TRIBUNE – Dans un rapport publié le 4 mai, le Défenseur des droits alerte sur les « maltraitances institutionnelles » dont sont victimes les personnes âgées résidentes en EHPAD.


« Sauver des vies. Quoi qu’il en coûte. » C’était le plan, tel qu’annoncé par Emmanuel Macron le 12 mars 2020, alors que la France plongeait tête la première dans les ténèbres d’une politique sanitaire morbide. Quoi qu’il en coûte ? On connait la suite, des milliards dépensés pour empêcher les français de travailler, des milliards dépensés pour secourir des entreprises qu’on s’évertuait par ailleurs à faire crever… Des milliards… Mais si peu pour les hôpitaux, et encore moins pour les EHPAD dont les résidents du fait de leur grand âge sont pourtant la première et principale cible du Covid.

Le « manque de moyens », c’est le premier élément que dénonce ce rapport sur les EHPAD : « le droit à l’accompagnement individualisé et adapté est compromis par le manque de moyens, humains et financiers, des établissements… » Même les soins élémentaires « comme ceux qui relèvent de la toilette, sont organisés dans une logique comptable pour réduire les effectifs du personnel. » Et d’enfoncer le clou : « dans un contexte budgétaire contraint, les EHPAD organisent le plus souvent leur offre de services selon une logique gestionnaire. »

On achève bien les chevaux…

Mais qu’à cela tienne, en France on n’a pas de pétrole, mais on a des idées. Pas de personnel pour s’occuper de Papy ? No problemo, on va l’attacher au fauteuil. C’est ce qu’a dû subir Georges Bordes, 93 ans, résident d’un EHPAD dans le Tarn : « Il est resté durant les 15 jours qui ont précédé son décès, entravé sur ce fauteuil en journée et sous somnifères importants la nuit. Tout cela afin qu’il ne puisse quitter sa chambre et déambuler. » Cause officielle de la mort ? Covid-19. Rien à signaler du côté de la directrice de l’établissement qui, interrogée par le quotidien La Dépêche, a jugé que le « protocole » avait été respecté et que « la contention n’était pas une maltraitance quand elle était évaluée par un médecin. » Circulez, y’a rien à voir.

Voir aussi : Ehpad : les droits des résidents « gravement entravés », selon la Défenseure des droits

Malheureusement, le cas de ce monsieur n’est pas isolé, comme le relève le rapport du Défenseur des droits : « la pratique de la contention physique – attachement, installation de barrières, etc. – et médicamenteuse – sédation – est répandue en EHPAD sur tout le territoire. » Bon en même temps, on en fait jamais trop pour « sauver des vies ». Tiens, pourquoi pas enfoncer de force un écouvillon de 15 centimètres dans les narines de mémé ? Si, si, ça se fait : le Défenseur des droits a ainsi « été saisi de situations de tests de dépistage réalisés sans recueil de consentement de la personne concernée, et parfois malgré son refus explicite, en méconnaissance de ses droits, sous contrainte par contention. » Allez mémé, arrête de bouger, c’est pour sauver des vies !

« Des pouvoirs exorbitants… »

Ce qu’il ressort de tout ça ? « Maltraitance institutionnelle », discrimination, non-respect des « droits fondamentaux », « mesures restrictives rigoureuses, dérogatoires au droit commun », non-respect de la liberté de circuler, non respect du consentement et ainsi de suite. Aux grand maux les grands remèdes ? Des maux, sûrement… un « cadre inédit » avance le rapport, qui a conféré « des pouvoirs exorbitants à plusieurs autorités. »

Voir aussi : Ils sortent leurs proches de l’Ehpad – témoignages

Les autorités sont justement sur le coup, ainsi Monique Lubin, sénatrice socialiste chargé des affaires sociales a affirmé « partager les constats du rapport du Défenseur des droits », mais estimé qu’il était « difficile de protéger sans priver de libertés. »

Voilà le sujet du prochain bac philo : vous avez deux heures… en distanciel.

Auteur(s): Erwan Lubovski, pour FranceSoir