s’est passé en 2010 en Tunisie a commencé à changer le regard des masses arabes envers Israël. Le printemps arabe a ouvert les yeux sur le mensonge de ces régimes, les peuples ont compris que leur premier ennemi n’était pas Israël, mais ces dictateurs sauvages qui les torturent, les humilient, les volent, jour et nuit. Ainsi, un autre regard, plus profond, est né dans la nouvelle génération. Elle est convaincue qu’il n’y a pas de sens à faire la guerre et que si les arabes vivant en Israël refusent de le quitter pour la zone palestinienne, c’est tout simplement qu’ils sont plus respectés en Israël, où ils trouvent travail, liberté et… sécurité sociale. Ça ne veut pas dire que l’état israélien n’ait pas commis des crimes lors des bombardements contre les civils en Palestine. Mais ces crimes ne sont pas comparables aux massacres perpétrés par les régimes arabes contre leurs peuples.

Un avantage partagé 

Créer un lien avec le peuple israélien, pas avec l’état, est la meilleure idée pour parvenir à la paix. Parce que sur l’autre rive, il y a aussi une génération qui en a marre de la guerre. Et finalement, ce sont les civils qui payent la facture des batailles entres l’état israélien et le Hamas ou le Hezbollah. Établir des liens culturels, au profit de tous, nous protégera des terroristes, des régimes manipulateurs. Cette idée pourrait aussi nous unir.

 

Le printemps arabe a ouvert les yeux sur le mensonge de ces régimes, les peuples ont compris que leur premier ennemi n’était pas Israël.

 

Il y a des années, tout contact ou tentative de dialogue avec un intellectuel israélien était assimilé à de la trahison. Ce qui m’est arrivé en 2015 quand j’ai fait une lecture de poésie avec un poète israélien au marché de la poésie de Paris. A l’époque, certains ont rédigé un appel à manifester devant le marché pour s’opposer à cette honte! Mais en même temps, d’autres ont défendu l’événement. Aujourd’hui, c’est beaucoup moins problématique. Pas à cause de la normalisation des relations entre certains pays du Golfe et Israël, mais grâce à un nouveau regard de la jeunesse arabe.

Le problème entre les régimes arabes et leur peuple est un problème de confiance. Même si les dictateurs normalisent les relations avec Israël, les citoyens sont persuadés que ce n’est qu’une étape pour conforter les intérêts des chefs d’état, et pas pour le pays. Dans ce contexte, ce qui s’est passé avec les Emirats, ne changera pas grand-chose, ne fera pas avancer la paix entre les Israéliens et les Arabes. Avant tout, pour obtenir un vrai changement, il faudrait que des associations indépendantes, des syndicats, créent des liens sociaux, culturels avec des associations israéliennes qui représentent la société civile. Sinon, les régimes totalitaires vont continuer à poursuivre leur propre propagande, pour la guerre, comme pour la “paix”. Ce qui s’est passé concernant le dernier accord entre les Emirats et Israël. Dans ce cas à nouveau, les enfants de l’école vont répéter les slogans qui n’aident que les dictateurs.