Faut-il avoir des enfants pour sauver les retraites ? À cette question, il y a deux réponses, arithmétique et politique. Les chiffres sont connus : on compte aujourd’hui 1,7 actif pour un retraité ; il y en aura 1,2 seulement en 2070, selon le Conseil d’orientation des retraites (Cor). On le sait aussi depuis longtemps : le taux de fécondité – 1,83 enfant par femme – se trouve en dessous du seuil de renouvellement des générations. Bien qu’elle figure en tête de l’UE (où la moyenne s’établit à 1,5), la France ne préside qu’un cortège funèbre, où dans l’hiver démographique, s’éteignent en premier les pays méditerranéens de culture catholique comme l’Italie (1,19), l’Espagne (1,34) et Malte (1,19).

Pourquoi ne pas réagir par une politique nataliste ? Si le système par répartition est un pilier de la solidarité, comme le disent tous les gouvernements, pourquoi ne pas miser sur le développement durable de la dynamique familiale ? Ici, la réponse devient politique et tient en trois points :

Le premier relève du psychisme : la natalité rappelle la puissance vitale et destructrice du nazisme, qui fut d’abord un mouvement de jeunesse. Ce passif nous condamne au passé. Tuée dans sa tête, l’Europe se sent appelée à disparaître au profit de principe abstrait que l’UE est justement là pour faire appliquer contre toute volonté européenne de se définir par ses origines, par toute forme d’essence.

Le deuxième fait de la natalité un sujet interdit car il est porté par la droite et qu’il est donc frappé d’illégitimité morale. Seul un spectre « LRN » en parle. Éric Ciotti, président des Républicains, dit que « l’évolution démographique constitue, à terme, la première source de déséquilibre du régime des retraites ». Bruno Retailleau, son alter ego LR au Sénat, affirme que « l’impensé du gouvernement pour cette réforme des retraites est la politique familiale ». Jordan Bardella fait chorus : le président du RN répète que la pérennité du système de retraites passe par « deux leviers : la natalité, avec une grande politique nataliste, et la productivité ».

À gauche, on se méfie d’autant plus du sujet que la droite, adepte à sa manière de la convergence des luttes, cherche à le relier à l’immigration. Ainsi, dans Libération, un billet de Jonathan Bouchet-Petersen désigne la natalité comme « le cache-sexe de l’obsession xénophobe du RN ». Dans deux amendements, ce parti avait demandé la part fiscale pleine pour le deuxième enfant ainsi que des allocations familiales réservées aux Français (ou aux personnes ayant travaillé cinq ans en France). En septembre à l’Assemblée, le RN avait même fait la totale avec une proposition de résolution inspirée de la Hongrie et de la Pologne pour « déclarer la natalité française « Grande cause nationale 2024 » face à une « immigration de peuplement » ». Le sujet risque de rebondir lors du débat autour du projet de loi immigration, à partir du 28 mars au Sénat.

Le troisième point associe la natalité en berne à la « « déconstruction sociale«  que notre société subit ». Dans Causeur, une tribune de Ludovine de la Rochère déclenche l’ « alerte rouge sur les naissances ». La présidente de La Manif pour Tous fustige les choix politiques du hollandisme, en particulier « les conditions nouvelles accolées au congé parental » qualifiées de « catastrophe » mais déplore aussi « l’idéologie woke, l’écologie millénariste, (…) une forme de dépression collective incitant les jeunes à renoncer à la famille ». Un certain extrémisme sociétal, surtout importé des États-Unis, tarit les forces vives du Vieux continent.

Pour ces trois raisons, la natalité a mauvaise presse. Est-ce irrémédiable ? Non, si la raison prévalait sur les passions et si on voyait plus large, comme le fait l‘enquête du Monde sur « le vieillissement de la population ». Le journal reconnaît que le sujet « dépasse de loin le problème des retraites ». Le vieillissement signifie « explosion de la dépendance », qualifiée de « défi majeur », mais aussi « pénurie de main-d’œuvre et épargne bloquée » sans oublier un risque déflationniste et une transmission du patrimoine au ralenti, etc. L’unanimisme et la largeur de vue des experts contraste avec l’infantilisme de postures politiciennes. Citons seulement celle de Sandrine Rousseau, député écologiste, arguant à l’Assemblée que « nos ventres ne sont pas la variable d’ajustement de la réforme des retraites »

« Car, mathématiquement, indique Le Monde, plus un pays vieillit, plus la population en âge de travailler diminue, plus la croissance potentielle ralentit. » D’ici 2030, pour 760 000 postes à pourvoir en moyenne chaque année, seuls 640 000 jeunes entreront sur le marché du travail« Dans certains secteurs, on bat le rappel des retraités pour combler les trous dans les plannings », précise Dorian Roucher de la Dares (direction statistique du ministère du travail). « Ce bricolage ne peut tenir lieu de politique à long terme », ajoute-t-il.

Avec 723 000 naissance en 2022 en France, au plus bas depuis 1946, il n’est plus urgent d’attendre.

Louis Daufresne


Source

 

MAV : J’en profite pour rappeler le livre que j’ai écrit sur le sujet :

Pilule, IVG… l’électrochoc.

https://www.clcfrance.com/produit/pilule-ivg-lelectrochoc-mavp010-9782951435391.

Les chrétiens qui le lisent en sortent souvent… électrochoqués !