En 2001, la médecine française était la meilleure du monde selon l’OMS. Cinquante ans d’errement (le calamiteux numerus clausus date de 1971…), droite et gauche confondues, ont abouti à l’effondrement que dénonce le professeur Perronne dans cette conférence donnée début mai au Cercle Aristote.

Une heure trente de constats impitoyables. Deux courts extraits :

“Le plus terrible, ce sont les urgences. Vous avez sans doute vu il y a quelques semaines un reportage sur les urgences du centre hospitalier d’Orléans. C’est pareil dans d’autres villes. Un député du Loiret m’a confirmé au téléphone que c’était la catastrophe. Il y avait des personnes qui étaient alignées sur des brancards dans des couloirs qui faisaient des dizaines de mètres de long, qui attendaient trois ou quatre jours pour être prises en charge. Il y avait trois pauvres infirmières qui étaient là – je ne les accable pas parce qu’elles étaient complètement débordées, elles géraient ceux qui mourraient avant les autres, elles n’avaient pas le temps de s’occuper de tous les patients – Il y avait des personnes âgées sur leur brancard qui voulaient faire pipi, qui pissaient, qui caguaient dans leur brancard. Les infirmières reconnaissaient qu’elle n’avaient même pas le temps de les nourrir : on ne leur donnait pas à manger. J’espère qu’on leur donnait un petit peu à boire – en quatre jours ! – Pendant des années, on a dit qu’attendre trois heures aux urgences, c’est pénible, mais là c’est pas trois heures, c’est trois ou quatre jours ! Et ça, c’est pas dans un pays “en voie de développement”, c’est en France, qui avait la meilleure médecine du monde. Tout cela est volontaire. C’est la destruction des services publiques et de l’hôpital public !”

“Promotion de la médecine rentable : j’ai adoré ce mot… On a organisé la concurrence déloyale entre les cliniques privées – que Sarko a appelées les hôpitaux privés, maintenant ce sont des hôpitaux… – sachant que les cliniques s’orientaient vers des malades rentables et ne prenaient plus en charge les malades pas rentables qu’ils éjectaient vers le public. Il y a quelques années, j’avais fait une conférence à Blois, il y avait un jeune médecin qui était responsable des maladies infectieuses. Quand il était arrivé à l’hôpital – c’étaient tous des médecins de la même génération, chirurgiens, anesthésistes, radiologues, ça faisait une bonne équipe, l’hôpital marchait très bien – Et un jour “ils” sont arrivés avec les fonds privés, ils ont mis en face de l’hôpital des urgences privées qui orientaient les gens selon leur carte de crédit, leur assurance, etc. et leur pathologie… “Vous êtes un cas pourri qui ne rapporte pas, vous allez en face. Sinon, il y a une clinique qu’on vient de construire juste à côté, c’est super. Après, “ils” sont allés démarcher les chirurgiens, les anesthésistes, les radiologues, en doublant leur salaire, en disant : “Quittez l’hôpital, venez chez nous, c’est beaucoup mieux”. Ce fut une véritable hémorragie. L’hôpital public n’arrivait plus à faire les urgences de réanimation. Ils devaient aller chercher des médecins étrangers à Tours. Désorganisation complète, une horreur. Si un diabétique a un pied qui est en train de pourrir, on sait qu’on peut sauver son pied avec des soins pendant des semaines à l’hôpital, tous les jours des pansements, beaucoup de soins infirmiers, etc., ça ne rapporte rien à l’hôpital, ce sont des séjours très longs qui sont très coûteux. En revanche, s’il va à la clinique du coin qui lui coupe le pied, c’est le jackpot pour la clinique… Dérive d’un système machiavélique”

Une politique élitiste aux conséquences catastrophiques, alors qu’on assite à la paupérisation accélérée des classes moyennes et populaires françaises.

On attend que s’ouvre l’ère des grands procès à l’encontre des responsables de cette situation qui se solde a minima par des milliers de morts.

I have a dream ?…

Henri Dubost

In girum imus nocte ecce et consumimur igni