Il y a plus de soixante ans nos parents bien aimés durent quitter la côte sud de la Méditerranée.
Contraints et forcés par une épuration ethnique post-coloniale, conduite par l’ensemble des pays arabes sur sa population juive pourtant autochtone de longue date ; ainsi de 1948 à 1968 soit en moins de 20 ans, 99 % de la population juive qui y séjournait depuis plusieurs siècles, parfois depuis plusieurs millénaires (Irak, Egypte, Tunisie,…) dut en effet partir sous la contrainte (parfois brutale) d’un monde arabo-musulman en quête de ré-arabisation et déjà de ré-islamisation de leurs pays. Certains émigrèrent en Amérique du nord, d’autres bien sûr en Israël ; beaucoup de nos parents, de langue française, choisirent d’émigrer en France.
Déjà il y a un siècle environ, certains autres de nos parents durent quitter l’est de l’Europe fuyant les pogroms russes et ukrainiens et la montée du national-socialisme (nazisme) en Pologne, en Hongrie, en Autriche et en Allemagne ; beaucoup d’entre eux émigrèrent en Amérique du nord et en Palestine mandataire ; d’autres se contentèrent de venir en Europe de l’ouest, et notamment en France.
Tous ces gens avaient en commun la recherche de la sécurité et du bien-être pour leurs enfants ; mais tous avaient aussi surtout en commun la volonté d’épouser le pays de refuge qu’ils avaient choisi, de s’approprier son récit national, de devenir des citoyens à part entière en participant au bien commun de la collectivité. Tous ceux qui choisirent la France le firent aussi en référence au « pays des Droits de l’Homme », garant a priori d’une liberté et d’une sécurité retrouvées.
Et la France (pour ne parler que d’elle), nous a accueillis, protégés, a donné du travail à nos parents, les a soignés ; la République nous a instruits et nous a ouvert grand la porte de l’ascenseur social ; au bout d’une dizaine d’années la France nous a même donné sa nationalité (pour ceux qui ne l’avaient pas) ; longtemps nous avons été comptables de cette nation accueillante non antisémite, et redevables envers tous ces gens courtois et polis qui nous avaient ouvert leurs bras.
En retour nos parents, souvent de petites gens de la classe moyenne inférieure, pas toujours d’une grande instruction mais toujours modestes et de bon sens, nous enseignèrent 3 règles fondamentales à suivre pour s’assimiler culturellement :
- la discrétion
- l’humilité
- l’excellence
La discrétion pour se fondre dans la masse autochtone, en s’appropriant son langage, ses accents, ses habitudes, ses tenues vestimentaires, ses attitudes, ses passions, son mode de vie, ses codes.
L’humilité pour ne pas paraître insolent et surtout pas exigeant, ni envahissant, ni voulant imposer à la majorité un autre mode de vie.
Enfin et surtout l’excellence pour se faire respecter non pas par la force ou la terreur, mais par l’admiration et la plus-value apportée au pays.
Et c’est ce que nous avons fait ; nous avons pour beaucoup d’entre nous, fait des études brillantes en nous appropriant les codes et les habitudes locales ; puis nous nous sommes mis au travail pour rendre à ce pays, à cette nation et à sa population accueillante, l’investissement qu’ils avaient, sans arrière-pensées, fait sur nous.
Nous avons appris, chanté, respecté et fait respecter à nos enfants la Marseillaise, moment qui continue encore ce jour à nous emplir d’émotions, parfois même de larmes.
Ainsi nous avons tous ensemble pleurer de colère le 8 juillet 1982 quand P. Battiston s’est fait lâchement agresser par un gardien de but allemand, probablement sous emprise illicite et jouissant d’une impunité coupable, mais nous avons aussi et surtout exulter de joie le 12 juillet 1998, pleurant aux mêmes larmes que tous les supporters français et chantant toute la nuit durant : « et 1 et 2 et 3 – zéro, et 1, et 2,……. »
Puis à notre tour, nous avons fondé une famille, enseignant à nos propres enfants le sentiment primordial d’appartenance à cette ambition nationale commune, tout en préservant nos racines juives. Nous avons ainsi donné à ce pays, à notre pays, des savants, des poètes, des écrivains, des scientifiques, des chercheurs, des hommes politiques, des intellectuels, des journalistes, des avocats, mais aussi une pléiade d’artisans, de commerçants, de médecins, d’enseignants, de chefs d’entreprises, de marchands en tout genre (il est vrai peu de sportifs de haut niveau), mais aussi de très nombreux prix Nobel.
Bref, nous sommes devenus des Français Juifs, fiers de notre pays, la France, parfaitement assimilés à la population autochtone, tout en restant attachés à son peuple, le peuple juif récemment retourné sur ses terres ancestrales. Trente belles années de bonheur et de paix, le rêve de nos parents enfin accompli.
C’était il y 30 ans déjà !
Trente autres années se sont passées depuis, trente années de dégradation progressive mais continue de nos vies, et de celle de tous nos compatriotes d’ailleurs.
Que s’est-il passé ?
Il s’est passé que des âmes bien nées, se considérant comme uniques détentrices d’un savoir sans faille, et ayant perdu toute attache avec leur propre récit national, ont cru bon d’oublier les piliers culturels de leur histoire, et ont décidé de remplacer leurs références chrétiennes plurimillénaires par la nouvelle religion « droits-de-l’hommiste », affublée de son appendice laïcard.
Mais qui dit religion naissante, dit automatiquement exagération dans la recherche de l’absolu ; alors nos apprentis progressistes, incluant souvent des âmes juives égarées, ont poussé leur idéologie jusqu’à l’excès, oubliant de préserver ce que le temps avait permis de bâtir laborieusement, c’est-à-dire une cohésion nationale dans laquelle tout migrant devait se fondre progressivement. Mais surtout ils ont laissé ou plutôt favorisé l’arrivée en nombre de personnes culturellement étrangères qui dans leur grande majorité, n’avaient nullement la volonté de s’assimiler en adoptant les règles simples et de bon sens édictées par nos parents.
Pire encore, beaucoup de ces nouveaux arrivants, étaient ceux-là même qui nous avaient chassés de leur terre 30 ans plus tôt. Le nombre et une culpabilité post-coloniale comme accélérateur néfaste aidant, culpabilité savamment entretenue par les mêmes « esprits éclairés », a conduit aux mêmes effets : la marginalisation des Français Juifs qui progressivement sont devenus des Juifs Français. Et l’antisémitisme atavique du monde musulman, assis sur les préceptes d’un Coran conquérant, a fait le reste ; la vie des Juifs en France s’est dégradée, allant même jusqu’à des violences parfois fatales ; depuis Sébastien Selam, 1er Juif mort parce que Juif en novembre 2003, jusqu’au viol récent d’une fillette de 12 ans à Courbevoie parce que juive, en passant par les assassinats de Ilan Halimi en février 2006 en région parisienne, des 3 élèves et du professeur de l’école Ozar Hatorah de Toulouse en mars 2012 : Gabriel et Arié Sandler et leur père Jonathan, ainsi que la petite Myriam Monsonego ; de Yohan Cohen, Yohav Hattab, Philippe Braham et François-Michel Saada à l’Hyper Cacher de Vincennes en janvier 2015, et bien sûr de Sarah Halimi en avril 2017 et Mireille Knoll en avril 2018 à Paris. Et ce sans oublier tous les autres petits méfaits de la vie quotidienne qui vont de la simple insulte au tabassage de garçons portant kippa. Et toujours le fait des mêmes profils : des jeunes issus de l’immigration maghrébine ou africaine sub-saharienne et TOUS de culture musulmane.
Voilà pour le constat ; mais il y a pire encore ; les mêmes dirigeants politiques portés par une dégénérescence intellectuelle mue par une certitude sans faille, ont par leurs propos favorisé et déculpabilisé les agressions antisémites ; le révélateur final aura été la guerre déclarée le 7 octobre à l’état du peuple juif, notre peuple, par une bande de terroristes islamiques attisés et financés par l’Iran et la Qatar. Cette guerre, perdue d’avance par les arabes palestiniens, a fait tomber les masques et a libéré la parole antisémite ici en Occident et tout particulièrement en France, accompagnée d’inévitables violences gratuites.
Et voilà que des Juifs ici en France, dans le pays devenu le leur, sont à nouveau marginalisés et martyrisés par ceux-là mêmes qui les avaient chassés de leur pays d’origine, et ce avec une complicité active venue de l’intérieur, sans que le pouvoir en place ne réagisse vraiment (ni d’ailleurs les soi-disant représentants auto-proclamés du monde juif), et dans l’indifférence quasi générale de l’immense majorité de la population ; ainsi il suffit pour s’en convaincre de constater le très faible nombre de non-Juifs lors des différents rassemblements ou défilés contre les actes antisémites (à part peut-être celui du 12 novembre 2023 et encore…). A la lumière de ces évènements récents, les Juifs de France sont en droit de s’interroger sur leur avenir à moyen et long terme.
Quels messages alors donner à nos enfants et surtout quel monde allons-nous leurs léguer dans 10 ou 20 ans ?
Pendant longtemps nous avons été nombreux à vouloir croire que tout n’était pas perdu, et que le bon sens et les institutions françaises (la République), finiraient par l’emporter ; nous n’en sommes plus très sûr ; certains d’entre nous ont même voulu, un temps, s’engager politiquement pour essayer de changer les choses de l’intérieur, en utilisant la voie démocratique, en vain ; les récentes élections nationales ont fait imploser cette espérance.
Alors que faire et que dire à nos enfants ?
Le problème est délicat ; car dans notre recherche effrénée d’assimilation culturelle, nous avons pour certains (heureusement pas tous), flirté avec l’assimilation cultuelle, laissant la liberté à nos enfants de choisir leur voie.
Alors chers enfants voici donc notre ultime message issu de l’expérience cumulée de toute une vie et de l’histoire passée.
Vous n’aurez à terme qu’une seule alternative :
- soit finir de vous assimiler en niant, en cachant et en répudiant vos origines juives ; et encore les nazis blancs du milieu de 20ème siècle avaient su mettre à jour les origines juives des cachés et exterminer tous ceux qui avaient ne serait-ce qu’un grand-parent Juif ; nul doute que les nouveaux nazis du 21ème siècle, plus bigarrés quant à eux, en feront à terme de même, et ce malgré la force de la République,
- soit comme beaucoup l’ont déjà fait, partir et rejoindre le pays de notre peuple.
Donc si vous voulez un tant soit peu conserver une attache avec vos origines et vos traditions juives, préparez-vous dès à présent au départ, au moins déjà mentalement, et préparez aussi vos enfants, car ce seront probablement eux qui auront à le faire, comme leurs arrière grands-parents ont dû le faire.
Mais pour conclure ce message sur une note plus positive ; dites-vous et dites-le à vos conjoints éventuellement non Juifs, que cette opportunité est aussi peut-être une chance pour vous et vos familles d’échapper à cette fatalité ; pensez à tous ceux, et ils sont nombreux qui contrairement à vous, n’ont pas de plan B, et qui devront affronter dans le tumulte et la violence ce changement civilisationnel que nous décrivent sans répit les 2 Michel, Onfray et Houellebecq, et qui risque de déboucher sur un nouveau monde ici en Europe occidentale, un monde très différent où la vie harmonieuse et paisible des années 60 à 90 ne réapparaîtra plus jamais, ni pour les Juifs ni pour les non Juifs.
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