Source: F.S.

TRIBUNE — L’Occident s’est longtemps cru à l’abri de mouvements talibans, ces gardiens de chèvres qui ont rendu la vie impossible, condamné à mort ou à la dégradation sociale les intellectuels d’Afghanistan.

Nous avons les nôtres. Le wokisme, le covidisme, et l’Ukraine en ont fait des notables. Leur relation contractuelle avec les réseaux sociaux, en ont fait des prédateurs. Ils doivent veiller à la conservation de leurs petites entreprises de délation d’une part, leur respectabilité de l’autre.

Comme leur influence est en perte de vitesse, pour maintenir le niveau de trafic d’influence auquel ils se sont habitués, ils doivent se radicaliser. Traquer les scientifiques avec plus de sévérité redevient une priorité, alors que l’hypocondrie collective semble en chute libre. L’Express s’en fait le relais: « Faut-il sanctionner les chercheurs qui dérapent ? » Comment un chercheur peut-il déraper, est la première question qui passe par l’esprit. L’histoire de la science en prend un coup. L’Express, comme la plupart des médias de masse tombés en disgrâce, à l’instar des déconspirateurs, débunkeur, vérificateurs, traqueurs de fake news, décrypteurs et autres barbarismes de charlatans, place la condition scientifique sur le même pied que celle d’un l’influenceur. La science serait de l’opinion.

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« Depuis de deux ans, scientifiques et chercheurs n’ont jamais eu autant d’influence. Ils ont guidé le gouvernement [NDLR : un peu de propagande façon vieille école, au passage pour le gouvernement d’Emmanuel Macron], défilé sur le plateau de télévision et accordé d’innombrables interviews afin de vulgariser la science auprès du grand public. » Ça ce seraient les scientifiques autorisés. Ceux qui ne sont pas dans la recherche, mais dans la communication politique. Mais « tout n’est pas rose pour autant », lâche l’Express. « Du Pr. Didier Raoult à Laurent Toubiana, en passant par Jean-François Toussaint, sans oublier, l’ancien Prix Nobel Luc Montagnier, de nombreux chercheurs se sont illustrés par leur dérapages. » « Les sanctions ont été rares », se lamente l’auteur. Ils ont été bloqués, ridiculisés, réduit au silence, ont parfois perdu leur travail, une carrière entière vouée à la science et à la médecine ruinée ; mais la mort sociale et professionnelle ne saurait être un sort suffisant.

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L’auteur considère que le peu d’audience dont disposent encore ces personnalités qui, il y a encore deux ans étaient considérées comme des sommités, se doit au fait que les journalistes « sont nuls en science ». Comprendre : pas comme lui. Il y a chez les débunkers – qu’ils travaillent pour de grands médias ou disposent de leur petite boutique -, ce je ne sais quoi de pédant observé chez les talibans. Ce côté dogmatique de l’ignorant et des jugements définitifs qu’il émet de ses victimes. Ils se sentent omniscients.

Le trait typique du charlatan consiste à inventer des concepts pour habiller le ridicule de leur propos. Toute chose qui du temps de Molière se savait déjà. S’ils disposent de cette prérogative régalienne de décréter le bannissement médiatique, académique, social des scientifiques non oints c’est qu’ils entendent de tout et savent mieux que quiconque, de toutes les disciplines. Dotés de parcours académiques plutôt médiocres, sans pour autant être de brillants autodidactes, orphelins de toute reconnaissance intellectuelle avant de s’être créé leur kiosque de vérificateur, les grandes figures de la censurosphère, disposeraient à les en croire de savoirs comparables à ceux du CNRS ou du MIT réunis. En cinq minutes, ils peuvent décréter que l’apport d’un scientifique est de l’ordre du ni fait ni à faire, là où pour leurs pairs, il faudrait plusieurs semaines, voire des mois, pour évaluer la portée scientifique.

Lorsque Christian Vélot avait alerté, notamment dans les colonnes de FranceSoir, sur le risque de recombinaison virale du vaccin administré de manière indiscriminée sur des populations pouvant être en train de transiter une infection et du risque de la vaccination généralisée, il avait été qualifié de conspirationniste par les censeurs. Car Christian Vélot « n’est que » docteur en biologie et maître de conférences en génétique moléculaire. Il n’est « même pas » virologue. Selon les talibans, il n’aurait jamais dû s’exprimer sur un sujet n’entrant pas directement dans son champ de compétence. Néanmoins, les personnes qui ont orchestré son bannissement des réseaux sociaux et médias, non seulement ne sont pas virologues, mais pas même scientifiques.

Le charlatanisme des débunkeurs a eu pour effet qu’à partir de 2020, informer sur des statistiques officielles est devenu une activité qui demande du courage. La semaine dernière, le professeur en biochimie Éric Chabrière, reprend dans un tweet les chiffres de la DRESS, démontrant qu’un vacciné avec rappel à deux fois plus de chances d’attraper le covid qu’un non vacciné.

https://twitter.com/EChabriere/status/1540301093367959552?s=20&t=ffBRBo1RFoY36Cjk-aFmqQ

Un geste aussi innocent devient téméraire. Certes, depuis qu’Elon Musk a fait mine de racheter Twitter, ce type d’informations résiste aux orques de la censure. En février 2020, toute personne qui aurait publié les chiffres du ministère de la Santé démontrant qu’il n’y avait pas davantage d’occupations de chambres en soins intensifs que pour la même période en phase de grippe saisonnière aux cours des années antérieures, aurait été traité de « négationniste ». Cette meute de talibans, sans aucune légitimité scientifique, a la capacité de faire délister des sites, pourrir la vie d’esprits libres, réduire au silence des voix essentielles.

« Vérifié et sourcé », disent-ils du matériel de propagande distribué. Sourcé à leur source et vérifié par eux-mêmes. Lorsqu’Emmanuel Macron annonce « 400 000 morts quoi que l’on fasse », ce terrorisme verbal complétement loufoque, heureusement sans relation avec les faits, n’est dénoncé à aucun moment, comme un sinistre fake, par les Obersturmführer de l’info. Car ce charlatanisme, qui ne trouve grâce qu’aux modélisations statistiques, est foncièrement partisan. Pas une fois, ne serait-ce que pour donner une illusion d’équidistance, il n’a pointé du doigt une des énormités imposées comme vérité, voire débusqué un des conflits d’intérêt des scientifiques de plateau. En revanche, il a impitoyablement fait taire un par un tous ceux qui ont eu le toupet de le signaler.

Le Canard Enchaîné vient de sortir un « dossier spécial» sur les fausses informations, reprenant un part un les poncifs de la censurosphère. Dans plusieurs articles, est cité le blogueur Rudy Reichstadt. Un sujet à la formation incertaine, expert du persiflage, délation, dont la boutique s’appelle Conspiracy Watch, pompeusement intronisée comme « Observatoire du conspirationnisme » et des théories du complot. Les citations de ce Savonarole imprègnent tout le dossier du Canard, lequel en ses heures de gloire aurait été une victime de choix. Dommage pour le Canard. Il nous a manqué, lorsque nous en avions le plus besoin.

Une stratégie qui marche pour détruire un intellectuel ou scientifique qui « dérape » est d’en faire un antisémite, ipso facto. En charlatan, esprit critique se dit conspirationnisme et pour Reichstadt, l’antisémitisme est l’antichambre du complotisme. Ergo tout scientifique, journaliste, intellectuel, citoyen « dérapant », est de substrat antisémite.

Peut-être un vieux reste de réflexe conditionné, dans son dossier spécial, le Canard consacre un article à la manière dont les boutiques de censure s’enrichissent au travers de leur stratégie de harcèlement. Un sujet pourtant tabou. Facebook a noué avec plusieurs médias dans le monde des contrats pour traquer les fake news. Et pour pouvoir participer à la chasse, il faut exécuter des critères homogénéisés globalement. Peut-il y avoir une mécanique plus précise pour atteindre la pensée unique ? Question que se serait posé la génération antérieure des journalistes du Canard Enchaîné. « Seul Libération, qui est sorti du partenariat avec Facebook en mars 2021, a donné des chiffres : officiellement 236 000 dollars en 2019. Chaque article débunké était payé entre 800 à 1000 euros […] Le Monde et l’AFP aux cellules de fact-checking beaucoup plus importantes, ne pipent mot, mais nul doute que pour l’agence de presse qui se targue d’être le « principal réseau de fact-cheking dans le monde », cela se chiffre en millions ».

L’énormité du conflit d’intérêt est saisissante. Ces titres ont intérêt à diaboliser pour faire du chiffre. Et il est possible de facturer à double fenêtre, côté réseaux sociaux et côté pouvoir politique. Voire à triple fenêtre, lorsque des fondations étrangères mettent la main à la poche. Il s’agit d’un business model de censure et délation circulaire. Certes, il existe quelques illuminés qui se sentent investis d’une mission. Typiquement il s’agit de ce type de personnalité dont tout en eux, corps et âme, réclame l’embrigadement. Mais ils constituent une minorité. Pour la plupart, la censure est une histoire de gros sous. D’où l’intérêt de stigmatiser le libre arbitre et la pensée critique, afin de maintenir le cheptel de complotistes à un niveau de menace perçu comme suffisamment sérieux. Ils sont les prédateurs de la pensée, nous sommes les trophées.

Mais au-delà du négoce misérable consistant à imposer cette asphyxie de la pensée et l’ostracisme des intellectuels, voire l’induction au suicide d’un certain nombre d’entre eux, comme aux Etats-Unis au travers de la cancel culture, il y a l’infiltration de l’éducation nationale. Car bien entendu, il faut former les esprits très tôt à considérer l’esprit critique comme néfaste.

Viendra peut-être un jour, où se lèvera un groupe de parlementaires qui se respecte pour faire de ce délit contre la pensée, dans lequel colligent la diffamation, le harcèlement, le trafic d’influence, un délit majeur contre le droit de presse, le droit des personnes. La représentation populaire devrait exiger des informations sur les ressources humaines de ces officines de sous-traitance de la propagande. Quelles sont les sources du « sourcé et vérifié », la méthode mise en place, les financements externes, la facturation à des tiers tels que les grands réseaux sociaux, l’usage d’algorithme et de mots clés, dédié exclusivement au harcèlement de dissidents, la responsabilité civile du fait de l’impact de la censure d’informations sanitaires cruciales, leur relation non déclarée avec le pouvoir ou des fondations défendant des agendas spécieux, les autorisations données par qui et pourquoi à l’exercice de ce rôle de police de la pensée. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement notre modèle de société, la démocratie. C’est l’intelligence, la science elle-même.