Tu as devant toi la vie et la mort, choisis la vie ! (Deutéronome)
Le Docteur Bonnemaison vient d’être acquitté par la justice française, acclamé par un groupe de supporters.
Il avait décidé seul d’abréger la vie de plusieurs personnes âgées malades, et cela – dit-il – au nom de sa conscience de médecin.
Le Conseil de l’Ordre ne l’entend pas de cette manière, car non seulement le serment d’Hippocrate est un engagement à servir la vie jusqu’au bout, mais une décision d’intervenir sur la fin de vie devrait être prise en accord avec d’autres membres de l’équipe médicale et surtout en concertation avec la famille. Ce n’a pas été le cas semble-t-il, même si des familles se sont ralliées ensuite à la cause philosophique du Dr Bonnemaison, décidant un peu vite que leurs chers disparus avaient été » libérés « .
Car il y a intervention et intervention. Bien sûr l’acharnement thérapeutique n’est pas en soi une bonne perspective. S’il s’agit de prolonger artificiellement la vie d’un malade sans aucun espoir de guérison, il est légitime de laisser partir naturellement la personne. Le pape Jean Paul II en fin de vie avait lui-même demandé à ce qu’on ne lui donne pas une survie artificielle grâce à des machines, alors que son organisme avait épuisé toutes ses limites.
Mais lorsque un médecin ou une infirmière prend seul la décison d’interrompre la vie d’une personne malade ou âgée, parce que – en fonction de ses critères subjectifs – il ou elle estime qu’il est préférable de ne pas laisser s’accomplir le cours naturel, on passe à une euthanasie active, éthiquement inacceptable pour ceux qui croient à la dimension spirituelle ainsi que pour l’institution médicale.
J’ai eu l’opportunité de vivre en tant que prêtre une expérience peu commune récemment. On m’appelle un jour au téléphone : une femme désespérée, qui me dit en pleurant que son mari s’est inscrit à Exit (organisme suisse d’assistance au suicide) Elle a fait appel à moi sur la recommandation d’un de ses amis de ma paroisse précédente. Je me rends au domicile du couple. Cette personne m’accueille à la porte et me dit avec émotion : je viens d’apprendre ces jours-ci que mon mari s’est inscrit à Exit, car il ne supporte pas d’avoir un cancer généralisé et il veut abréger sa fin de vie. Christiane me conduit au chevet de son mari ; il s’appelle Joseph, et n’a pas très bonne mine, marqué par la fatigue due à la maladie. Une pile de boîtes de médicaments s’entasse sur sa table de chevet.
Nous commençons alors une discussion, je me mets à son écoute et Joseph me déverse toute sa révolte envers la vie. Pourtant, il a deux enfants qui vivent à l’étranger, il est grand-père, sa femme est à ses côtés jour et nuit, il ne souffre pas physiquement de son cancer qui s’est généralisé, mais il veut en finir au plus vite, dit-il, car il ne supporte pas de se voir en tant que malade. Je comprends en l’écoutant que Joseph a été un homme qui a tout réussi, brillante carrière, situation florissante et aisée, famille gratifiante, belle villa et train de vie, mais, lorsqu’il apprend le diagnostic médical implacable, pour lui tout s’écroule. Il est renversé brutalement de son piédestal social, son personnage vole en éclat, malgré l’amour de son épouse et la réussite de ses enfants.
De semaine en semaine, je suis revenu parler avec lui une dizaine de fois, pour qu’il découvre par lui-même les raisons réelles de son choix de se faire donner la mort. Puis, au fil des échanges et des moments forts de spiritualité, éclairés par l’Ecriture sainte, Joseph a renoncé finalement à Exit, et il s’est désinscrit ; cela, après un cheminement paisible dans une foi retrouvée.
Une année après notre première rencontre, Joseph quittait ce monde, réconforté par les sacrements, délivré de sa révolte, et de nouveau en harmonie avec les siens. Il s’était remis entre les mains de Dieu et avait offert les souffrances morales dues à son état, avec la conviction d’avoir recouvré sa liberté intérieure face à la mort, ce qui était déjà un avant-goût de la vraie vie.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour Dreuz.info.
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