Toute cette période peut s’appeler la période des martyrs.  Aussi peu à peu, avec les changements apportés à l’église primitive et avec les altérations que l’on donne aux doctrines de la foi chrétienne, on peut discerner le commencement de la religion catholique.

Dans cette présente partie de l’ouvrage, je vous donnerai quelques petites biographies de martyrs ainsi qu’un petit aperçu de ce qu’on a apporté comme nouveautés  aux églises par rapport à la Parole de Dieu.

 

A la fin du premier siècle et durant la première partie du second, le refus persistant des chrétiens de prendre part à aucun acte du culte, soit en l’honneur des dieux romains ou pour rendre hommage à l’empereur, commença à attirer sur eux l’attention du gouvernement romain.

Il y avait une loi contre toutes les religions non sanctionnées par l’État, et cette loi pouvait, d’un moment à l’autre, être mise en vigueur.  C’était une épée constamment suspendue sur la tête des chrétiens.  Ils couraient aussi le danger d’être amenés devant les gouverneurs à cause des troubles et révoltes suscitées contre eux par les prêtres des idoles, par ceux qui fabriquaient des images, et qui craignaient que leur métier ne fût réduit à néant, et enfin par tous ceux qui vivaient des spectacles et des jeux publics, auxquels on ne voyait pas assister les disciples de Christ.

 

Par crainte de la persécution qui ne sommeillait jamais longtemps, ils étaient obligés de se réunir en secret.  À Rome, objets de haine, poursuivis et réduits à se cacher pour servir Dieu, les chrétiens se réunissaient dans les catacombes où ils enterraient aussi leurs morts.

 

Le martyr Ignace

 

Pendant la persécution de Trajan (empereur romain (98 à 117 ap JC), il menaça de punir de mort quiconque à Antioche refuserait de sacrifier aux dieux.

Ignace demanda alors d’être conduit devant l’empereur pour lui exposer le vrai caractère et la position des chrétiens, et, s’il le fallait, afin de s’offrir pour eux à la mort.  Ainsi Trajan fut mis face à face avec Ignace, dont jusqu’alors il avait seulement entendu parler.  Ainsi, comme au temps de Paul, témoignage fut rendu à l’Évangile devant les grands de la terre.

Voici ce que des écrivains anciens rapportent de l’entrevue de l’empereur avec le vénérable évêque.  Trajan s’adressant à lui, dit : « Es-tu celui qui, semblable à un démon pernicieux, persévère à contrevenir à mes ordres et entraîne les hommes dans la perdition ? »

— Que personne, répond Ignace, n’appelle Théophore [« Théophore » veut dire celui qui porte Dieu] un démon pernicieux.

— Et qui est Théophore ?

— Celui qui porte Christ dans son cœur.

— Ne crois-tu donc pas qu’ils résident en nous, les dieux qui combattent pour nous contre nos ennemis ?

— Tu te trompes, en appelant dieux les démons des nations ; car il n’y a qu’un seul Dieu qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et tout ce qui est en eux ; et un seul Jésus Christ, son Fils unique, duquel le royaume est ma portion.

— Tu veux dire le royaume de Celui qui fut crucifié sous Pilate ?

— Oui, de Celui qui a crucifié mon péché avec son auteur, et qui a mis le péché tout entier et la malice de Satan sous les pieds de ceux qui Le portent dans leurs cœurs.

— Portes-tu en toi Celui qui a été crucifié ?

— Oui, car il est écrit : J’habiterai en eux et je marcherai en eux.

L’empereur coupa court à l’entretien, en rendant cette sentence : « Puisque Ignace confesse qu’il porte en lui celui qui a été crucifié, nous ordonnons qu’il soit conduit, lié par des soldats, à la grande Rome, afin d’y être déchiré par les bêtes, pour l’amusement du peuple ».

Ce châtiment était réservé aux pires criminels, particulièrement à ceux qui étaient convaincus d’exercer les arts magiques, ce dont les chrétiens étaient souvent accusés.  Ignace écouta avec joie cette sentence cruelle, heureux d’être jugé digne de souffrir pour le nom de Christ et comme offrande pour les saints ; se réjouissant, comme autrefois le bienheureux apôtre Paul, d’être lié et conduit à Rome.

 

Le gouverneur d’Antioche,  Pline le Jeune, arrête Ignace et les plus déterminés des chrétiens qui furent transférés à Rome pour être mis à mort dans l’arène.  Ils seront condamnés à être dévorés par les fauves durant les fêtes romaines.  On espérait ainsi faire un exemple afin de freiner l’expansion du christianisme.

Bien au contraire, durant le voyage qui le conduisit à Rome, il rencontra et encouragea de nombreux chrétiens.  Ignace écrivit de nombreuses lettres aux diverses communautés chrétiennes.  Elles sont poignantes dans leur confession d’une foi inébranlable, pour la joie qu’elles expriment et pour l’imitation de Jésus-Christ qu’elles proposent à tout chrétien.  Ainsi, nous connaissons les premiers martyrs chrétiens.

 

La martyre Blandine

 

C’est sous le règne de Marc-Aurèle, l’empereur philosophe (121 à 180 ap JC), qu’eut lieu une nouvelle persécution contre les chrétiens.  Elle sévit surtout dans les villes de Lyon et de Vienne en Gaule.  Là, s’étaient établies des colonies venues de l’Asie mineure, et c’est aussi d’Asie que l’Évangile y avait été apporté.

Ainsi, en quelque lieu que ce fût où la parole du salut était portée, l’ennemi du Seigneur ne se lassait pas de poursuivre et de tourmenter les saints de Dieu.  Il se servait pour cela de la formidable puissance romaine.

On commença par les exclure des bains et des marchés publics, puis on les dépouilla de leurs biens et on alla jusqu’à piller leurs maisons.  Ensuite ils furent poursuivis à coups de pierres et traînés en prison.

Le préfet commença à chercher, par les tortures, à pousser les chrétiens à renier Christ, ou à leur faire avouer les crimes abominables dont on les accusait, comme de manger de la chair humaine dans leurs assemblées secrètes et de se livrer à toutes sortes de désordres.  Contrairement à la loi, le magistrat fit mettre à la torture des esclaves des maîtres chrétiens.  Quelques-uns, vaincus par les tourments, reconnurent que leurs maîtres pratiquaient, en effet, les crimes dont ils étaient accusés.  Dès lors, le magistrat et le peuple se crurent en droit de punir les chrétiens des plus cruels supplices.

 

Parmi tous ceux qui souffrirent, il n’y en eut point qui brillèrent plus par leur foi, leur constance et leur fermeté que Blandine.  Elle était une pauvre jeune esclave, au corps faible et chétif.  Sa maîtresse, chrétienne aussi, et qui mourut martyre, tremblait pour elle, craignant que sa foi ne succombât sous les tourments.  Mais le Seigneur se tint près de sa jeune servante, et manifesta en elle sa force.  Les bourreaux épuisèrent sur elle tous les genres de supplices : les fouets, le chevalet sur lequel on étendait les membres jusqu’à les disloquer, la chaise de fer rougie au feu sur laquelle on faisait asseoir les martyrs, Blandine supporta tout sans fléchir, répétant seulement : «Je suis chrétienne; nous ne commettons aucun mal».

 

Attachée à un poteau dans l’amphithéâtre, elle fut livrée aux bêtes féroces, mais celles-ci, moins cruelles que les hommes, ne la touchèrent pas.  On pensait qu’étant une faible femme et une esclave, on pourrait, en multipliant les tortures, l’amener à renier Christ.  Mais Celui qui était en elle était plus fort que celui qui est dans le monde.  Elle possédait la foi qui rend victorieux du monde, la foi au Fils de Dieu.  Blandine fut revêtue d’une telle force que ceux qui se relayaient pour la torturer du matin jusqu’au soir, avouèrent, lassés qu’ils étaient, qu’elle les avait vaincus.

Ils étaient étonnés, après avoir épuisé sur elle toutes les tortures, qu’elle pût encore vivre, ayant le corps déchiré et ouvert de toutes parts.

 

Le Seigneur rendait ainsi témoignage à la vérité du christianisme, et à la puissance de la foi en Lui.  On pouvait dire de ces martyrs comme de ceux d’un autre âge : Ils furent torturés, éprouvés par des moqueries et par des coups, par des liens et par la prison ; ils furent lapidés, sciés, tentés, eux desquels le monde n’était pas digne…  Ils ont reçu témoignage par la foi, en attendant la céleste récompense.

Comme l’on ramenait en prison Blandine et ses compagnons de souffrances, beaucoup d’amis affligés vinrent à leur rencontre pour les consoler, les encourager et leur témoigner leur amour, les saluant en même temps du nom de martyrs.  «Nous ne sommes pas dignes d’un tel honneur,» répondirent-ils ; «le combat n’est pas terminé.  D’ailleurs ce nom glorieux de martyr appartient essentiellement à Celui qui est le Témoin fidèle et véritable, le premier-né des morts et le Prince de la vie, et ensuite à ceux qui ont scellé le témoignage de Christ par leur persévérance jusqu’à la fin.

Nous ne sommes que de pauvres faibles confesseurs».  Puis ils demandèrent avec larmes à leurs frères de prier pour eux, afin qu’il leur fût donné de rester fidèles et fermes jusqu’à la fin.  Ainsi ils montraient qu’ils sentaient leur faiblesse et n’attendaient de force que de Celui en qui seul elle réside.

 

Une nouvelle douleur les attendait à leur retour dans la prison.  Quelques-uns des leurs, saisis de crainte à la pensée des tourments, avaient renié le christianisme.  Ils n’y avaient d’ailleurs rien gagné; on les retenait en prison comme accusés d’autres crimes.  Blandine et ses compagnons prièrent avec beaucoup de larmes le Seigneur, afin que ceux qui avaient faibli devant l’ennemi fussent restaurés et fortifiés.  Le Seigneur exauça leurs prières.  Ayant comparu de nouveau devant le magistrat, ceux qui étaient tombés confessèrent courageusement leur foi en Christ, et condamnés à mourir, ils obtinrent aussi la couronne des vainqueurs.

 

La fin de Blandine approchait.  Elle allait échanger les douleurs passagères de cette vie, pour la gloire éternelle.  Elle fut amenée pour la dernière fois devant le juge avec un jeune homme de 15 ans, nommé Ponticus.  On leur ordonna de jurer par les dieux, mais ils refusèrent avec fermeté.  On leur fit encore subir les tortures les plus cruelles que la barbarie des hommes puisse imaginer.  Ils les supportèrent avec une patience qui ne fit qu’exaspérer au plus haut point la multitude.  Le jeune Ponticus, encouragé et soutenu par les prières et les exhortations de sa sœur en Christ, succomba bientôt et s’endormit en Jésus.

Blandine, restée seule, fut gardée pour le dernier jour des jeux.  On pouvait bien dire d’elle, comme Paul le disait de lui-même et des apôtres : « Dieu nous a produits les derniers sur la scène… comme des gens voués à la mort… un spectacle pour le monde, et pour les anges et pour les hommes (1 Corinthiens 4/9) ».  Blandine fut d’abord fouettée jusqu’au sang, puis subit de nouveau l’affreux supplice de la chaise ardente, ensuite placée dans un filet, elle fut livrée à un taureau sauvage qui la secoua longtemps avec ses cornes et la fit souffrir cruellement.  Enfin un soldat mit fin à ses souffrances, en la perçant d’une lance.

 

Le martyr Justin

 

Parmi ceux qui souffrirent le martyre à Rome sous l’empereur Marc-Aurèle (161 à 181 ap JC), se trouve Justin (100 à 165 ap JC).  L’histoire de Justin est d’autant plus intéressante qu’il avait été un de ces philosophes si opposés à l’Évangile.  Mais la grâce de Dieu est souveraine.  Elle a amené à Christ le pharisien Saul de Tarse, et elle a converti le philosophe Justin.

Justin était né de parents païens à Néapolis, ville de la Samarie.  Il avait parcouru toutes les écoles de philosophie, étudiant avec soin les systèmes des sages de ce monde, sans rien trouver qui satisfît son âme et répondit à ses besoins.  Mais Dieu, qu’il ne connaissait pas encore, le suivait comme le berger qui cherche sa brebis errante, et vint lui révéler la vérité qu’il avait en vain demandée aux hommes.  Un seul est «la vérité», comme il est «la vie» et «le chemin», pour arriver à Dieu, et c’est Jésus.  Justin allait le trouver.

 

Un jour, fatigué de l’inutilité de ses recherches, il se promenait au bord de la mer, il rencontra un vieillard d’aspect vénérable qui entra en conversation avec lui.  Justin s’ouvrit à cet inconnu, qui avait gagné sa confiance.  Il lui dit son ardent désir de trouver Dieu, et tout ce qu’il avait fait, mais en vain, pour y arriver.

Le vieillard lui répondit qu’en effet tous les enseignements des philosophes ne pouvaient l’amener à la connaissance de Dieu et à la possession de la paix après laquelle il soupirait, car, dit l’apôtre Paul, «le monde, par la sagesse, n’a pas connu Dieu».

Puis le vieillard parla à Justin de la révélation que Dieu avait donnée aux hommes dans les écrits des prophètes et dans les évangiles, et le pressa de les lire et de les étudier, et de s’enquérir des doctrines du christianisme.  «Priez,» ajouta le vieillard, «pour que les portes de la lumière vous soient ouvertes, parce que les Écritures ne peuvent être comprises que par l’aide de Dieu et de son Fils Jésus Christ».

 

Le vieillard s’éloigna, et Justin ne le revit plus.  Mais il suivit ses conseils.  Il lut et médita les Écritures ; il pria, et Dieu répondit à ses requêtes.  Il trouva la lumière et la paix auprès de Jésus Christ, et, une fois converti, il devint un ardent défenseur du christianisme.  Plein de zèle pour la vérité qu’il avait saisie, et qui remplissait et réjouissait son cœur, il se mit à voyager, toujours vêtu de sa robe de philosophe, en Égypte et en Asie, annonçant à tous ceux qui voulaient l’entendre, l’Évangile qui lui était si précieux.  De l’abondance de son cœur, sa bouche parlait.

 

Justin se fixa enfin à Rome et continua d’y enseigner.  Il cherchait à se mettre en rapport avec les philosophes, dans le désir de leur faire connaître la vérité.  Mais l’un d’eux, nommé Crescent, irrité de ce que Justin l’avait réduit au silence en discutant avec lui, le dénonça comme chrétien.

Justin, avec six autres, parmi lesquels se trouvait une femme, comparut devant le préfet de Rome, Rusticus. Celui-ci voyant Justin revêtu de sa robe de philosophe, lui demanda quelle doctrine il professait.

— J’ai cherché à acquérir toutes sortes de connaissances, répondit Justin ; j’ai étudié dans toutes les écoles des philosophes, et je me suis enfin arrêté à la seule vraie doctrine, celle des chrétiens, de ces hommes méprisés par tous ceux qui sont dans l’aveuglement et l’erreur.

— Comment, misérable ! Tu suis cette doctrine ?  s’écria le préfet.

— Oui, et c’est avec joie; car je sais qu’elle est vraie.

Interrogé ensuite sur les lieux où les chrétiens s’assemblaient, il répondit qu’ils se réunissaient où ils le pouvaient, non pas tous en un même lieu, «car le Dieu des chrétiens», disait Justin, «le Dieu invisible, n’est pas circonscrit par l’espace.  Il remplit les cieux et la terre, et est adoré et glorifié partout par les fidèles».

 

Le préfet l’ayant menacé de la mort s’il persistait dans sa superstition, le témoin de Christ répondit : «Tu peux me faire souffrir tous les tourments, je n’en resterai pas moins en possession de la grâce qui assure le salut, et qui est le partage de tous ceux qui sont en Christ».

— Tu crois donc aller au ciel ?

— Non seulement je le crois, mais je le sais et j’en ai l’entière certitude.

Telle fut la réponse pleine d’assurance du philosophe qui, après avoir été si longtemps ballotté par tout vent de doctrine humaine, avait enfin trouvé pour son âme une ancre sûre et ferme, et une espérance qui ne confond point.

Le préfet s’efforça alors de persuader à Justin et ses compagnons de sacrifier aux idoles.

— Aucun homme dont l’esprit est sain, répondit Justin, n’abandonnera une vraie religion pour l’erreur et l’impiété.

— Sacrifiez, dit le préfet, ou vous serez tourmentés sans miséricorde.

— Je ne désire rien d’autre que de souffrir pour le nom de Jésus, mon Sauveur.  Je paraîtrai ainsi avec confiance devant son tribunal, où le monde entier doit comparaître un jour.

Telle fut la réponse courageuse du martyr.  Ses six compagnons confirmèrent ses paroles en disant :

— Faites ce que vous voudrez; nous sommes chrétiens, et nous ne pouvons sacrifier aux idoles.

 

Le préfet les voyant inébranlables devant ses menaces prononça la sentence : «Ceux qui refusent de sacrifier aux dieux et d’obéir aux édits de l’empereur, seront d’abord battus de verges, puis décapités».

Les martyrs se réjouirent et bénirent Dieu d’avoir été trouvés dignes de souffrir et de mourir pour le nom de Jésus.  Ils furent ramenés dans leur cachot, et là, après avoir été fouettés, ils eurent la tête tranchée.

 

Le martyr de Cyprien

 

Le plus célèbre des martyrs qui perdirent la vie durant la persécution de Valérien (empereur romain de 253 à 260 ap JC), fut Cyprien, évêque de Carthage.  Né dans cette ville l’an 200, d’une famille distinguée, il était riche et se faisait remarquer par ses talents.  Comme professeur d’éloquence, sa renommée s’était répandue au loin.  En même temps, il aimait les plaisirs, les spectacles, les jeux et les festins, et s’étonnait de la vie austère que menaient les vrais chrétiens.

Ce ne fut qu’à l’âge de 46 ans, qu’il fut converti au Seigneur par le moyen d’un fidèle ministre de Jésus Christ nommé Cécilius.  Dès ce moment, il ne voulut plus vivre que pour Celui qui l’avait aimé.  Il vendit tous ses biens pour les distribuer aux pauvres, et, plein du feu de la jeunesse quoique déjà d’âge mûr, il se dévoua entièrement au service de son divin Maître, et fut bientôt connu par son zèle et le sérieux de sa vie comme chrétien.  L’étude des saints livres devint sa constante et plus chère occupation, et il la continua jusqu’à la fin de sa vie.

 

Déjà deux ans après sa conversion, le vœu général des chrétiens de Carthage l’appela à occuper la charge d’évêque ou surveillant.  Dans le sentiment, de la grandeur de la tâche à remplir, il aurait voulu refuser, mais les instances pressantes de tout le peuple le décidèrent à céder, et durant les dix années qui s’écoulèrent jusqu’à sa mort, il se montra entièrement dévoué à son œuvre.  Animé d’un ardent amour pour le Seigneur et pour les âmes, il remplit les devoirs de sa charge avec la plus grande fidélité.

C’était un temps de grandes difficultés provenant soit de l’état de relâchement où étaient tombés les chrétiens, soit des persécutions qu’ils avaient à subir, soit enfin des prétentions que commençait à élever l’évêque de Rome.  Cyprien fit preuve à la fois de fermeté et de douceur.  Il savait encourager et soutenir les faibles, mais résistait fortement au mal qui tendait toujours plus à s’introduire dans l’Église.

 

Il s’opposait en particulier à la légèreté avec laquelle on recevait les nouveaux convertis à la Cène, et à la facilité avec laquelle on admettait de nouveau dans la communion de l’Église ceux qui avaient cédé dans la persécution, soit en sacrifiant aux dieux, soit en achetant des certificats portant qu’ils avaient sacrifié, soit en livrant les livres saints.  Il résista aussi énergiquement à l’évêque de Rome qui réclamait la primauté sur les autres évêques, et s’intitulait parfois évêque des évêques.  Malgré l’opposition que rencontrèrent ces prétentions, elles s’affirmèrent toujours plus, et c’est ainsi que la papauté prit naissance.

Cyprien se montra aussi ferme dans la persécution.  Quand celle de Décius (empereur romain de 249 à 251 ap JC) éclata, il fut un des premiers désigné par la haine des païens de Carthage, qui n’avaient pas oublié son changement de religion et que son zèle irritait.  « Cyprien aux lions », était le cri qui retentissait au théâtre où le peuple païen de Carthage s’assemblait.  Cédant aux instances des fidèles, Cyprien se retira à l’écart durant les deux années que dura la persécution, mais sans cesser de donner à son troupeau, du lieu de sa retraite, tous les soins qu’il pouvait.

 

Après la mort de Décius, il revint à Carthage, et reprit son ministère actif.  Il eut l’occasion de l’exercer d’une manière particulière durant une peste terrible qui éclata dans cette ville.  Tous, saisis de frayeur, s’enfuyaient, abandonnant même leurs proches.  Cyprien assembla les membres de son troupeau, et leur rappela le devoir de tout disciple de Christ de s’adonner aux œuvres de miséricorde, non seulement envers leurs frères en la foi, mais même envers leurs ennemis.

Si pressantes furent ses exhortations que les fidèles, animés du même esprit que lui, se partagèrent les soins à donner aux pestiférés, ne faisant aucune distinction entre les chrétiens et les païens, et montrant ainsi à ces derniers la réalisation de la parole du Seigneur : « Aimez vos ennemis ».

 

Lorsque éclata de nouveau, l’an 257, la persécution sous l’empereur Valérien, Cyprien fut amené devant le proconsul d’Afrique, Paternus.  Sur son refus de sacrifier aux dieux, il fut exilé à Curubes, ville située à une journée de marche de Carthage.  Il y resta onze mois.  Au bout de ce temps, Paternus fut remplacé par Galère-Maxime.  Celui-ci fit arrêter Cyprien dans sa demeure et ordonna de le ramener à Carthage.  Le pieux évêque ne se dissimula point que sa fin fût arrivée.

Avec un cœur paisible et un visage serein, il se mit en route sous la conduite des officiers et des soldats envoyés pour le prendre.  Une indisposition du proconsul empêcha qu’il ne comparût le jour même où il avait été cité.  Le bruit de l’arrestation de l’évêque bien-aimé s’était répandu partout avec la rapidité de l’éclair.  Presque tous les fidèles passèrent la nuit autour de la maison où Cyprien avait été renfermé.

 

Le lendemain, sous une forte escorte et entouré d’une foule considérable, il fut conduit devant le proconsul.

« Es-tu Thascius Cyprien, évêque de tant d’hommes impies ? » lui demanda le magistrat.

— « Je le suis », répondit Cyprien.

— « L’empereur ordonne que tu sacrifies à nos dieux ».

— « Je ne le puis, je suis chrétien ».

— « Réfléchis sérieusement à ce que tu fais ; il y va de ta vie », dit encore le proconsul.

— « Exécute les ordres que tu as reçus », répondit tranquillement Cyprien.  « La chose ne demande pas d’autres réflexions. C’est à mon Dieu que je dois obéir ».

Le proconsul se consulta un moment avec ceux qui l’entouraient, puis rendit cette sentence : « Nous ordonnons que Thascius Cyprien, qui a méprisé les dieux et les ordres du pieux empereur, ait la tête tranchée ».

— « Dieu soit loué, qui va me délivrer de ce corps de mort », s’écria Cyprien à haute voix.

— « Mourons avec lui », dirent les frères qui étaient présents.  Cyprien fut aussitôt livré à ses bourreaux, conduit dans un champ voisin et là décapité.

 

On avait une grande vénération pour les martyrs, et on le comprend.  Ils avaient donné leur vie pour le Seigneur. Mais on en vint à les honorer après leur mort par des cérémonies spéciales.  On se rassemblait le jour anniversaire de leur mort sur leurs tombeaux ; on y célébrait la Cène ; on priait même pour eux, et plus tard, on se figura qu’on pouvait s’adresser à eux comme à des intercesseurs auprès de Dieu.  Ces superstitions s’introduisirent de bonne heure.

Puissions-nous garder dans notre mémoire les martyrs connus comme inconnus de cette époque.  Nous verrons alors nos épreuves et nos souffrances comme très légères par rapport à ce qu’ils vécurent.

 

 

Pendant le 3ème siècle, L’évangélisation progresse, l’organisation ecclésiastique devient plus efficace, et le christianisme commence à briller intellectuellement.  Mais l’Empire romain, décadent, veut réunifier la population autour du culte impérial.

Le 3ème siècle voit le christianisme s’intégrer toujours plus à la société gréco-romaine, prendre une étoffe intellectuelle, menant une vie austère et souffrir de persécutions ponctuelles mais graves.  Dans la première moitié de ce siècle, la jeune religion se développe considérablement.  Vers 250, on trouve des chrétiens partout dans l’Empire romain.  L’organisation de la communauté progresse.

 

De grands théologiens prennent la parole.  Parmi eux, Tertullien, un Carthaginois né vers 160 dans une famille païenne, et converti au christianisme à la fin du IIe siècle.  Il est le créateur du latin littéraire chrétien de langue latine, et ouvre ainsi la voie à la théologie proprement occidentale.

Tertullien donne une vision de Dieu qui est celle du Législateur suprême.  Le Carthaginois se veut le défenseur d’un christianisme très rigide, qui exalte le martyre, la virginité, et rejette le monde païen.  Pas étonnant dès lors qu’il considère les péchés graves commis après le baptême comme d’impardonnables actes de trahison.  Pour les évêques, sa position est intenable.  Les chrétiens côtoient des païens chaque jour, ils vivent dans un empire où le christianisme est une religion marginale, tolérée mais non acceptée.

Le christianisme, même s’il n’a pas de statut officiel, est maintenant profondément ancré dans la société païenne.  Le pouvoir romain commence à prendre peur, d’autant plus que de nombreux périls vont menacer l’empire au cours du IIIe siècle : barbares aux frontières, décadence interne, crise économique, etc.  Ses habitants sont appelés à resserrer les rangs autour du culte impérial, principal facteur de cohésion.  Or, la religion des chrétiens leur interdit de participer à ce culte.  L’ère des persécutions générales contre les chrétiens s’ouvre.  Elle vise l’élimination totale, sinon des chrétiens eux-mêmes, du moins du christianisme.

 

Le premier coup vient de l’empereur Dèce : à la fin décembre 249 ou au début janvier 250, il promulgue un édit qui oblige tous les citoyens à accomplir un geste cultuel en faveur des dieux officiels.  L’empereur a ainsi trouvé un moyen infaillible pour repérer les chrétiens : les morts sont nombreux, ceux qui adjurent aussi.  La pression s’amenuise pour disparaître vers 254.

Valérien, arrivé au pouvoir en 253, déclenche la seconde persécution générale en août 257.  Un premier édit interdit le culte chrétien et les réunions dans les cimetières, et intime aux évêques, aux prêtres et aux diacres de sacrifier aux idoles.  En 258, un second édit vient renforcer ces mesures et ordonne l’exécution des membres de la hiérarchie chrétienne qui n’ont pas rendu un culte aux dieux ainsi que la confiscation des biens des chrétiens de haute classe. L’édit est appliqué avec rigueur, la persécution est sanglante.

Valérien capturé par les Perses en 260, son fils Galien met fin aux exactions et restitue leurs biens aux évêques.  Les Églises connaissent alors une période de paix qui va durer quarante ans.  Cependant, comme on l’a déjà vu, les chrétiens se déchirent sur le pardon à accorder aux apostats.  En Afrique, Cyprien de Carthage défend une politique de réintégration à des conditions sévères.

 

A Rome, l’évêque Corneille rencontre le même problème.  Adepte d’une politique de tolérance, il provoque la fureur de Novatien, un prêtre qui avait assuré l’intérim pendant la vacance du siège de l’évêque en 250.  Les apostats repentants sont généralement réintégrés et le christianisme poursuit sa progression.

Tout à la fin du IIIe siècle, l’Orient en est très imprégné, l’Occident beaucoup moins.  Les différentes Églises locales n’ont pas de chef suprême à leur tête, elles jouissent d’une grande autonomie.  Lorsqu’un problème doctrinal se présente, elles se réunissent en conciles provinciaux ou interprovinciaux pour en débattre.  Les décisions sont prises en parfaite collégialité.

Pendant que les Églises essaient de rassembler leurs forces, l’Empire romain poursuit sa décomposition.  L’empereur Dioclétien, arrivé au pouvoir en 284, entreprend une restauration politique et lui imprime un virage absolutiste. Dans ce cadre, l’empereur devient l’égal des dieux. Une fois les problèmes sociopolitiques résolus, Dioclétien s’attaque au christianisme.  Dans un empire devenu totalitaire, une Église. autonome qui se rit du culte impérial devient inadmissible.

 

En 303, Dioclétien engage la bataille décisive contre les chrétiens.  Les églises sont détruites, les livres sacrés brûlés, les assemblées chrétiennes interdites, les dirigeants de l’Église enfermés, les chrétiens obligés de sacrifier aux idoles, et ceux qui refusent de renoncer à la foi chrétienne sont torturés.  Pourtant, en quelques années, la situation va se retourner complètement : le christianisme deviendra bientôt la religion d’État, et ce sera au tour des chrétiens de faire preuve d’intolérance envers les païens et autres hérétiques.   Les ingrédients du catholicisme se mettent en place.

Suite de ICI


 


MAV : Je rappelle ce que j’ai mis dans le préambule:

 J’ai trouvé ce livre essentiel, vital, pour beaucoup de chrétiens au final bien mal enseignés, à une heure où les événements se précipitent et où une meilleure connaissance de notre Grand Dieu est indispensable pour avoir les yeux tournés vers le ciel, et non vers la terre où il n’y a que ruine, désespoir, peur, terreur, et quand tout empire, presque chaque jour.

Comme l’a dit notre Dieu par son prophète Osée :

 » Osée 6:3 Oui, cherchons à connaître l’Eternel, efforçons-nous de le connaître. Sa venue est aussi certaine que celle de l’aurore, et il viendra vers nous comme la pluie, comme les ondées du printemps qui arrosent la terre. »

Cette connaissance grandit dans la lecture de la Bible. Merci à Dominique de nous transmettre le fruit de son formidable travail. Je publierai un chapitre par semaine, chaque samedi – si je peux ! – car il y a largement matière à méditation dans chacun d’eux. Mais vous pouvez aussi demander à Dominique la totalité du livre dès maintenant, si vous avez soif de vous plonger bien plus vite et loin dans cette lecture. Nous avons tous, toujours, besoin d’être enseignés dans la vérité.


LIVRE DE DOMINIQUE :

 Ce livre vous est proposé gratuitement, donc, si on vous en demande de l’argent, refusez.

Auteur : Dominique Verheye, dans l’écoute du Saint Esprit. verheyed@gmail.com