Suite de (Chapitre I)

L’Éternel a pourvu à notre guérison, et il nous a donné un moyen de salut, qu’il préfigura tout entier dans le type du serpent d’airain. Étudions donc, avec le plus profond respect, l’image symbolique placée devant nous.

Les enfants d’Israël avaient péché, Dieu les avait punis. Des serpents brûlants, envoyés dans le camp, les mordaient, et ils mouraient presque instantanément. Pour arrêter cette plaie, l’Éternel dit à Moïse : Fais-toi un serpent d’airain et place-le sur une perche ; et il arrivera que quiconque sera mordu et le regarderasera guéri.

Un serpent d’airain placé sur une perche : voilà le remède. Un regard plein de confiance sur ce serpent procurait au mourant une parfaite guérison.
Le remède était simple, le moyen de se l’approprier était facile.

La figure placée sur la perche était celle d’un ennemi, mais d’un ennemi privé de vie et tout à fait inoffensif. Un regard sur lui suffisait pour anéantir le venin des serpents vivants, ce fatal venin qui brûlait les veines des fils d’Israël. Dieu avait choisi ce moyen de salut pour révéler à son peuple la gratuité de son pardon. Les Juifs avaient reçu d’autres témoignages de l’amour du Seigneur. Leur délivrance du pays d’Égypte, le passage de la mer Rouge, la manne, la colonne de feu, toutes ces choses parlaient à leurs coeurs ; mais rien ne faisait éclater la miséricorde de leur Dieu aussi clairement que cette simple figure dressée au désert. Elle leur disait que leurs rébellions avaient seules attiré sur eux le châtiment, et leur rappelait avec une force toute particulière, que la mort est le salaire du péché.

De plus, ils comprenaient, sans nul doute, que si Dieu les guérissait il les pardonnait par cela même. Si vous aviez demandé au moins intelligent d’entre eux comment sa faute était réparée, il vous aurait montré aussitôt la perche élevée au milieu du camp.

Remarquez, en outre, que les blessés qui regardaient au serpent d’airain étaient seuls guéris : ceux qui refusaient de regarder périssaient. Mais leur obéissance ou leur incrédulité ne changeait en rien le sens de l’emblème. Le serpent demeurait toujours devant eux comme une démonstration parfaite de la miséricorde divine, comme un touchant appel adressé à tous indistinctement et avec un égal amour.

Considérons encore de quelle manière ils étaient guéris. Ils ne devaient pas essayer d’abord de quelque remède, ni attendre une amélioration quelconque de leur état. Non ; leur rétablissement complet, radical, était le résultat d’un seul regard.

Par cet acte, ils déclaraient devant tous que nul autre moyen ne pouvait les sauver de la mort, et qu’en Dieu seul était toute leur espérance ; ils renonçaient à eux-mêmes et à tout secours humain, pour n’attendre la vie que du divin remède qui leur était offert.

L’acte que Dieu leur demandait était si simple ! Il ne fallait, de la part du malade, ni longues prières, ni supplications, ni effort pénible : aussi bien, sa grande faiblesse l’eût rendu incapable de remplir aucune de ces conditions. Le serpent était élevé assez haut pour être vu de tout le camp ; mais la foi devait accompagner le regard, et on le comprend.

Il fallait que le moribond se tournât avec confiance et espoir vers ce moyen de salut que Dieu lui offrait. Alors il échappait à une mort certaine et, à l’instant même, il était guéri.

Ainsi, le malade obéissait et ne raisonnait pas ; il ne doutait nullement de la fidélité de Celui qui lui promettait la guérison. Il croyait simplement à la parole de son Dieu ; il s’y confiait sans hésiter, en acceptant le moyen qui lui était indiqué et qu’il n’avait pas choisi lui-même. Il se tournait vers le serpent d’airain avec la ferme conviction que ce regard lui rendrait la santé ; et quand la santé lui était rendue, il comprenait parfaitement que sa délivrance était un don gratuit de l’Éternel.

Voilà le type, tel qu’il nous est présenté par Moïse. Maintenant rapprochons-le de l’antitype, révélé dans l’Évangile, et nous verrons se déployer à nos yeux les glorieuses richesses du salut qui est en Jésus-Christ.

Et d’abord, sur quel objet doit se fixer le regard du pécheur ?

Sur Celui qui fut à la fois Fils de l’homme et Fils unique de Dieu, sur le Sauveur mis en croix, qui a dit de lui-même : « Quand je serai élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi. »

Que voyons-nous sur cette croix ?

Ce que nous avons vu déjà sur la perche au désert : un serpent, le serpent ancien, auquel Jésus écrase la tête, notre vieil homme crucifié. Sur cette croix, où notre Rédempteur porte en son corps toutes nos transgressions, où il est fait péché pour nous, il triomphe de Satan et le dépouille, au moment même où notre adversaire semblait avoir la victoire. Il lui enlève, par sa résurrection, le riche butin d’âmes immortelles dont il comptait faire sa proie ; il lui arrache son dard et son venin.

« Le Fils de Dieu, » dit saint Jean, « a paru pour détruire les oeuvres du diable (1 Jean, III, 8). » Et Paul nous déclare, à son tour, « qu’ayant dépouillé les principautés et les puissances, il les a publiquement exposées en spectacle, triomphant d’elles sur la croix (Col., II, 15). »

Sur cette croix le démon a été jugé comme étant l’auteur du péché. Depuis la chute, son venin empoisonnait la race humaine. Jésus a pris notre nature, mais sans péché ; il l’a sanctifiée en s’offrant lui-même en sacrifice, et en la renouvelant par son Esprit. C’est ainsi qu’il est devenu le Souverain médecin de notre humanité perdue. Il l’a, non seulement sauvée des conséquences éternelles qu’attiraient sur elle ses péchés, mais il la délivre en même temps de la domination de Satan.

L’union qu’il a contractée avec elle sur la croix la rend capable de participer à toutes les bénédictions que la mort du Sauveur lui apporte. Elle est crucifiée avec lui, elle meurt ainsi au péché ; elle est crucifiée au monde, elle ne vit plus pour elle-même, et, tout cela, par la foi en Celui qui a vaincu son puissant ennemi. « Je suis crucifié avec Christ, » s’écriait saint Paul, « et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi (Gal., II, 20.) ! »

Sur la croix, le démon a été frappé comme étant la cause de la condamnation et notre accusateur devant le Père. Il est, à la fois, tentateur et accusateur. Il nous entraîne vers le mal, puis il demande notre punition. – Quand les élus, dans les cieux, entonnent le cantique : Maintenant est venu le salut et la force ! c’est parce que l’accusateur des frères, qui les accusait jour et nuit devant Dieu, a été précipité. – Par quel moyen ? – Par le sang de l’Agneau (Apoc, XIII, 10.).

Oui, c’est Jésus, c’est son sang versé sur le Calvaire, qui nous délivre à la fois de la condamnation éternelle et de notre accusateur. Nous pouvons nous écrier désormais avec saint Paul : « Qui accusera les élus de Dieu (Rom., VIII, 33.) ? »

La croix nous affranchit aussi de la crainte de la mort, en détruisant l’empire de la mort. Jésus a triomphé de la puissance du sépulcre, en rompant les liens qui l’y retenaient. Les Israélites guéris ne voyaient plus dans le serpent d’airain que le mémorial d’un malheur passé ; de même, en contemplant la croix, l’enfant de Dieu ne découvre que le souvenir de sa condamnation, et il jouit par avance des joies éternelles qui lui sont réservées.

À l’heure même où Jésus mourait sur la croix, des signes visibles de son triomphe apparurent aux yeux de tous.
Le voile du temple se déchira comme pour annoncer à l’humanité coupable que toutes les barrières qui lui fermaient l’entrée du ciel étaient rompues.
Le lieu très saint entr’ouvert nous dit encore aujourd’hui que le Saint-Esprit peut désormais descendre sans obstacle pour vivifier nos âmes, et que nous pouvons subsister en la présence de Dieu.
Des sépulcres s’ouvrirent comme pour dire hautement au monde que la mort avait trouvé son vainqueur. Ils demeurèrent ouverts jusqu’au troisième jour, où Jésus consomma sa victoire en sortant lui-même de la tombe, et, en attendant cette heure solennelle, les saints ressuscitent avant lui pour apprendre aux habitants de Jérusalem que leur Rédempteur était venu.

La croix de Christ nous parle aussi de l’amour de Dieu et de son pardon. Qu’était ce Jésus de Nazareth ?
Il était Fils de l’homme et Fils de Dieu tout ensemble ; c’est lui-même qui nous l’apprend. Le prophète Esaïe nous avait déjà annoncé qu’il naîtrait d’une vierge, et qu’il serait appelé Emmanuel (Esaïe, IX, 6.)

Quand les temps ont été accomplis, le Père a envoyé son Fils, né d’une femme. Jésus ne prit pas la nature des anges, mais notre pauvre nature ; il naquit d’une fille de David, et devint ainsi notre Frère, membre de la famille humaine.
Qui pourrait encore douter de l’amour d’un Dieu qui s’est humilié pour se donner à nous ?
Certainement, la création tout entière, non moins que la Providence, nous parle de l’amour de Dieu ; chaque goutte d’eau, chaque miette de pain que nous recevons de notre Père céleste est une manifestation de cet amour. Mais, en Christ, Dieu s’approche de nos âmes ; il travaille, il souffre pour les sauver.
Semblable à nous en toutes choses, excepté le péché, notre précieux Sauveur accomplit la loi que nous avions transgressée et qui nous condamnait.
Sa vie fut une vie d’obéissance, et cette obéissance, il l’a offerte au Père à la place de la nôtre.
La justice de Jésus est donc à moi pour jamais ; je m’en revêts avec joie comme d’un manteau. Il me la faut tout entière pour couvrir ma justice qui n’est que souillure ; il me la faut parce que la loi exigeait de moi une obéissance parfaite.
Christ est venu pour honorer la loi et pour l’accomplir. Je ne pouvais entrer dans la vie, d’après les Écritures, qu’en gardant les commandements. Mon Sauveur les a gardés, et j’entre dans la vie, non à cause de mon obéissance, mais à cause de la sienne, qui m’est imputée. Le châtiment qu’il a subi sur la croix est accepté comme l’équivalent de ma punition éternelle, et sa sainteté m’est aussi acquise comme l’équivalent de la sainteté que je devais offrir à Dieu.
La foi en son sacrifice me rend participant de sa vie divine ; elle me la communique par le Saint-Esprit, tellement que j’ai le privilège de pouvoir la demander et l’obtenir comme ma portion dès ici-bas.

Les récits des Évangiles, si touchants et si simples, nous montrent à l’oeuvre la compatissante charité de Jésus. Il guérissait les malades, consolait les affligés, et ne renvoyait jamais un coeur troublé sans une parole d’encouragement. Sa mort, mieux encore que sa vie, nous révèle son amour, un amour dont Salomon nous a dit à l’avance qu’il était fort comme la mort, et invincible comme le sépulcre.

On ne peut regarder à la croix du Calvaire sans être comme inondé par les glorieuses splendeurs dont elle rayonne, de même que l’on ne peut fixer le soleil et demeurer dans les ténèbres.
Dieu nous a manifesté sa sagesse dans les oeuvres de la création ; mais ici il nous fait voir jusqu’où peut aller la puissance d’aimer qu’il possède. Il se glorifie lui-même en s’abaissant, et il nous relève de notre abaissement en faisant de nous les objets de sa parfaite tendresse.

Mais la croix nous parle avant tout du pardon gratuit de Dieu. Quand le ciel s’ouvrit, et que de ses profondeurs une voix descendit pour nous dire que Jésus est le Fils bien-aimé du Père, ce fut pour nous un témoignage très précieux de sa mission d’amour ; mais combien est plus grande encore l’assurance que nous donne un seul regard fixé sur la croix ! Une parole n’a pas l’évidence d’un fait.
Nous sommes convaincus que Dieu nous avait déjà pardonnés dans son coeur, lorsqu’il livrait son Fils à la mort ; mais l’acte accompli sur le Golgotha pouvait seul nous donner une pleine confiance en l’amour du Seigneur. Le sacrifice de Christ a été plus qu’une simple manifestation de la tendresse du Père pour nos âmes immortelles : c’est un fait qui a sa raison d’être et ses résultats.

Nous avons péché ; notre conscience, éclairée sur le nombre et sur la gravité de nos offenses, nous amène tout tremblants devant notre Juge suprême. Le salut que Christ nous acquiert a pour but de nous réconcilier avec ce juge.
Pour nous donner la conviction de notre pardon, l’Évangile dirige nos regards sur la croix. Là nous voyons une victime sainte, livrée pour nos offenses ; elle les porte toutes en son corps, qu’elle offre volontairement en sacrifice. Et si elle supporte une punition qu’elle n’a point méritée, n’est-ce pas pour nous prouver son amour ?
Le pardon gratuit de Dieu nous est acquis tout entier par la mort de Christ, hors de laquelle il n’existe pas de salut pour nous.

Nos coeurs, aveuglés par leur propre justice, saisissent difficilement ces vérités. Ils s’obstinent à chercher en eux-mêmes quelques sentiments ou quelque oeuvre qui puisse les faire bien valoir auprès du Seigneur. La puissance de la grâce nous décide seule à aller à lui, pauvres et nus, tels que nous sommes, n’ayant à lui offrir que notre fardeau de péchés.
Nous sommes et plus simples et plus sages, quant aux affaires de ce monde. Ainsi, par exemple, je rencontre un de mes amis : il a l’air très angoissé ; je m’informe avec empressement de la cause de son chagrin. Il a fait de mauvaises affaires, me dit-il ; à un jour donné il doit payer une forte somme et il sait qu’il ne le pourra :

« Oh ! si quelqu’un voulait payer ma dette, » s’écrie-t-il.

Je viens à son aide ; je vois son créancier ; je paie la somme exigée, et je cours lui dire ce que j’ai fait. S’il refuse de me croire, s’il se méfie de moi, sa douleur en est augmentée et il se considère toujours comme un débiteur insolvable. Si, au contraire, il ajoute foi à ce que je lui dis, il sera très heureux dès cette heure.

De même, nous serons remplis de joie, si nous croyons au salut qui nous est offert. Quand nous considérons nos péchés et la juste loi de Dieu, nous nous écrions : « Oh ! si quelqu’un pouvait se charger de mon fardeau, me l’ôter, le porter à ma place ! » Eh bien ! tout est accompli. Le Sauveur a porté le fardeau de nos iniquités, et leur punition éternelle ; l’Évangile nous l’annonce comme un fait consommé depuis dix-huit siècles. Jésus a pris devant le Juge suprême notre lieu et place ; il a payé notre dette ; il est devenu notre substitut. La sentence qui devait tomber sur nos têtes est tombée sur la sienne…
Ne le croyez-vous pas ? Vos coeurs sont-ils encore troublés ? S’ils ne sont pas consolés par ce message de paix, je vous le demande, qu’est-ce qui pourra les rassurer ? Dieu enverra-t-il une seconde fois son Fils tout exprès pour vous ? Non assurément. Vous obstinerez-vous encore à mériter son pardon, par des repentirs, des promesses, des oeuvres, des sacrifices que vous vous imposerez à vous-mêmes ?

Mais le salut de l’Évangile est sans condition ; Dieu n’exige rien d’un débiteur insolvable comme vous. Il connaît votre impuissance pour le bien ; il sait que votre chair ne se soumet pas à sa loi et qu’elle ne peut s’y soumettre. Il vient à vous avec un pardon acquis d’avance, et acquis par un autre que par vous ; avec un amour qui a précédé ce pardon lui-même…
Si vous dites : « Je crois que Jésus est mort pour les pécheurs, et cependant je ne suis pas assuré que son pardon soit pour moi, » que faites-vous ? Vous affirmez le fait et vous en niez les résultats.

D’où vient cette étrange contradiction, si ce n’est du désir que nous possédons tous de présenter quelque chose à Dieu pour nous le rendre favorable ? Renonçons, aujourd’hui même, à ces vains efforts de notre orgueil, et, présentons au Seigneur, non plus notre justice, mais celle de Christ. Acceptons humblement un salut gagné et mérité par les souffrances pleinement suffisantes du Sauveur. Notre Dieu ne réclame rien de nous ; car il sait que nous sommes incapables de rien lui offrir. L’Israélite regardait au serpent d’airain : regardons à la croix, et nous y verrons le gage de notre pardon.

La croix a été élevée pour des pécheurs et non pour des saints. Cette vérité si importante est cependant fort peu comprise. J’ai souvent entendu des personnes qui disaient : « Le sacrifice du Sauveur est pour les croyants, pour les âmes repentantes. Si nous trouvions dans nos coeurs de saintes dispositions, nous recevrions avec joie la bonne nouvelle du pardon, qui nous est annoncée. Mais nous sommes si faibles, si misérables ! Tant de péchés journaliers troublent nos consciences, que, nous méfiant de nous-mêmes, nous n’osons pas nous approprier des grâces aussi excellentes. »

Se méfier de soi-même est, sans contredit, un sentiment juste et bon, mais douter de l’Évangile et du pardon gratuit qu’il nous annonce, c’est douter de Dieu lui-même. Il nous déclare formellement, dans sa Parole, qu’il nous a aimés le premier, quand nous étions ses ennemis, que Jésus est venu, non pour les justes, mais pour les pécheurs, que sa grâce s’étend aux impies, aux blasphémateurs, afin qu’aucun ne périsse. Regardons au type, au serpent d’airain élevé comme un témoignage de l’amour de Dieu. Pour qui fut-il dressé ? Pour des malades assurément ! Eh bien ! il en est ainsi de la croix ; elle nous parle de ce même amour, de cette compassion divine qui s’est émue en faveur des âmes blessées par le serpent ancien, et qui sont, à cette heure même, pleines de doutes, ennemies de Dieu, de sa loi, de sa volonté sainte. Leurs oeuvres et leurs tentatives pour mériter le ciel, sont comme les convulsions des mourants, qui se consumaient en impuissants efforts sur les plaines brûlantes du désert. Dieu les aimait pourtant, tels qu’ils étaient, incurables et voués à la mort, et il leur donna un sûr et prompt remède.

Il nous a aimés, nous aussi, lorsque nous étions morts dans nos offenses. C’est pour nous que la croix fut élevée, et c’est à de pauvres pécheurs tels que nous, que le Seigneur fait entendre un touchant appel ; il nous invite à regarder Celui qui fut attaché au bois maudit. La guérison de nos âmes sera instantanée, comme le fut celle des Israélites. C’est la foi en un fait déjà accompli qui nous donne l’assurance de notre adoption. Celui qui croit a la vie : l’Écriture et notre expérience nous confirment cette consolante vérité.

Le Sauveur nous déclare expressément que Dieu a aimé le monde, et l’apôtre saint Paul ajoute que « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec soi, en ne lui imputant point ses péchés (2 Cor., V, 19.). » Dans quel état est le monde ? « Il est plongé dans le mal (1 Jean, V, 19.). »
Le serpent l’a entouré de ses replis ; il a versé son poison dans les veines de l’humanité. Mais c’est précisément pour les pécheurs que Jésus est mort. Il justifie les injustes et ne fait point de distinction de personnes. Tous ont péché, et il offre son pardon à tous individuellement. Il nous aime parce qu’il est dans sa nature d’aimer, et non point parce que nous sommes aimables à ses yeux. Il n’attend pas, pour nous pardonner, que nous ayons réformé notre conduite, ni amélioré nos sentiments ; son amour nous prévient, et c’est là même où le péché a abondé que la grâce a surabondé.

Quelqu’un dira : « Comment puis-je être assuré de l’amour de Dieu pour moi, et du pardon de mes péchés ? » Fais-tu partie du monde ? Es-tu, par nature, un pécheur blessé par le serpent ? Eh bien ! s’il en est ainsi, l’amour du Père s’étend à toi ; c’est pour toi qu’il a donné son Fils et qu’il l’a livré à la mort.
Un regard sur la croix remplit nos âmes d’une sainte confiance ; il donne nos coeurs troublés et repentants une paix qui surpasse toute intelligence. Mais quand l’assurance du salut ne descend pas du Calvaire, elle est un oreiller trompeur de sécurité ; elle ne provient que de notre propre justice. Ici les ruses de notre coeur abondent ; examinons-en quelques-unes, en nous laissant diriger par la Parole inspirée.

On entend dire par des personnes très sincères : « Nous ne mettons pas notre confiance en notre propre justice et nous savons que rien en nous ne peut mériter la faveur de Dieu ; cependant notre paix n’est point assurée. » Si nous ne nous trompons, voici le piège que ces âmes n’aperçoivent pas : elles constatent un changement dans leurs dispositions intérieures ; le Seigneur a commencé en elles sa bonne oeuvre ; il leur a donné une certaine mesure de foi et d’espérance ; elles s’en réjouissent, et considèrent ces grâces comme un témoignage de l’amour de Dieu. Peu à peu, elles arrivent à trouver leur consolation dans ces dons mêmes du Saint-Esprit. Elles les étudient, les considèrent avec complaisance et ne s’approchent du Seigneur avec confiance que lorsqu’elles jouissent de ces bénédictions intérieures.
Le pharisien de la parabole ne leur ressemblait-il pas ? Ne trouvons-nous pas en lui des dispositions à peu près identiques ?
Il s’examine lui aussi ; il reconnaît qu’il n’est pas comme le reste des hommes, et même il en rend gloire à Dieu. Sa confiance repose sur ce qu’il possède, et il s’approche hardiment du Seigneur. Mais celui-ci condamne le fondement de cette assurance.
Quant au péager, il ne sait que deux choses, mais deux choses précieuses par-dessus toutes : il sait d’abord ce qu’il est devant Dieu, et en second lieu ce que Dieu est à l’égard de l’homme. « Sois apaisé envers moi qui suis pécheur ! » s’écrie-t-il ; et cet appel à la miséricorde divine montre qu’il connaît sa position vis-à-vis du Seigneur.
Pécheurs comme lui, humilions-nous avec lui ; surtout, ne cherchons plus en nous-mêmes des titres pour nous approcher de Celui qui sonde les coeurs et les reins. Qu’il nous suffise de savoir que nous sommes pécheurs devant Dieu : c’est là notre seul titre pour venir à lui et pour accepter son pardon.
Encore une fois, il ne réclame rien de nous ; il ne nous impose aucune condition : « Venez, » dit-il, « vous tous qui êtes travaillés et chargés. » À celui qui est convaincu de péché, la Parole sainte ne donne qu’un seul ordre : celui de regarder à Christ crucifié.

Jésus est le seul libérateur, son oeuvre le seul moyen de délivrance.
Détourne donc, ô mon frère, tes regards de toi-même et des grâces que tu peux avoir reçues, pour fixer tes yeux uniquement sur Jésus. Ne considère ni l’état de tes sentiments, ni la multitude de tes offenses, ni l’incurable misère de ta nature ; ne redoute ni le monde, ni le diable, mais obéis simplement, comme un enfant, à l’ordre que te donne ton Père. Regarde à Jésus à cette heure même ; regarde à lui en tout temps, et tu éprouveras que seul il peut sauver parfaitement tous ceux qui s’approchent de Dieu par lui.

Un regard plein de confiance sur Jésus crucifié remplit nos âmes de paix. – Essayerons-nous de nous repentir avant de regarder à lui ? Non, les émotions de la repentance, après lesquelles tant de personnes soupirent, indiquent le retour de la santé spirituelle.
Notre titre de pécheurs perdus doit nous suffire pour aller à la croix.
Nous efforcerons-nous d’améliorer notre coeur et de renoncer à nous-mêmes avant de regarder ? Non ; car une vie obéissante est l’oeuvre de la grâce divine ; elle est le résultat du regard sur la croix ; elle ne le précède pas.

Faut-il, avant de nous approcher de cette croix, posséder une intelligence parfaite des vérités révélées, avoir fait une étude approfondie de ce que Dieu est et de ce qu’il veut que nous soyons ? Non : cela même n’est pas nécessaire. Croire en Jésus, c’est regarder à lui avec la persuasion qu’il peut sauver notre âme. L’Israélite mourant attachait sur le serpent d’airain un regard plein de foi et il était guéri ; tous ceux qui croient en son glorieux antitype, en Christ crucifié, ont la vie éternelle.
La foi, n’est point une disposition que nous puissions nous donner, ni que nous devions apporter au Seigneur, comme si elle était une condition légale du salut. Elle est un don de Dieu ; elle est la simple confiance que nous avons au témoignage qui est rendu à Jésus dans les Écritures. Et quel est ce témoignage ? C’est que Dieu a aimé le monde, et a donné son Fils pour le sauver.

Comme les saints hommes dont la Parole inspirée nous raconte l’histoire, nous avons tous un message personnel à recevoir de la part de Dieu. Il s’adresse à nous comme à des pécheurs, qui n’ont rien à lui apporter que leurs transgressions, et il nous offre le pardon.

Il est vrai que la même voix prononce dans les Écritures un message de colère ; mais ce message-là ne s’adresse qu’à ceux qui ont déjà méprisé la bonne nouvelle que nous apporte l’alliance de la grâce, traitée d’abord avec Abraham. Dieu lui promit de faire naître le Christ de sa postérité, et il tint fidèlement sa promesse. Le Sauveur vint sur la terre au temps marqué ; il souffrit, il mourut, il nous ouvrit le chemin du lieu très saint. C’est ainsi que l’alliance de la grâce, traitée avec le Père des croyants, précéda l’alliance des oeuvres et l’annonce des châtiments réservés aux violateurs de la loi du Sinaï.
Tenons-nous donc fermement attachés à Jésus, et le message de colère, donné par la bouche de Moïse, ne s’adressera point à nous.

L’Israélite qui regardait au serpent d’airain désespérait complètement de lui-même. L’âme qui regarde à Christ renonce aussi à sa propre justice ; elle se confie en l’amour d’un Dieu, qui ne refuse sa grâce à personne, qui pardonne à tous indistinctement : aux plus vils aussi bien qu’aux meilleurs d’entre les hommes. Elle consent à être confondue avec la foule des pécheurs ; à ne placer son espérance de salut qu’en la grâce souveraine et gratuite du Seigneur. Pour se mettre ainsi au rang des malfaiteurs, il faut ne plus avoir aucune confiance en soi-même. C’est là une humiliation devant laquelle le pécheur ne recule pas, lorsqu’il croit au salut accompli par Christ.

Pour nous, comme pour l’Israélite, il n’existe pas d’intervalle entre le regard et la guérison. On peut hésiter longtemps, avant de se décidera regarder à Jésus ; on peut chercher longtemps d’autres remèdes ; mais dès que notre âme se tourne vers lui avec foi, elle reçoit l’assurance immédiate de son pardon. Le Sauveur éprouvait souvent les malades qui venaient à lui ; il tardait à les exaucer, mais aucun d’eux ne fut renvoyé sans être guéri.

Nous sommes sauvés par la foi. Prenons garde, cependant, de ne pas attacher à l’acte même de la foi une vertu rédemptrice. C’est l’objet sur lequel s’appuie notre confiance qui nous sauve ; c’est Christ et son oeuvre parfaite, accomplie longtemps avant que la foi qui nous l’approprie eût pu germer dans nos coeurs. Il faut que toute la gloire de notre délivrance soit rendue à celui qui nous l’a acquise par ses douleurs et par sa justice. Jésus a tout fait dans l’oeuvre du salut, et c’est encore sa grâce toute-puissante qui produit en nous la force de regarder à lui et de nous confier en son sacrifice.

La foi prend Dieu au mot ; elle compte sur lui ; elle s’appuie sur ses promesses. C’est pour cela qu’elle seule le glorifie. « Regardez à moi, et soyez sauvés, vous, tous les bouts de la terre ! » s’écrie le prophète Esaïe. Le Rédempteur nous invite par sa bouche à regarder à la croix. Obéissons simplement à cet appel, et regardons… Ce regard, si vous êtes encore indifférents, vous rendra sérieux quant à vos intérêts éternels. Il vous fera apprécier à leur juste valeur les frivoles joies de ce monde.
Le saint objet que vous contemplerez vous paraîtra tellement glorieux, qu’il éclipsera pour jamais les lueurs éphémères des choses d’ici-bas. Si vous êtes affligés, un regard sur Jésus vous remplira de force. Si le découragement vous accable, il vous relèvera, il vous rendra la paix et la vie. Regardons tous à Christ à chaque heure de notre fragile existence : de la sorte, nous demeurerons en lui et nous apprendrons à ne vivre que pour lui.

Regardons à Christ au moment de la mort, afin de nous endormir dans la paix que donne la foi, dans la douce assurance que nos péchés sont blanchis dans le sang de l’Agneau. -Oui, regardons à Christ en tout temps ; alors notre âme, maintenue dans une sainte et continuelle communion avec son divin Maître, s’illuminera des rayons de gloire qui partent de sa personne et les reflétera autour d’elle. Tous connaîtront que nous vivons près de Jésus et que nous faisons notre nourriture de sa chair et de son sang. L’Écriture sainte ramène constamment notre pensée sur la personne et sur l’oeuvre de Christ ; elle détourne nos regards des objets inférieurs, pour les fixer sur le Sauveur. Elle nous invite à regarder à lui par des appels tantôt sévères, tantôt suppliants et tendres, mais qui se résument tous en ces mots du Cantique des cantiques : « Fais-moi voir ton regard ! »

 

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