Le prophète savant est une personne affligée d’un autisme céleste qui la rend quasiment incapable d’avoir des relations normales avec ceux qui l’entourent. Accusé d’être froid et distant, il est enclin à se soustraire au regard des gens, en se retirant dans un monde qui lui est propre. Il ne semble jamais être tout à fait « là ».
Même s’il s’oblige à descendre sur Terre par moment, ceux qui l’entourent peuvent avoir l’impression qu’un dialogue a lieu quelque part à l’intérieur de lui, une communion secrète qui se passe sous la surface et ne lui permet jamais d’être « complètement présent ».
Comment pouvons-nous expliquer cela? En tant que prophète savant, il voit, entend et se comporte différemment à l’égard du monde que le reste des gens. Ils n’ont pas vu ce qu’il a vu; ils n’ont pas entendu ce qu’il a entendu. Il rencontre donc très peu de camaraderie, très peu de sympathie ou de compréhension, personne à qui il puisse ouvrir son coeur et partager ce qui est à l’intérieur de lui, parce qu’eux et lui ne parlent plus le même langage. Bien sûr il peut avoir des échanges superficiels avec tout un chacun: on peut l’approcher, il n’est pas hautain et n’a pas une trop haute opinion de lui-même. Il peut même être attachant et d’apparence agréable.
Pourtant il y a dans son comportement quelque chose qui diffère tant du monde qu’il est plus souvent effrayant qu’amical, malgré ses efforts les plus grands. C’est un autiste spirituel, et quelle que soit l’énergie que vous puissiez mettre pour le connaître, en général vous n’y parvenez pas, et d’une certaine façon, il résiste même à ceux qui essaient.
Si on doit définir un prophète, alors c’est un extra-terrestre – au-dessus de la Terre. Il marche sur la Terre comme les autres, mais il n’est pas de la Terre. Il est de plus loin; il est d’en-haut. Si nous retraçons son histoire, nous remarquerons qu’il a pu avoir ou non une enfance normale. Il a pu ou pas passer par des expériences extraordinaires. Mais à un moment dans sa vie, soit en tant qu’enfant, soit en tant qu’adulte ou homme âgé, quelque chose venant d’un autre monde a transpercé la fine membrane qui se trouve entre le Ciel et la Terre et s’est saisi de lui. Cela a pu être un buisson ardent, une Voix s’adressant à lui par-delà le voile, ou une Vision Céleste qui l’a amené brièvement en contact avec quelque chose et Quelqu’un qu’il ne pouvait pas complètement comprendre.
Quoi qu’il en soit, cela s’est produit, au moins momentanément, les nuages ont disparu et le voile a été déchiré, et il a vu quelque chose d’invisible; il a entendu quelque chose d’inaudible; les Cieux eux-mêmes se sont ouverts au-dessus de lui, et il a jeté un regard dans un autre monde. Les choses qu’il a vues et entendues sont pour lui un fardeau comme si on avait posé un manteau sur ses épaules. Il en sent le poids, jour et nuit sur lui, qu’il mange ou qu’il boive, qu’il travaille ou qu’il se repose. C’est l’impression que tout ce qui l’entoure est un mensonge et que c’est ce qu’il a vu et entendu qui est la Vérité, et cette Vérité n’est pas statique, mais elle est vivante, elle grossit et grandit en lui depuis le jour où il l’a reçue sous la forme d’une petite graine.
Pendant longtemps il va lutter pour trouver des mots et un vocabulaire pour exprimer l’inexprimable. Il ne peut pas dire pourquoi il ressent le besoin d’essayer de l’exprimer, mais pour une raison inexplicable quelque chose le pousse à ouvrir sa bouche, ou à prendre sa plume, et à le faire connaître. Quelle qu’elle soit, cette chose qu’il a reçue ne lui permettra pas de la savourer ou de la garder pour lui-même, et elle semble résolue à toujours revenir à la surface et à interrompre le cours normal de sa vie. Ce processus peut être frustrant et douloureux, à tel point qu’il peut abandonner à plusieurs reprises, se contentant de simplement marcher dans ce qu’il a vu et entendu et d’en rester là.
Mais il a beau essayer, il ne peut échapper à ce qu’il a vu et entendu, et il ne peut aller contre le désir irrésistible de le partager. D’un côté il aspire à une vie « normale », mais de l’autre, il sait qu’il ne peut renier ce qui lui a été révélé. Quand il parvient modestement à articuler quelque chose émanant du Ciel, cela le satisfait sur le moment, mais rapidement l’impatience monte en lui, et l’insatisfaction le gagne à nouveau de ne pouvoir partager ce qu’il a vu et entendu. Et ainsi le processus recommence, la recherche continuelle de mots pour énoncer de façon plus parfaite ce qu’il essaie de communiquer (avec la crainte de ne pouvoir jamais l’exprimer de façon adéquate), ce qui l’amène à inventer des nouveaux mots, ou à rechercher des paroles inspirées par l’Esprit dans une langue inconnue qui puisse être traduite dans une langage compréhensible par les autres.
Les anciens prophètes appelaient cela fort justement « le fardeau du Seigneur », car c’est comparable à une femme qui devrait vivre le restant de sa vie en état de travail permanent, donnant naissance toujours à nouveau au même enfant. Le soulagement ne vient qu’en se déchargeant du fardeau, mais il n’en est pas réellement libéré pour autant: cela lui permet juste de reprendre son souffle jusqu’à ce que la prochaine contraction le surprenne. Le fardeau l’accompagne le reste de sa vie, et il ne peut jamais en être entièrement déchargé.
Même lorsqu’il tente de désobéir à la Vision Céleste et de fuir loin de la présence du Seigneur, il est poursuivi et traqué comme un animal sauvage qui se serait échappé, sachant que ce n’est qu’une question de temps avant d’être à nouveau capturé. La Voix ne le quitte jamais, la Vision ne le laisse jamais aller. Quand il refuse de parler, le feu qui le consume devient de plus en plus brûlant, jusqu’à ce que, cessant de résister, il fasse ce qu’il doit pour se libérer lui-même d’une tension insupportable et d’une pression intérieure. Quoi qu’il fasse, il ne peut pas éteindre ou étouffer le feu, il ne peut qu’être obéissant et trouver un court repos, jusqu’à la venue de la prochaine parole, et cela recommence.
Il se peut qu’il supplie Dieu d’envoyer quelqu’un d’autre, et qu’il proteste de son incapacité à parler ou à écrire. Mais il est déjà inapte pour toute autre chose, et même quand il renie le Seigneur Qui l’a appelé pour retourner à son occupation ultérieure, tout lui semble sans intérêt et sans vie, et il ne rencontre rien d’autre que la frustration et l’échec. Il n’y a pas moyen d’y échapper. Il sait qu’il est appelé à quelque chose de plus Elevé, même s’il s’accroche à tout ce qu’il peut pour rester en bas.
Tout comme un cheval sauvage, il résiste au Seigneur et doit être brisé avant de pouvoir obéir. Il apprend finalement à ne pas résister au Seigneur, mais à coopérer avec Lui. Pour survivre, il devient flexible et malléable. Toute sa vie est maintenant liée à ce qu’il a vu et entendu. Il ne peut pas désobéir à la Vision Céleste, et si cela signifie mourir, alors il mourra. Si cela signifie renoncer à tout ce en quoi il a cru un jour, alors il y renoncera – à contrecoeur au début, mais joyeusement ensuite. Si cela signifie courir le risque de tout perdre, alors il sera prêt à le perdre.
Avec le temps celui qui a vu et entendu devient l’essence même de ce qu’il a vu et entendu. L’Homme devient le Message. Il porte le Témoignage en lui-même, il devient un avec lui. Il n’a pas besoin de préparation pour parler; en fait, la préparation ne l’aide en rien pour apporter le message, et cela l’en empêche souvent. Toute sa vie est une préparation, et comme il est le message, celui-ci est constamment avec lui. Il ne peut pas davantage se séparer du Message qu’il ne peut séparer sa tête de son corps. S’il y a un interrupteur, alors cela fait longtemps qu’il a été mis sur « On », et étant hors d’usage, il ne peut être à nouveau sur « OFF ». Après avoir été préparé pendant des années par le Seigneur, il finit par réaliser que ce que le Seigneur essayait de faire avec lui, ce n’était pas simplement lui DONNER un Message, mais FAIRE de lui un Message; de gagner pour Lui-même un Messager et de se l’approprier entièrement, faisant pénétrer le Message au plus profond de son être.
Et c’est ainsi qu’il remplit ses responsabilités quotidiennes, constamment hanté par cette Voix, déchiré entre les tâches domestiques qui lui demandent des efforts physiques et mentaux et l’Appel Céleste qui exige toute son attention. Il sait qu’il devrait faire toute chose, petite et grande, comme pour « le Seigneur ». Mais il sait aussi qu’un combat mortel se déroule au-dessus de lui entre les Cieux et la Terre, alors qu’il se tient là au milieu, déchiré entre les deux, désirant déjà quitter la Terre et être avec Christ, mais sachant qu’il est plus profitable qu’il reste pour ses frères.
Les Cieux l’appellent à s’élever, mais la Terre lui demande de garder fermement les pieds sur terre. Son coeur se brise constamment et aspire à partir, à s’élever, à monter, à cesser de voir comme à travers une vitre épaisse et de voir face à face, sans être distrait par ce qui est naturel, charnel, temporel, parce qu’il sait que la Terre n’est pas sa maison. Pourtant il lutte avec le fait que la Terre est l’endroit où il doit vivre et travailler. C’est la raison pour laquelle il semble parfois avoir des difficultés pour gérer tout cela.
En tant que savant il possède une connaissance et une capacité que les autres n’ont pas. Mais c’est un don, rien qui vienne de lui-même, rien dont il puisse se vanter. Si nous lui demandions s’il considère cela comme une bénédiction, il nous dirait probablement que cela ressemble davantage à une malédiction, parce que cela le met à part des autres même quand il fait de son mieux pour rester caché et se mêler aux autres. Il ne peut pas lire les Ecritures comme les autres le font, car à peine a-t-t-il lu quelques versets que les Cieux s’ouvrent à nouveau pour lui et il se perd dans leurs profondeurs. Un simple passage peut l’occuper pendant des mois alors que les Cieux le lui dévoilent, et il ne peut pas s’en détourner de lui-même.
Sa prédication en est affectée, parce qu’il ne peut pas savoir à l’avance ce qu’il va dire, et même quand il aimerait apporter quelque chose de nouveau et d’excitant, il finit par dire les mêmes choses comme « repentez-vous! ». Souvent il ne dit pas ce qu’il aimerait dire, et ne le dit pas de la façon dont il aimerait le dire. S’il veut être sérieux, il finit par rire. Et quand il souhaite être sympathique, il finit par pleurer devant une congrégation de personnes surprises, qui se demandent comment on a pu permettre à cet homme d’entrer dans leur sanctuaire. Quand il quitte un endroit, il ne voit presque jamais le résultat de son labeur et seule l’Eternité pourra révéler la vraie signification de ce qui a été dit. Pour l’instant tout est caché, et il vit avec le fait que son fruit ne sera jamais mesuré en des termes que les êtres humains, lui compris, peuvent voir ou apprécier.
Il ne peut pas se contenter des gesticulations de la religion comme la plupart des mortels. C’est quelque chose de mort et de superficiel pour lui, incomparable avec la réalité de ce qu’il a déjà expérimenté. Il lui est difficile d’écouter d’autres personnes prêcher quand il sait qu’elles ne sont pas encore montées dans les hauteurs, ni n’ont plongé dans les profondeurs qu’il a déjà parcourues. Et quand il essaie de les conduire lui-même dans ces hauteurs et profondeurs, il est souvent mal compris ou rejeté. Alors soit il participe à la réunion et souffre en silence, soit il reste à la maison et souffre dans la solitude; mais de toute façon il souffre.
Sa vue est affectée par une sorte de « dyslexie spirituelle ». Alors que les autres voient les choses dans une ou deux dimensions, il les voit à travers plusieurs dimensions d’un coup – en avant, en arrière, à l’envers, de bas en haut, recto verso: la vie et la mort, la lumière et les ténèbres, l’Esprit et le Chair, le Céleste et le Terrestre – ce qui l’amène souvent à être en désaccord avec ses frères les plus pragmatiques, et dont les doctrines sont les plus justes. Il est si uni à ce qu’il a vu qu’il en parle comme si cela s’était déjà passé, parce qu’il l’a par essence déjà expérimenté et vécu. C’est la Tension du Prophète, qui appelle les choses qui ne sont pas comme si elles étaient. Dans son monde, le monde de l’esprit, elles existent déjà. Nous appelons cela « une prédiction » car nous ne pouvons pas encore le voir avec nos yeux naturels, mais il se tient tout simplement en dehors du temps et voit le Passé et le Futur comme un Présent continu et sans interruption.
Son ouïe est si affectée qu’il est de plus en plus sensible à ce qui l’entoure, même s’il semble ne pas y prêter attention. Il écoute, mais il écoute intérieurement. Il ne fait plus confiance à ses oreilles naturelles, parce que la Voix Céleste et le témoignage intérieur sont plus fiables. Ainsi, il est capable d’entendre la voix de Dieu, alors que le reste de la foule dit « C’est le tonnerre », « C’était un ange! » Il est aussi capable d’entendre quand Dieu ne parle pas, et il ne se joint pas aux multitudes qui clament parler, voir, et entendre des choses de la part de Dieu, alors qu’en réalité, elles n’ont rien entendu ou vu venant des Cieux. Il ne peut pas supporter de les écouter.
Sa concentration est affectée à un tel point qu’il apparaît aux autres comme obstiné et inflexible. La vérité est qu’il est en réalité flexible et malléable devant le Seigneur, mais devant les hommes il est aussi solide et impénétrable qu’un roc. Tous les arguments et les persuasions des hommes ne le feront pas changer d’avis – mais le touché le plus léger du Seigneur le mettra à genoux. En ayant découvert la Seule Chose qui soit nécessaire, il va impitoyablement et avec ténacité laisser de côté les « nombreuses choses » auxquelles les foules attachent tant d’attention, car il considère toutes les autres choses comme des distractions. En fait, il est prêt à sacrifier le bien pour obtenir le saint. Et quand le Seigneur a capté son attention sur une chose particulière, il est comme un rayon de soleil focalisé sur un certain point jusqu’à ce que tout fonde devant lui.
Même ses prières en sont affectées, car il ne peut plus prier comme il veut et pour ce qu’il veut. Il ne semble pas avoir de volonté pour lui-même. À la place, la Voix Céleste l’invite à prier dans une perspective Céleste, qui est très souvent opposée à la perspective Terrestre. C’est pour cela que lorsque les frères et soeurs prient pour la bénédiction et l’accroissement, il se met à prier pour la destruction et la diminution; et quand ils résistent et prient contre quelque chose, il se met à demander à Dieu d’accomplir précisément la chose qui est combattue par les autres.
Pour le reste du monde, le savant autiste est un génie retardé, une mélange informe de stupidité et d’intelligence, retenu captif dans un monde qui lui est propre. Le prophète savant porte des stigmates similaires. Mais si vous vous intéressez un peu à lui, vous découvrirez qu’il considère tout cela comme absolument normal; c’est ainsi que cela doit être. Il ne souhaite plus avoir une vie normale, parce que c’est la vie qu’Il a maintenant qui EST normale: il a perdu sa propre vie en échange d’une nouvelle vie. Il vit dans les Cieux bien qu’ayant les pieds sur Terre. Il ne se considère pas comme quelqu’un de spécial, différent d’une personne normale, mais il se demande souvent à haute voix pourquoi les autres ne peuvent pas voir ce qu’il a vu alors que c’est si évident et si clair. Il en est peut-être ainsi pour lui, mais le reste d’entre nous sommes aveuglés par la lumière qu’il dégage sans le savoir.
Chip Brogden
Copyright ©1997-2008 TheSchoolOfChrist.Org
Dans le même esprit:
Laisser un commentaire
Vous devez être identifié pour poster un commentaire.