PRÉDICATION DE MATTIAS HELMLINGER, avec son autorisation

Citations du pasteur pasteur Bonhoeffer :

 » la grâce à  bon marché, c’est la justification du péché, et non point du pécheur « 

–  » la grâce coûte cher, parce qu’elle a coûté cher à  Dieu… ce qui coûte cher à  Dieu ne peut être bon marché pour nous « …

– « Sous couvert de la grâce, le christianisme est devenu le monde, à  un point encore jamais atteint « 

Le pasteur Bonhoeffer, pendu par Hitler, déclarait déjà  cela il y a plus de soixante ans. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Prédication de Mattias Helminlger

Luc 4 / 14 – 30

Jésus, revêtu de la puissance de l’Esprit, retourna en Galilée, et sa renommée se répandit dans tout le pays d’alentour. Il enseignait dans les synagogues, et il était glorifié par tous. Il se rendit à  Nazareth, où il avait été élevé, et, selon sa coutume, il entra dans la synagogue le jour du sabbat. Il se leva pour faire la lecture, et on lui remit le livre du prophète Ésaïe. L’ayant déroulé, il trouva l’endroit où il était écrit :

« L’Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres ; Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, Et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés, Pour publier une année de grâce du Seigneur. Ensuite, il roula le livre, le remit au serviteur, et s’assit. Tous ceux qui se trouvaient dans la synagogue avaient les regards fixés sur lui. Alors il commença à  leur dire : Aujourd’hui cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, est accomplie. Et tous lui rendaient témoignage ; ils étaient étonnés des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche, et ils disaient : N’est-ce pas le fils de Joseph ? Jésus leur dit : « Sans doute vous m’appliquerez ce proverbe : Médecin, guéris-toi toi-même ; et vous me direz : Fais ici, dans ta patrie, tout ce que nous avons appris que tu as fait à  Capernaüm. Mais, ajouta-t-il, je vous le dis en vérité, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie. Je vous le dis en vérité : il y avait plusieurs veuves en Israël du temps d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois et qu’il y eut une grande famine sur toute la terre ; et cependant Élie ne fut envoyé vers aucune d’elles, si ce n’est vers une femme veuve, à  Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi plusieurs lépreux en Israël du temps d’Élisée, le prophète ; et cependant aucun d’eux ne fut purifié, si ce n’est Naaman le Syrien. » Ils furent tous remplis de colère dans la synagogue, lorsqu’ils entendirent ces choses. Et s’étant levés, ils le chassèrent de la ville, et le menèrent jusqu’au sommet de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie, afin de le précipiter en bas. Mais Jésus, passant au milieu d’eux, s’en alla.


Jésus vient d’être baptisé, il revient du désert où il a surmonté les tentations du diable. Il est rempli de l’Esprit Saint. Et la rumeur de ses prodiges, de son enseignement, se répand en Galilée où il est revenu aussitôt après son baptême et sa tentation. Il arrive à  Natsareth, hameau où tout le monde le connaît depuis trente ans.

Vous remarquez qu’il participe à  la prière synagogale sans rien y changer. Les prières juives, les chants, la lecture de la Thorah de Moïse, lecture qui se fait en hébreu et est suivie d’un commentaire en araméen, puis la lecture d’un prophète, cet ordre du culte à  la synagogue a été institué par Ezra pour les Juifs au retour de l’exil au 5 ° siècle avant J.C. Des lecteurs choisis dans l’assemblée ont l’honneur de lire la Thorah et le texte des prophètes qui y correspond. Jésus est l’un de ceux-là .

Il ne fait que dérouler le rouleau d’Esaïe, lit la section qu’on lui a attribuée, puis il se rassied. Pourtant quelque chose s’est passé. Tout s’est passé comme d’habitude, mais un événement a eu lieu. Le texte nous dit :  » les yeux de tous ceux qui étaient dans la synagogue, étaient arrêtés sur Lui  » (v.20). Tout le monde attendait une explication. Ils venaient de vivre un événement qu’ils ne comprenaient pas. Une puissance s’était dégagée de la lecture que Jésus avait faite. Jésus ne donne pas d’autre explication que celle-ci :  » aujourd’hui cette écriture que vous venez d’entendre est accomplie «  (v.21)

La prophétie si ancienne n’est plus simplement un texte qu’on lit, qu’on transmet, qu’on relit. On pourrait dire que de virtuelle, elle est devenue réelle. L’homme dont parlait Esaïe, sur qui l’Esprit du Seigneur repose, qui va évangéliser aux pauvres, publier aux captifs la libération, aux aveugles le recouvrement de la vue, renvoyer libres ceux qu’on piétine et publier une année de grâce, cet homme est là . Il va faire tout cela.

Jusqu’ici tout va bien, Jésus suscite étonnement et admiration…

Et puis tout va basculer : les admirateurs vont essayer de le tuer. Que s’est-il passé ?

Entre l’admiration et la haine, il y a eu un commentaire de Jésus qui n’a pas plu. Jésus donne des exemples tirés des Ecritures : au temps des prophètes Elie et Elisée, la puissance de vie et de guérison de l’Esprit de Dieu s’est exercée en-dehors de leur patrie. Quand on lit les récits des prophètes Elie et Elisée, on peut constater leur attachement à  leur pays ; ce sont des sionistes ; ils aiment leur peuple et leur pays. Pourtant le Dieu d’Israël les a employés pour sauver la vie à  des personnes faisant partie de pays voisins hostiles à  Israël.

En entendant cela, les Natsaréniens deviennent fous de rage et veulent tuer Jésus en le poussant du haut d’une falaise.


Le récit se termine par cette conclusion :  » mais lui, passant au milieu d’eux, s’en alla  » (v.30). Un miracle s’est produit. Jésus s’est échappé au passant au milieu d’eux, au nez et à  la barbe de ceux qui voulaient sa mort.

Quelques jours auparavant, Jésus avait été tenté par le diable de se jeter du haut de la falaise du temple, pour prouver qu’il était le Messie, en montrant que Dieu viendrait le sauver par des anges-hélicoptères, si j’ose dire. Jésus avait refusé ce type de miracle, où c’est lui qui obligerait Dieu à  intervenir*. Ici, à  Natsareth, Dieu est intervenu :  » Jésus, passant au milieu d’eux s’en alla, continua son chemin « .

(NDLR = tenter Dieu. Or la Bible dit: Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu: c’est ce que Jésus avait répondu à  Satan. Lu 4:12)

Encore aujourd’hui, Jésus traverse la haine de ce monde, cette haine qui un jour l’a mis sur une croix, Il poursuit son chemin, Il traverse la mort et par sa résurrection Il vient jusqu’à  nous, Il est présent au milieu de nous.

La croix dans chacun de nos temples nous rappelle qu’il n’est pas vrai que nous aimons Jésus quand des paroles de grâce sortent de sa bouche. Les paroles de grâce de Jésus l’ont amené à  la croix. Ce n’est que par sa résurrection qu’elles parviennent encore jusqu’à  nous.

Les paroles de grâce de Jésus nous dérangent au plus profond de nous-mêmes, car elles vont plus loin que notre petite personne : si nous les accueillons, elles profiteront aussi à  d’autres, parfois à  nos pires ennemis. Et ça, nous ne le voulons pas. Nous préférons mourir avec notre haine, et que notre ennemi crève aussi avec nous.

La grâce que nous annonce Jésus est une grâce qui nous fait mal. Parce qu’elle nous amène à  mourir avec Lui, pour ressusciter avec Lui à  la vie de l’Esprit, à  la puissance de vie et d’amour de l’Esprit Saint.

Ces dernières années, j’ai souvent entendu un cantique très swing, très rythmé, chanté avec enthousiasme par des centaines de chrétiens dans certaines réunions :  » nous voulons voir Jésus élevé ! » En moi-même un jour je me suis dit en entendant de telles paroles:  » mais quand as-tu vraiment voulu élever Jésus ?  » J’ai aussitôt pensé à  la croix : là , les hommes – dont je suis – ont vraiment élevé Jésus, ils l’ont cloué sur un poteau qu’ils ont dressé, élevé.

Et je suis entré dans l’adoration :  » oui, Seigneur je t’ai élevé au moment où je t’ai abaissé, humilié, le seul qui t’a élevé c’est Dieu le Père, qui m’a donné à  toi pour que je ne cherche plus mon salut ailleurs qu’en toi « . Il est dit dans le récit de Noël que  » les mages adorèrent  » Jésus (Matthieu 2/11). Quand nous est-il arrivé pour la dernière fois d’adorer Jésus ?

Lorsque nous prions, est-ce que nous entrons parfois dans l’adoration, ou est-ce que nous faisons juste une prière, comme on fait une bonne action ? Il y a une différence entre  » prier, adorer  » et  » faire une prière « .


J’ai dit tout à  l’heure que lorsque nous accueillons les paroles de grâce de Jésus, elles vont forcément plus loin que nous, elles profitent à  d’autres, et pas seulement à  nos amis. Or, on entend et on lit souvent aujourd’hui ce style de discours dans l’église :

– toutes les religions sont des voies de salut, tout le monde sera sauvé, car Dieu aime tout le monde.

Ce type de discours nous arrange, car il nous évite de recevoir les paroles de grâce de Jésus, qui nous font mal, font apparaître notre haine, nous font mourir à  nous-mêmes pour ressusciter en Lui à  la vie de l’Esprit. Et ainsi seulement l’amour de Dieu se répand dans le monde.

à‡a nous arrange de dire que tout le monde sera sauvé, car cela nous évite de nous engager sur le chemin de Jésus qui, seul, permet à  Dieu de sauver le monde.


Il semble que le message du pasteur Dietrich Bonhoeffer, pendu sur ordre d’Hitler, n’ait toujours pas été reçu. Je cite quelques phrases du début de son livre principal intitulé :  » Le prix de la grâce «  :

–  » la grâce à  bon marché est l’ennemie mortelle de l’Eglise  » (c’est la première affirmation de son livre) ;

–  » la grâce à  bon marché, c’est la justification du péché, et non point du pécheur  » ;

– (il ajoute ironiquement)  » le monde est justifié par grâce ; il faut donc que le chrétien vive comme le reste du monde (pour prouver ainsi que la grâce est vraiment la grâce) « .

– Il ajoute : «  la grâce à  bon marché, c’est la grâce que n’accompagne pas l’obéissance, la grâce sans la croix, la grâce abstraction faite de Jésus-Christ vivant et incarné « .

 » La grâce coûte, parce qu’elle est pour l’homme, au prix de sa vie « 

–  » la grâce coûte cher, parce qu’elle a coûté cher à  Dieu… ce qui coûte cher à  Dieu ne peut être bon marché pour nous « .

– Encore une dernière phrase du pasteur Bonhoeffer : « Sous couvert de la grâce, le christianisme est devenu le monde à  un point encore jamais atteint « .

A nous qui venons d’entendre cette affirmation, il appartient de faire en sorte qu’elle ne soit pas le point final.