À l’occasion de Souccot, parlons de tentes et d’édifice, de fondement chrétien et de fondement hébraïque.
Peut-on être contre une « Eglise christocentriste », une Eglise dont Christ est au centre de notre foi, un fondement unique, car, nous dit Paul, (1Cor 3 :11) ?
– Non, on ne peut pas être contre. Cependant, le Seigneur nous apprend que nous devons considérer « toutes les Ecritures », et ne pas nous appuyer sur un seul verset. Ce qui est visé dans ce texte est un christocentrisme réducteur.
Le même Paul nous dit en Eph 2 :20 : « Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire. En lui tout l’édifice, bien coordonné, s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur ».
Qu’est-ce que cela nous apprend ?… Que Christ est la pierre angulaire de l’édifice, et que les apôtres et les prophètes de l’AT en sont les supports. C’est-à-dire que Christ harmonise le tout et le soutient, en sachant que toute l’Ecriture est comprise dans le fondement. Christ est « existant de toute éternité », et notamment Il a été le soutien d’Israël en tant que peuple/nation durant toute son histoire – l’AT contient la Première Alliance ou Alliance tout court, le NT ou Alliance renouvelée l’accomplit.
Jésus s’est inscrit en faux contre un christocentrisme réducteur; et entre autres, dans ce passage ci-dessous, qui inclut toute l’Écriture – Loi (Torah) et Prophètes : « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi (Torah) ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car je vous le dis, en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, pas un yota (youd hébreu), pas un point sur le yota (le point sur le youd) ne passera de la Loi, que tout cela n’advienne » (Mat 5, 18, cp Luc 16,17).
Une théologie ecclésiocentrée
Quand tout tourne autour de l’Eglise, sans tenir compte des promesses faites à Israël, sans considérer la parole prophétique à laquelle l’apôtre Pierre nous demande de prêter attention, qui touche l’Avènement du Messie-Roi, peut-être faudrait-il utiliser le terme d’Ecclésiocentrisme.
Pierre tente de nous avertir (2Pi 1 :19) : « Nous tenons pour d’autant plus certaine la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ».
Je cite un théologien catholique messianique, Menahem Macina :
« Cette christologie pléthorique trouve un renfort naturel dans une théologie très ecclésiocentrée qui considère, explicitement ou implicitement, que l’Église a pris la place du peuple juif. Sous-jacente aux écrits de certains théologiens de cette mouvance, se dessine souvent l’image d’une espèce de couple Christ-Église, certes dogmatiquement recevable en christianisme – d’autant que Paul lui a donné ses lettres de noblesse (cf. Ep 5, 28-32) -, mais qui a le double inconvénient d’exclure Israël de cette Église et de faire la part trop belle à une Chrétienté idéalisée – alors qu’elle est aussi pécheresse que le fut le peuple juif – et oublieuse du « ne t’enorgueillis pas ! » de Paul (cf. Rom 11, 20).
Plus loin, Macina écrit :
« À grand renfort de textes scripturaires et patristiques – dont certains sont irrécusables -, ces théologiens s’efforcent d’accréditer la triade : Dieu-Christ-Église, autour de laquelle gravitent, tels des astres errants qu’il convient de faire rentrer dans l’espace-temps de l’Église, outre le judaïsme, élu déchu, les autres religions, ainsi que les myriades d’hommes et de femmes qui sont encore dans les ténèbres de l’incroyance. C’est cette conception qui a donné naissance à la formulation, reprise de saint Cyprien (IIIe s.) : « Hors de l’Église, pas de Salut ».
« Demeure dans les tentes de Shem »
C’est l’injonction de Noé faite à son fils Yaphet et sa descendance Yavan (la Grèce), de ne pas quitter la pensée hébraïque, symbolisée par « les tentes de Shem ».
Yaphet signifie « qui s’étend » et parle de l’Occident en général qui fut influencé grandement par la philosophie grecque, et le Père de l’Eglise par excellence, St Augustin (4e après JC). Influencé par Platon (5e av JC), Plotin (2e après JC, philosophe gréco-romain représentant du courant néoplatonicien), St Augustin est le penseur chrétien, le docteur de l’Eglise, qui influença la pensée catholique romaine mais également les Réformateurs protestants.
La lecture de la Bible qu’il généralisa fut selon le principe de l’Allégorie – voici une définition :
– En son principe, l’allégorie entend s’opposer à une interprétation littéraliste… Israël, Jérusalem, Sion, deviennent l’Eglise. Dans le christianisme, l’allégorie répond également à la prise de conscience du fait que l’Ancien Testament n’a pas d’autre sens que d’annoncer et de préparer Jésus-Christ.
C’est pourquoi le Millenium et l’Avènement du Messie-Roi n’a de sens qu’au travers de l’Eglise : le Millenium[1] est déjà accompli au travers de l’Eglise (le Pape est le vicaire/représentant de Christ) dans la pensée catholique, et il est accompli au travers de l’Eglise dans la pensée protestante et évangélique (en partie), car nous sommes le « Corps de de Christ » ; il suffit juste de conquérir les nations.
C’est pourquoi également, Israël n’a pas de place dans cette lecture « allégorique » puisque tout se rapporte à l’Eglise – les promesses notamment, mais curieusement pas les jugements.
Le péché des dix explorateurs
En hébreu, un des mots désignant le péché signifie « rater la cible ». Si effectivement, nous ne prenons pas en compte les directives de Dieu afin de nous préparer pour les temps derniers concernant la venue du Royaume sur terre, non seulement nous ne sommes pas dans la fonction de participants aux plans divins, mais nous tombons sous le coup du péché, le même péché que les dix princes des tribus d’Israël qui ont refusé d’entrer dans le Pays promis !
Dans la pensée juive, le prix de cette désobéissance, celle de refuser d’entrer dans la terre promise, a coûté cher à Israël. Non seulement, une errance de 40 ans supplémentaires dans le désert qui a fait mourir toute la génération des « dix », mais également la destruction des deux temples et les différents exils.
Selon les sages du judaïsme, les « dix princes d’Israël » avaient trop peur de perdre leur statut de chef de communauté en affrontant les géants de Canaan ; le « désert » leur suffisait et ils ne voulaient rien changer à leur confort spirituel.
Réalisons que Dieu parle à Son Eglise également, et faisons de l’espérance de la venue du Messie-Roi à Jérusalem, notre joie ! Il vient accomplir la troisième des Fêtes de l’Eternel.
Imprégnons-nous des paroles de Zacharie (14:16) lues à Souccot :
« Tous ceux qui resteront de toutes les nations venues contre Jérusalem, monteront chaque année pour adorer le Roi, l’Eternel des armées, et pour célébrer la Fête des Tabernacles ! »
note1[1] Les premiers Pères de l’Église, Tertullien, saint Justin de Naplouse, Lactance, Papias ou Irénée, croyaient dans le règne terrestre du Messie. Selon le spécialiste Jean Delumeau, le millénarisme a perduré au sein de l’Église chrétienne jusqu’à saint Augustin. Celui-ci a fait reculer la croyance millénariste car il voyait en elle des perspectives d’avenir trop charnelles ou matérielles et pas assez spirituelles. Il proposa donc une lecture symbolique des Ecritures et enseigna que la naissance du Christ a fait commencer les mille ans de son règne terrestre. Les instances officielles de l’Église catholique romaine entérinèrent cette interprétation.
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