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Dans sa chronique du Figaro, Luc Ferry estimait que l’abrogation de la loi Taubira était impensable. La présidente de la Manif pour Tous lui répond.


Ludovine de La Rochère est la Présidente de La Manif Pour Tous.


Le 20 novembre, Monsieur  Luc Ferry, d’ordinaire mieux inspiré, avertit les lecteurs du  Figaro, d’un ton à  la fois allègre et péremptoire:  l’abrogation de la loi Taubira, n’y pensez plus!  « Ce serait juridiquement intenable et politiquement calamiteux (…) Il n’y a aucun doute chez les juristes, on ne peut en France ni démarier ni désadopter« . Et Monsieur Luc Ferry de poursuivre:   »    le gouvernement qui se lancerait dans cette procédure serait censuré par le Conseil Constitutionnel et par la Cour Européenne des droits de l’homme. L’opinion étant favorable au mariage gay et à  l’adoption par les couples homosexuels, une nouvelle fracture serait créée, analogue à  celle qu’a connue Monsieur Hollande à  cause de la loi Taubira. Quant à  la P.M.A., il faut l’étendre raisonnablement, et la G.P.A., elle n’a aucun rapport avec la loi Taubira qui n’en parle pas. Telle est la raison et telle aussi la vérité que le premier devoir des politiques est de respecter. Fermez le ban!   »  

C’est pourtant tout le contraire qui est vrai et plus encore, nécessaire. Car la  loi Taubira  a elle-même abrogé un fondement juridique pluri millénaire, dont elle dit elle-même dans son exposé des motifs, qu’il était si évident qu’il n’était pas écrit: le mariage est l’union devant la société d’un homme et d’une femme dans le but de mettre au monde et d’élever des enfants issus de leur union ou, à  défaut, adoptés par eux.

Une loi qui n’a pas trois ans, qui abroge un principe aussi ancien, aussi naturel et aussi fécond, ne pourrait pas, à  son tour, être abrogée? Mais au nom de quoi?

De ce que, d’après le philosophe, « il n’y a aucun doute chez les juristes, on ne peut en France démarier ni désadopter« . Mais qui sont ces juristes qui n’ont jamais vu, en marge des états civils, la mention « mariage dissous par jugement en date du…. » ou, plus récemment, mais avec un fondement légal certain, « mariage annulé par jugement du…« . Certes, ces démariages ne sont pas le fruit de la volonté d’un juge, mais ils ont été rendus possibles par la loi qui prévoit et organise le divorce, ladite loi ayant abrogé la loi précédente qui elle-même avait abrogé sa jumelle, qui encore, etc., jusqu’à  la promulgation du premier Code Civil qui, lui, abrogeait allègrement les effets religieux des mariages-sacrements, en vigueur en France depuis au moins six cents ans.

Cela étant dit, de toute façon, nul ne demande l’abrogation avec rétroactivité. Notons, d’ailleurs, qu’en Belgique, où le mariage entre personnes de même sexe existe depuis plusieurs années, 90 % des couples de femmes et 70 % des couples d’hommes divorcent…

Quant aux adoptions dont Luc Ferry dit que, d’ici à  2017, elles se compteront par milliers, on voit que la pratique de la procédure d’adoption, ses lenteurs et ses précautions ne lui sont pas familières! De surcroît, il indique lui-même qu’avant la loi Taubira, des célibataires homosexuels adoptaient des enfants. Alors, où est l’insoluble problème de l’abrogation de cette loi?

Un simple regard sur notre Code Civil nous fait voir le nombre des lois abrogées, laissant prévoir l’abrogation possible, voire certaine, de nombreuses lois actuellement en vigueur. Prétendre, à  l’avance, sans que le texte nouveau ait été rédigé, analysé, amendé et voté, qu’a priori le Conseil Constitutionnel l’annulera est une présomption qu’aucun juriste, ne pourrait se permettre.

Quant à  la Cour européenne des droits de l’homme qui, rappelons-le, n’est pas un super législateur, elle a jugé de façon solennelle, le 16 juillet 2014, que la Convention européenne des droits de l’homme ne contient pas de droit au mariage pour les couples de même sexe. Luc Ferry ne mentionne en outre pas que 14 des 47 Etats du Conseil de l’Europe ont inscrit dans leur constitution que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme… ce qui n’est pas tout à  fait rien par rapport au sujet traité!

Ce que le philosophe ne dit pas, c’est que cette loi est inapplicable, dans son état présent. Pour qu’elle arrive à  ressembler à  une loi sur le mariage, avec ce que celui-ci implique pour les enfants, il est évident qu’elle suppose inéluctablement la légalisation de la P.M.A. sans père et de la G.P.A.

Si les personnes mariées selon cette loi avaient consulté, avant de se marier, des juristes prudents, ceux-ci leur auraient dit ce que dit la sagesse: « cette loi ne tient pas compte de la réalité humaine, elle ne durera pas. Si vous voulez passer entre vous des conventions stables, concluez-les vous-même devant notaire, mais ne vous embarquez pas dans cette aventure! »

En réalité, la question de fond n’est pas l’abrogation de la loi Taubira. Ce que demandent les millions de Français qui descendent dans la rue, qui veillent et ne lâchent rien, c’est qu’un véritable et juste statut de la famille soit inscrit, non seulement dans la loi, mais dans la constitution. La jeunesse des manifestants montre que l’avenir de la société dépend de la prise de conscience par les dirigeants de cette volonté d’être reconnu et représenté.

Les familles réclament leur place dans une politique qui les méconnait, les méprise et les accable alors qu’elles sont non seulement l’avenir de la nation, mais les producteurs des biens dont vivent l’Etat et ceux qui le dirigent. La promulgation d’un tel statut entraine, en fait et en droit, l’abrogation de la loi Taubira, comme le Code civil a entrainé de facto et de jure l’abrogation de l’ancien droit et de toutes ses coutumes. On ne fera pas une loi pour abroger la loi Taubira. On donnera à  la famille le statut juridique lui permettant de s’épanouir et la loi Taubira disparaîtra. Elle rejoindra l’innombrable cohorte des lois abrogées, et personne ne la pleurera.

Quant à  dire que la disparition de cette loi entrainera des manifestations et une cassure dont l’ampleur sera égale à  celles qu’a provoqué son vote, c’est se moquer du monde. Il suffisait de compter les contre manifestants de La Manif Pour Tous pour voir où étaient et où sont l’enthousiasme, la jeunesse et le nombre.

Politiquement, la position de Luc Ferry est celle de « on n’y peut rien… c’est ainsi, c’est inéluctable… », exactement le contraire de ce qu’attendent, consciemment ou inconsciemment, les jeunesses de France et d’Europe qui veulent construire et donc raisonnablement espérer.

Tous nos juristes savent que le Code civil, comme le Code du Travail, le Code de la Sécurité Sociale et le Code Général des Impôts ont besoin d’un immense travail de réforme et de rénovation. Ils croulent de vieillesse, comme de vieux bâtiments accablés d’excroissance et de rajouts disgracieux et contradictoires. La loi Taubira est l’une de ces aberrantes excroissances. Dans un travail de rajeunissement et de clarification, elle disparaîtra, ne laissant que le souvenir de l’émotion féconde qu’elle a suscitée.

Abroger la loi Taubira? Non seulement c’est juridiquement inéluctable, mais c’est aussi anthropologiquement et politiquement vital!