CONTEXTE : Les juifs sont écrasés de taxes et d’impôts, qu’ils arrivent difficilement à payer. Les Romains pillent sans vergogne la Judée, tout en laissant les juifs s’administrer eux-mêmes. Zachée était de ces juifs-là.

Zachée est infréquentable. Jésus arrive, veut le voir. Voilà pour fixer le cadre d’un récit sur lequel les prédicateurs s’appuient volontiers pour structurer un appel à la repentance.

Pour être plus précis, c’est une illustration en dix versets de la doctrine du salut, la rencontre personnelle avec le Sauveur. Le prototype de l’appel, avec celui, plus élaboré, d’Apocalypse 3 : Je frappe à la porte. Si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. Il faudrait néanmoins comparer ces deux rencontres avec une troisième, celle du larron à la Croix, pour s’étonner que l’on n’en fasse pas plus souvent référence.

Une lecture protocolaire, ce qui doit être lu…

Voyons si une lecture alternative est possible, et jusqu’où elle nous mènerait.

 

Le juste, le pur, le méritant.

De fait, alors que l’on s’attendrait à ce qu’elle soit évoquée, la signification du nom Zachée, « juste, pur, méritant », échappe curieusement aux orateurs. Aucune allusion, ou alors ponctuellement : certes, mais tous ont péché, Il n’y a point de juste, pas même un seul ! Romains 3 :10

Ce qui s’apparente à une fin de non-recevoir, donc à un symptôme, et qui est donc au cœur du sujet.

Or dans la Bible, le nom exprime l’essence même de la personne, de même qu’un nouveau nom répond à un changement d’identité.

Il y aurait du Job dans Zachée qu’il ne faudrait pas en être surpris, ni que les amis de Job se soient emparés du micro : jamais l’Éternel n’aurait permis qu’un juste soit déshonoré ! Faut-il avoir péché pour être ainsi éprouvé, pensons-nous…

[Zachée] est l’hôte d’une société d’ouvriers de la fraude, et va avec les hommes du crime. Job 34, traduction Chouraqui.

Justement, quelqu’un le connaît-il ? Peut-on lui faire confiance ?

Faut-il réhabiliter Zachée comme le fut Job aux yeux des siens ? Car il y a du Job dans Zachée…

J’avais seulement entendu parler de toi, maintenant mon œil t’a vu.

« Dépêche-toi, il faut que j’aille loger chez toi ! »

Au fait, pourquoi Jésus se rend-il particulièrement chez Zachée, car ce ne fut pas une visite improvisée. Nous comprenons qu’il était nécessaire que Zachée vit Jésus. Quant à Zachée, il ne se voit évidemment pas lui refuser l’hospitalité pour la nuit, bien au contraire.

Le soleil va bientôt se coucher, il marque le nouveau jour pour les Juifs. Zachée ne se doute pas à quel point il sera nouveau, ce jour, les pharisiens encore moins. Pour l’heure, il n’est question de rien d’autre.

En attendant, ils s’étranglent d’indignation : Jésus entre chez un homme pécheur, de plus en état d’impureté rituelle car il manipule sans cesse des pièces sur lesquelles est gravé le profil d’un demi dieu ! Jésus est au courant de cela.

Aux pharisiens qui lui avaient reproché d’être à table chez Matthieu avec d’autres collecteurs, Jésus avait répliqué : Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pêcheurs.

Mais quand même, appeler des collecteurs ?

Celui qui aime l’argent n’en a jamais assez. Ecclésiaste 5 : 9

Or ici Jésus ne dit pas : « Va, et ne pêche plus. »

Les années de mépris ont déjà brisé l’orgueil de Zachée. Les années de disgrâce déjà ont ravagé son amour propre, le vieil homme a été crucifié. Zachée est mort à lui-même.

Car celui qui est mort a été déclaré juste. Romains 6 : 7

« Je restitue au quadruple… »

Ce que les amis de Job ignorent, c’est qu’en restituant au quadruple, Zachée ne fait que se conformer au Droit romain (la restitution + le triple).

Voyons ce que nous disent à ce propos, Jean Dauvillier et Leopold Goldschmidt, deux historiens de la Judée antique.

A propos de la situation de Zachée.

Jean Dauvillier, dans Le Nouveau Testament et les Droits de l’Antiquité – Les obligations des publicains et le texte évangélique de Zachée. (1)

« C’est à de petites sociétés provinciales que le fisc romain confiait la collecte des impôts et droits de douane levés en Judée, ainsi que les marchés des services publics (travaux, fournitures militaires…). Les contrats de délégation étaient vendus aux enchères, pour une période de quatre à cinq ans, renouvelable. Les travaux publics et les fournitures militaires étaient adjugés au moins disant. Pour le recouvrement des impôts et des taxes, le contrat était adjugé au plus offrant. »

Zachée évoluait dans un contexte pervers : les juifs s’administraient eux-mêmes.

« Jéricho était le centre d’un trafic commercial important. Les revenus générés devaient être considérables, à plus forte raison si on y joignait l’adjudication des autres impôts. Jéricho était réputée entre autres pour les arbres à baume, qui ne poussaient que dans ce pays, un produit réputé et, au dire de Flavius Josèphe, recherché dans le monde entier. Les profits devaient être abondants. Lorsqu’Antoine avait détaché le district de Jéricho de la Judée pour l’offrir à Cléopâtre, Hérode n’avait pas hésité à enchérir le contrat de collecte pour le prix de deux cents talents. Malgré une fortune personnelle, il est peu vraisemblable que Zachée ait pu à lui seul emporter l’enchère. « 

Les collecteurs sont par la force des choses de véritables hommes d’affaires.

La société financière de Zachée restait soumise aux règles posées par le droit romain.

Le personnel que ces sociétés employaient était composé d’esclaves, d’affranchis ou d’hommes libres d’assez petite condition, qui étaient au service des publicains moyennant un salaire. Leur avidité était proverbiale, on parle d’extorsions.

Il appartenait aux employés, qu’ils soient esclaves ou libres, de contrôler les marchandises transportées, d’estimer le montant de la taxe et d’en exiger le paiement. Comme ils relevaient de l’autorité du publicain, c’est lui qui était responsable de leurs agissements : c’est à lui que se plaignait celui qui s’estimait lésé, c’est lui qui devait réparer le dommage.

Lorsqu’il apprenait qu’une extorsion avait été commise par ses employés, Zachée prenait spontanément l’initiative de la réparer : à la restitution de la somme s’ajoutait une indemnité du triple, comme le prescrivait le droit romain provincial. « 

Voilà les conditions dans lesquelles Zachée pratiquait.

A propos de la réputation de Zachée, ce qu’on dit de lui.

Leopold Goldschmidt, dans « Les impôts et droits de douane en Judée sous les Romains » (2)

« Les collecteurs d’impôts ne furent pas aussi méprisés que les collecteurs des droits de douane ou les péagers : le barème des impôts d’État était fixé et ne laissait pas de place à l’arbitraire. En revanche, les droits de douane n’étant pas fixes, on ne pouvait contrôler l’exactitude des taxations. Leur perception était particulièrement lourde et inique. Les Romains ne se contentaient pas de prélever des taxes douanières sur les marchandises importées. Il y avait aussi des douanes intérieures, et on prélevait une taxe sur les marchandises à la frontière de chacune des zones administratives.

Vis-à-vis des douaniers, les dispositions étaient toujours hostiles, que ce soit dans la littérature rabbinique comme dans le Nouveau Testament. Cependant, les chefs de douane ne s’occupaient pas directement de la perception, aussi étaient-ils moins détestés que les douaniers. Même si quelques-uns pouvaient se distinguer par leur intégrité, les douaniers étaient rangés parmi les gens les plus méprisables, la catégorie des bandits, des voleurs ; on les mentionnait avec les filles de mauvaise vie, on leur reprochait de s’approprier le bien d’autrui par la violence.

Ainsi les douaniers furent exclus de la société juive. »

À prime abord, nous serions tentés d’appuyer sa réputation.

L’auteur ajoute que tous les publicains cités dans le Nouveau Testament sont des collecteurs des douanes et non des collecteurs d’impôts. Ce que confirment les traducteurs : certains utilisent le terme « péager », Chouraqui utilise le terme « gabelous ».

C’est donc à eux que Jésus demande de ne rien exiger « au-delà de ce qui vous a été ordonné ». Nous pouvons raisonnablement penser qu’à la mise aux enchères du contrat de collecte, le procurateur ait fixé les modalités de la récupération de leur investissement.

L’historien plaide pour Zachée : il dit vrai, il a toujours rendu au quadruple.

Zachée rend à César ce qui est à César.

« Je donne la moitié de mes biens. »

Zachée est digne de foi. Il a toujours donné la moitié de ses biens. Il n’est pas démenti.

Le problème est du côté des pharisiens. Zachée les renvoie à leur avidité. Vous comprenez, moitié-moitié, ça ne se fait pas, surtout chez les collecteurs !

Les relations fréquentes avec les Romains amenaient beaucoup de collecteurs à adopter les mœurs romaines et à s’affranchir des prescriptions du judaïsme. Zachée ne devait pas beaucoup s’asseoir à leur table. Forcément, ça gène !

En donnant la moitié de ses biens, Zachée se conforme aux enseignements de la Torah :

Apprenez à faire le bien, protégez l’opprimé. Esaie 1 :17

Partage ton pain avec celui qui a faim, fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile, ne te détourne pas de ton semblable. Esaie 58 :7

Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. Luc 3 :11

Zachée rend à Dieu ce qui est à Dieu.

Il y a un précédent à l’attitude désintéressée de Zachée. Dans son temps de désert, dans son exil intérieur, Zachée épouse le ministère de Néhémie :

Dès le jour où le roi m’établit, je n’ai point réclamé les revenus du gouverneur, parce que les travaux étaient à la charge [du peuple juif en exil]. Néhémie 5 :14-18

Ce n’est pas sans avoir été soumis à la tentation publicaine :

Il vint aussi des publicains pour être baptisés, ils lui dirent : Maître, que devons-nous faire ? Il leur répondit : N’exigez rien au-delà de ce qui vous a été ordonné.

Un jeune homme riche qui s’était présenté à Jésus a échoué.

Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres puis viens, suis-moi. Mais cet homme s’en alla tout triste car il avait de grands biens.

Pourtant Jésus l’aimait, il lui manquait juste les dispositions de cœur de Néhémie et de Zachée.

Ils ne sont pas dans le système économique impérial, ils ne sont pas dans l’économie sacerdotale, ils sont dans l’économie du Royaume.

Zachée, prophète de l’Eternel.

Il fallait quand même l’aimer, ce peuple, pour ne pas l’accabler, à l’instar de Néhémie, mais pour alléger la charge que l’occupant romain faisait peser sur lui !

Jésus connaît le désintéressement de Zachée. Il met déjà en pratique, en disciple, ce que font les premiers chrétiens, il fait même du bien à ceux qui le haïssent !

Bénis ceux qui te maudissent, donne à quiconque te demande. Matthieu 5 : 44

« Le salut est entré dans cette maison. »

Oui, le Salut est entré, Jésus se fait connaître : c’est le Messie qui est entré dans cette maison. Zachée se réjouit comme se réjouira la foule des disciples qui accueillera Jésus avec joie le lendemain à Jérusalem.

            Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !

Lui aussi est fils d’Abraham.

Jésus lui fait un véritable éloge, face à un parterre de pharisiens à qui il avait auparavant lancé : Produisez donc des fruits dignes de la repentance avant de dire en vous-mêmes : nous avons Abraham pour père ! Luc 3 :8

Ce ne sont pas les intentions qui qualifient.

La foi sans les œuvres est inutile, elle est morte en elle-même…  Jacques 2 :17

La venue de Jésus n’a pas changé Zachée. Il ne s’est pas mis soudainement à aimer les gens de son district, il est resté le même, il fait naturellement ce qui plaît à Dieu. C’est parce Zachée a déjà montré ces fruits que Jésus a pu voir en lui un fils d’Abraham.

Celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites en Dieu. Jean 3 : 21

Jésus ne fait que le confirmer. Ce qui a changé, c’est qu’il est vu pour ce qu’il est, Jésus le situe dans la lignée d’Abraham. Il ne l’inscrit pas dans la lignée, il est déjà inscrit.

Le Sauveur loge dans cette maison parce que c’est la maison d’un fils d’Abraham.

Ils ne se sont jamais vus, mais cela ne les empêche pas de se reconnaître des affinités, comme il a reconnu en Nathanaël un vrai Israélite.

Jésus vit Nathanaël venant à lui, et il dit de lui : c’est un vrai Israélite, en qui il n’y a point de fraude.

Qui est fils d’Abraham ? L’expression va plus loin. Jésus parle de Zachée à la foule qui murmure. Jésus montre les conditions par lesquelles le salut arrive : qui est fils d’Abraham ?

Reconnaissez donc que ce sont ceux qui ont la foi qui sont fils d’Abraham » Gal. 3 : 7

En hébreu, « foi » se dit « émouna », un mot qui signifie aussi fidélité, sincérité, conscience, vérité, loyauté, stabilité, constance, sûreté.

Ce qui signifie que Zachée est fidèle, sincère, vrai, loyal, constant, quelqu’un sur qui l’on peut compter. Il ne réagit pas sous le coup de l’émotion, il n’adopte pas une attitude de circonstance pour ensuite abandonner. Zachée est quelqu’un sur qui Jésus pourrait compter.

Toutefois il ne suffisait pas de rencontrer Jésus pour avoir sa confiance.

Plusieurs crurent… Mais Jésus ne leur faisait pas confiance car il les connaissait tous très bien, il sait ce qu’il y a dans le cœur de l’homme. Jean 2 : 23

En accueillant Jésus, Zachée prenait un grand risque s’il avait mérité sa réputation, celui d’être mis à nu et à découvert…

Car qui fait le mal déteste la lumière et s’en écarte, de peur que ses œuvres ne soient dévoilées. Jean 3 : 20

Croyez-vous que Zachée se serait alors empressé de descendre de son sycomore ?

À propos du sycomore…

Il produit un fruit qui ne mûrit que si on lui fait une incision. C’était le travail des bergers pendant qu’ils surveillaient les troupeaux, comme l’était Amos, le prophète à la langue rude.

Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète, je suis berger, je cultive des sycomores. Amos 7 : 14

Comme pour la vigne, il faut l’émonder : le tronc est noueux, mais lorsqu’on l’élague, les nouvelles branches sont droites et deviennent utilisables. Le sycomore est un symbole de réhabilitation. En hébreux, Sycomore et Réhabilitation ont une racine commune : שק (Shin Qof)

Mettre un terme aux soupçons, critiques, mépris, dont quelqu’un faisait l’objet, en prouvant officiellement qu’il méritait ou qu’il mérite de nouveau la confiance, l’estime d’autrui ».

Peut-être faudrait-il réhabiliter Zachée !

Le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu.

Il semble y avoir un malentendu. Ici, Jésus semble autant parler de ce qui est perdu que de ceux qui se perdent.

Nous avons évoqué plus haut le verset de Jean « Je frappe à la porte, si quelqu’un entend ma voix ». Ce qui est étonnant avec le verset de Zachée, c’est que nous sommes dans le même cas de figure : il semble y avoir une mésinterprétation du texte. Cela arrive souvent lorsqu’une lecture entre inconsciemment en conflit avec une réalité inconfortable à recevoir.

Chez Jean, si le Christ frappe à la porte de l’Eglise de Laodicée, c’est qu’il y n’est pas… Chez Luc, ce qui est perdu, c’est le culte. Le Temple n’est plus le vrai sanctuaire. Il avait été agrandi quarante années durant, transformé en centre commercial… Est-ce sur le modèle du Temple reçu d’en haut par Moïse ?

La vision de Luc n’est pas achevée. Elle se poursuit et se précise à mesure que les séquences s’enchaînent. Car si l’on se réjouit aujourd’hui dans la maison d’un fils d’Abraham, Jésus va pleurer le lendemain sur une autre maison :

De la maison de prière, vous avez fait une caverne de voleurs.

Il pleura. Si toi aussi tu avais su ! Tu n’as pas reconnu le moment où le Roi te visitait ! Luc 19 : 41

Car c’est au tour des pharisiens d’être vus pour ce qu’ils sont réellement. Ce ne sont plus les fils d’Abraham qui occupent l’autre maison. Le lieu du don, de l’offrande et de la louange est devenu un lieu de calcul et d’intérêt, de cupidité, une caverne de bandits.

Malheur à vous, spécialistes de la Loi et pharisiens hypocrites  ! […] Malheur à vous, conducteurs aveugles, vous dites : Si quelqu’un a juré par le temple, il n’est pas tenu par son serment, mais celui qui a juré par l’or du temple est obligé. Lequel est le plus grand, l’or, ou le temple qui a sanctifié l’or ? Matthieu 23 :16-17

Ils utilisent la Gloire de Dieu pour un bénéfice personnel. Enseigner que ces richesses étaient plus sacrées que le temple lui-même, c’était le moyen de les augmenter…

Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ! Jean 2 :16

En l’an 30 avant J-C, le marché aux bêtes avait été déplacé du Mont des Oliviers où il était installé, pour envahir jusque les cours du Temple. Jésus se fait un fouet de vacher avec une corde pour chasser les bœufs et les brebis qui encombraient les portiques et les cours. Il dit aux marchands d’emmener tout cela ailleurs et renverse les tables des changeurs qui se retrouvent, paniqués, à chercher leurs deniers et leurs drachmes répandus et piétinés dans la débandade !

C’est moins le commerce qui est visé que la manière de rendre un culte à Dieu.

Dieu siège au milieu de la louange de son peuple, mais l’adoration collective ne lui plaît que lorsqu’elle vient de cœurs qui agissent dans la foi, la droiture et la justice. Le reste n’est qu’un bruit désagréable à ses oreilles. La louange qui lui est agréable est celle qui vient du cœur pur des hommes droits.

Je hais, je méprise vos fêtes, Je ne puis sentir vos assemblées. Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, Je n’y prends aucun plaisir… Éloigne de moi le bruit de tes cantiques, je n’écoute pas le son de tes luths. Amos 5.21

L’objet de la Loi a pour essence l’amour de Dieu et du prochain. Le Seigneur attend que Son amour devienne réciproque. Un scribe l’avait compris :

Fort bien, Maître, tu as dit vrai, Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. Marc 12

Faire de toutes les nations des disciples.

Ressuscité, Jésus apparaît aux onze pour les envoyer. Reste à trouver le douzième, car Pierre avait été convaincu de remplacer Judas. Pierre fit tirer au sort, il a désigné Matthias.

Clément d’Alexandrie rapporte que Zachée est appelé Matthias par les chrétiens. (3)

Nous nous retrouvons alors avec un faisceau d’indices  qui pourrait nous amener à déduire que Jésus s’est arrêté à Jéricho pour appeler un douzième apôtre. L’idée n’est pas insensée, la tradition nous donnerait raison, elle serait cohérente avec la nécessité de sa visite à Zachée.

Ce serait toutefois négliger le fait que le Christ avait déjà donné aux apôtres le moyen de connaître sa volonté :

L’Esprit de Vérité vous conduira dans toute la vérité.  Jean 16 :13

Au lieu d’attendre la réponse de l’Esprit à sa prière, nous voyons Pierre prendre l’initiative de fixer des critères et de procéder à un tirage au sort. Ce sera donc le choix des hommes. Pierre le nomma Matiyahou, « Don de Dieu », pour sceller son choix.

Il faut que le nouvel apôtre fût choisi parmi ceux qui les avaient accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu avec nous… Toi Seigneur, tu connais le cœur de tous les hommes, désigne toi-même celui que tu as choisi ». Actes 1 : 21

Seigneur, désigne toi-même pourvu que ce soit par le sort ! Il contrarie en cela les plans de Dieu. Lorsque l’on voit la manière avec laquelle le Seigneur a désigné Paul sur le chemin de Damas, on mesure combien Pierre a pu s’égarer dans son inconstance. C’est d’ailleurs cette même inconstance qui lui vaudra plus tard d’être repris par Paul (Galates 2 :11)

Car si Matthias reçut le titre, c’est Paul qui reçut l’onction. Le Seigneur a inscrit dans les lieux célestes le nom du douzième apôtre sur les fondements de la nouvelle Jérusalem (Apocalypse 21 :14). Au regard de l’œuvre extraordinaire de Paul, il est peu probable que ce fut celui de Matthias.

Quoiqu’il en soit, la visite de Jésus à Zachée ne fut pas vaine, Matthias-Zachée fut indéniablement l’un des cent-vingt.  Les Constitutions apostoliques indiquent que « Zachée le publicain », a été le premier évêque de Césarée, nommé directement par les apôtres (4). Par ailleurs, la version syriaque d’Eusèbe de Césarée l’appelle « Tolmay » (ce qui pourrait indiquer qu’il est le père de Barthélemy, ce dernier étant aussi appelé tantôt barTolmay, tantôt Nathanaël, ou Nathanaël Barthélemy dans les sources syriaques).

Nathanaël, lui aussi fils d’Abraham, figure au nombre des apôtres.

Jésus, voyant venir à lui Nathanaël, dit de lui : Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n’y a point de fraude.…

Jésus sonde les cœurs et connaît ce qui les habite. Ils sont émondés dans le secret.

Le Seigneur prépare dans le secret ceux qu’il va envoyer.

Zachée, prophète de l’appel, voilà ce il peut nous dire pour les temps que nous vivons aujourd’hui.

 

Patrice

 

Notes :

1 / Jean Dauvillier. LE NOUVEAU TESTAMENT ET LES DROITS DE L’ANTIQUITE – Les obligations des publicains et le texte évangélique de Zachée. Histoire du droit et des idées politiques, Presses Universitaires Toulouse 1 Capitole

2 / Leopold Goldschmidt. LES IMPOTS ET DROITS DE DOUANE EN JUDEE SOUS LES ROMAINS, Les employés des contributions et les douaniers. Revue des études juives, 1897, 34-68. p.213

(3)  Clément d’Alexandrie, STROMATEIS

(4)  Les Constitutions apostoliques, recueil du IVe siècle contenant des textes présentés comme venant des douze apôtres.