Publié le 11/05/2022 à 11:01
« Le scandale du Rivotril est unique en son genre »
TRIBUNE — “L’état de crise permanent” que nous vivons depuis deux ans a jusqu’ici permis au pouvoir en place de continuer son rouleau compresseur sans permettre à quiconque de dresser un bilan. Nous avons détaillé beaucoup de points sur cette chaîne au fur et à mesure des remontées de données. Parmi tous les éléments utilisés depuis deux ans pour entretenir la psychose, le scandale du Rivotril est unique en son genre. Il ne s’agit pas d’une arnaque de comptage comme nous avons pu le voir sur les tests ou la surdéclaration dans les hôpitaux, mais bien de personnes qui sont décédées parce qu’on leur a injecté cette substance, sous prétexte d’une suspicion d’infection au Covid-19. Il y a donc une vraie hausse artificielle de mortalité, qui a pu être déclarée très commodément “causée” par la maladie.
L’audition à l’Assemblée nationale : le scandale aurait dû éclater en juillet 2020
Le 7 juin 2020 à partir de 17 h a eu lieu une session extraordinaire de l’Assemblée nationale qui a vu les auditions de Mme Astrid Petit, membre de la direction fédérale de la fédération Santé et action sociale de la Confédération générale du travail (CGT) ; M. Gilles Gadier, secrétaire fédéral de la fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière (FO) ; M. Olivier Youinou, co-secrétaire du syndicat Solidaires, unitaires et démocratiques (SUD) santé sociaux solidaires de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) ; Mme Clotilde Cornière, secrétaire nationale de la CFDT santé sociaux (CFDT) ; M. Maxime Sorin, conseiller technique pour l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) santé et sociaux public et privé. Le compte-rendu est disponible sur Internet.
Le Rivotril est évoqué à partir de la déclaration de M. Olivier Youinou : “Je pense que des choix ont été faits, en particulier dans les Ehpad. »
Outre la note ministérielle qui a été évoquée, il y a eu le décret n° 2020-360 du 28 mars 2020, « complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire », dit décret Rivotril. Dans le contexte de la crise liée au Covid-19, on a jugé que des patients, essentiellement parce qu’ils étaient âgés, avaient une balance bénéfices-risques qui conduirait les réanimateurs à dire qu’ils auraient du mal à les sortir de la réanimation, mais cela reposait sur des données statistiques et non sur des données réelles, sur des études cliniques.
C’est particulièrement vrai au sujet de l’hospitalisation à domicile (HAD) – je pensais qu’Astrid Petit en parlerait. On a mis en place à l’Assistance publique des groupes d’intervention rapide (GIR). Vous imaginez, rien que sur le plan lexical ce que cela peut vouloir dire – on n’est pas tellement dans le champ hospitalier. Les équipes hospitalières intervenaient dans les Ehpad pour mettre en place un protocole préétabli, faisant notamment appel au Rivotril, pour des personnes âgées présentant une dépression respiratoire.”
- Éric Ciotti, le rapporteur, a ajouté : “C’est un protocole de fin de vie.” M. Olivier Youinou a confirmé : “C’est ce qui a été appelé le « protocole palliatif covid ».”
On apprend à la lecture de ce texte que l’AP-HP a mis en place des groupes d’intervention rapide dont le but n’était pas de se déplacer pour soigner des patients en détresse, mais bien de leur injecter du Rivotril pour “accompagner” leur fin de vie. Pour mémoire, nous avons déjà montré dans deux vidéos réalisées grâce aux rapports de l’ATIH, que finalement les hôpitaux français n’ont jamais été saturés en 2020, et plus particulièrement, les services de réanimation non plus. Il est donc pour le moins choquant que l’AP-HP décide aussi promptement de mettre des moyens humains pour accompagner les décès, plutôt que pour s’occuper des malades.
Ces groupes d’intervention rapide ont été mis en place à la suite du fameux “décret Rivotril”. L’article 12-3 du chapitre 7 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui décrète une dérogation au Code de la santé publique :
La spécialité pharmaceutique Rivotril ® sous forme injectable peut faire l’objet d’une dispensation, jusqu’au 15 avril 2020, par les pharmacies d’officine en vue de la prise en charge des patients atteints ou susceptibles d’être atteints par le virus SARS-CoV-2 dont l’état clinique le justifie sur présentation d’une ordonnance médicale portant la mention “ Prescription Hors AMM dans le cadre du covid-19
Le Rivotril est un médicament antiépileptique dont l’utilisation n’a habituellement rien à voir avec les infections respiratoires ou l’accompagnement palliatif par sédation. Dans la notice du Vidal, il est mentionné comme contre-indications :
« Ce médicament ne doit pas être utilisé dans les cas suivants :
Insuffisance respiratoire grave,
Syndrome d’apnée du sommeil,
Insuffisance hépatique grave,
Myasthénie. »
Ainsi, la dérogation du décret ne propose pas l’utilisation d’un sédatif, mais d’un médicament déclenchant l’arrêt de la respiration du patient, et donc son décès anticipé. Il s’agit donc d’un protocole de fin de vie sans demander l’avis du patient, et pour lequel il suffit que le patient soit soupçonné d’être atteint du SARS-CoV-2, ce qui ouvre la voie à toutes les dérives possibles.
Il est donc nécessaire de savoir combien de personnes âgées ont “bénéficié” de cette mesure, ainsi que son impact sur les statistiques de mortalité.
L’accélération des décès en Ehpad
Le décret Rivotril a eu cours du 28 mars au 11 mai 2020. Cette période est précisément celle avec le plus fort nombre de décès quotidiens depuis la canicule de 2003.
L’analyse des ventes de Rivotril en pharmacie dans sa forme injectable, disponibles sur la base Médic’AM, reflète l’ampleur de l’utilisation de ce produit (Figure 1).
Figure 1 : Base remboursable mensuelle de Rivotril injectable distribué en pharmacie
Ainsi, contrairement aux antibiotiques, dont la vente a chuté suite aux directives du gouvernement, les ventes de boîtes Rivotril dans sa forme injectable ont augmenté de 59 % au mois de mars et de 227 % en avril, relativement à la moyenne observée entre 2017 et 2019. Cette augmentation sur mars-avril représente 1 700 boîtes du produit vendues en plus de l’habitude (Figure 2).
Figure 2 : Nombre de boîtes de Rivotril injectable distribuées en pharmacie chaque mois
Précisons que chaque boîte contient six ampoules dont une à deux sont utilisées par patient dans le cadre d’une fin de vie. Ces statistiques ne reflètent que partiellement l’utilisation de cette molécule, car elles ne prennent en compte que les doses distribuées par les pharmacies de ville, et donc pas celles en provenance directe de l’hôpital. Depuis le début de la crise du Covid, soit entre mars 2020 et mars 2021, 8 200 boîtes supplémentaires à l’habitude ont été vendues, soit plus de 48 000 ampoules.
De la même manière, les ventes de Valium injectable, qui sert classiquement à accompagner la fin de vie, ont explosé en mars-avril 2020.
Au total, 5 000 boîtes de plus ont été vendues sur la période. Comme le Rivotril, cette habitude a visiblement perduré dans le temps. Plus de 22 000 boîtes supplémentaires à l’habitude ont été distribuées par les pharmacies entre mars 2020 et mars 2021.
Pour tenter de mesurer l’impact de cette décision de privilégier la fin de vie plutôt que le soin, nous pouvons comparer l’évolution des décès quotidiens en Ehpad toutes causes confondues depuis les données de l’INSEE à celles déclarées comme “Covid-19” sur le portail data.gouv.fr (sur lequel on remarque que désormais les données des Ehpad ont été masquées pour la période avant l’été 2020, mais que l’on peut retrouver en utilisant les archives du web).
Cette comparaison des décès déclarés Covid-19 et des décès toutes causes dans les Ehpad présente ainsi des incohérences massives (Figure 3). Par exemple, autour du 31 mars, la quasi-totalité des décès des Ehpad sont enregistrés dans les statistiques Covid-19 alors que moins de la moitié des départements français connaissent une surmortalité et sont considérés touchés par cette pathologie.
Figure 3 : Nombre de décès quotidiens en établissement médicalisé en France
On constate que les remontées de décès Covid-19 arrivent massivement au moment de la promulgation du décret dérogatoire concernant le Rivotril. De plus, même après la fin de la période de surmortalité française à partir du 1er mai, des décès Covid-19 ont bien été enregistrés dans les Ehpad jusqu’à la fin de la validité du décret.
Il est évident qu’une intervention médicamenteuse ayant pour conséquence d’accélérer le décès de patients en fin de vie a des répercussions sur les statistiques de décès. Dès lors, la “surmortalité” constatée sur courte période n’est pas le signe d’un plus grand nombre de décès à moyen terme, mais uniquement d’un regroupement artificiel de décès sur les mêmes dates.
Sur la période du 28 mars au 30 avril, la surmortalité en Ehpad comparativement à la moyenne 2017-2019 est d’environ 5 100 personnes. Pendant cette période, 1 700 boîtes de Rivotril ont été distribuées en plus de l’habitude. Chaque boîte contient six ampoules dont jusqu’à deux sont utilisées pour “accompagner” un décès. Il y a donc potentiellement trois décès par boîte, soit 5 100 décès anticipés.
Si l’on considère que l’utilisation du Rivotril a accéléré le décès des personnes qui ont bénéficié de ce “traitement”, alors la totalité de la surmortalité en Ehpad sur cette période peut s’expliquer par l’utilisation du Rivotril en lieu et place des traitements habituels.
Le non-soin à l’hôpital
Les hôpitaux ont commencé à remonter des décès Covid-19 à partir du 18 mars 2020 (Figure 4, courbe orange). On constate, en effet, à partir de cette date, une augmentation du nombre de décès dans la mortalité générale de l’hôpital (courbe grise).
Figure 4 : Nombre de décès quotidiens à l’hôpital en France
Le nombre de décès enregistrés à l’hôpital entre novembre 2019 et février 2020 est en moyenne de 931 par jour. Ce nombre a bien été franchi quotidiennement à partir du 18 mars 2020, date à laquelle les hôpitaux ont commencé à remonter des décès liés au Covid-19, et jusqu’au 18 avril 2020, avec un maximum à 1 345 le 31 mars 2020. Durant cette période, entre le 18 mars 2020 et le 18 avril 2020, le nombre de décès à l’hôpital est passé en moyenne à 1 150 par jour. Cela représente donc 200 décès de plus par jour par rapport à l’habitude. Pendant cette période, le nombre de décès identifiés Covid-19 a été de 370 par jour en moyenne. Ainsi, le nombre de décès remontés déclarés Covid-19 est deux fois plus élevé que l’augmentation du nombre de décès total constatée.
À partir du 18 mars, plus les hôpitaux remontent de décès liés à la Covid-19, moins ils remontent de décès liés à d’autres pathologies. On voit nettement la courbe bleue baisser lorsque la courbe orange augmente et inversement.
Au bilan, la surmortalité hospitalière représentant le surnombre de décès à l’hôpital sur la période du 18 mars au 30 avril 2020 est de 7 170 personnes. Ce nombre est deux fois plus petit que le nombre de décès attribués à la Covid-19 par l’hôpital sur cette période : 14 283. Il semble donc y avoir un sérieux problème de surévaluation statistique.
Du côté de la surévaluation statistique, le site géodes précise le changement de comptage opéré à partir du 31 mars 2020 : jusqu’au 31 mars, les instructions aux établissements de santé pour créer un dossier patient dans SI-VIC étaient un diagnostic de Covid-19 confirmé biologiquement.
Depuis le 31 mars, les établissements de santé doivent saisir systématiquement dans SI-VIC les patients hospitalisés présentant un diagnostic de Covid-19 confirmé biologiquement OU une TDM thoracique évocatrice de diagnostic de Covid-19. Toutefois, un établissement peut créer un dossier patient sur une base de forte suspicion clinique ou d’une imagerie évocatrice, puis effacer ultérieurement le dossier si le test s’avère négatif.
On observe que le nombre de décès Covid-19 remontés par les hôpitaux dans la semaine du 23 mars 2020 au 26 mars 2020 est de 282 en moyenne. Cette moyenne explose à partir de la semaine suivante pour passer à 469, puis 480, avant de commencer à redescendre avec l’arrivée des beaux jours. On ne peut pas écarter l’hypothèse que l’augmentation très forte visible fin mars vienne uniquement du changement de la stratégie de comptage, où toute personne qui tousse est comptabilisée Covid-19.
Il reste cependant une surmortalité de 7 000 personnes sur la période. Deux membres du Conseil scientifique, Arnaud Fontanet et Simon Cauchemez, ont publié un article dans Science utilisant les données hospitalières françaises et notamment le nombre de jours entre la prise en charge du patient et son décès. Les courbes les plus intéressantes ont été supprimées de l’article principal, mais sont toujours disponibles dans les données complémentaires. À la page 16 est détaillé le nombre de jours que mettent les patients arrivant à l’hôpital avant de décéder (Figure 5).
Figure 5 : Délai entre l’entrée à l’hôpital et le décès
Ainsi, 17 % des patients décèdent le jour même de leur arrivée à l’hôpital. On observe d’ailleurs une très forte différence entre le nombre de décès au jour 1 et le nombre de décès au jour 2, illustrant qu’une grosse partie des arrivées n’est plus “sauvable”. Ces 17 % de patients arrivés trop tard parmi les 17 000 de l’étude représentent 2 800 personnes. Si l’on considère qu’un décès dans les trois premiers jours d’hospitalisation révèle la prise en charge de ces personnes “non sauvables”, le total de décès concerné est alors de 6 000. Pour mémoire, nous avions vu que la surmortalité à l’hôpital sur cette période est de 7 000 personnes. Ainsi, la quasi-totalité de la surmortalité hospitalière s’explique par ces décès précoces.
Or, l’hôpital a également appliqué la directive “Rivotril” et a donc administré ce produit de manière importante pour accélérer le décès des patients suspectés de Covid-19. Cependant, il est impossible aujourd’hui de savoir combien de patients ont “bénéficié” du “traitement au Rivotril” sur cette période puisque les statistiques hospitalières ne sont pas diffusées.
Il serait très intéressant pourtant d’ouvrir une enquête pour savoir combien de médecins ont utilisé ce protocole et combien de fois.
L’euthanasie devenue une habitude pour certains
Nous avons vu en début de présentation que l’AP-HP (les hôpitaux de Paris) a mis en place des Groupes d’intervention rapide pour aller administrer du Rivotril dans toute l’Île-de-France. Or la fameuse “surmortalité” de mars-avril 2020 n’a quasiment eu lieu qu’en Île-de-France.
Pour s’en rendre compte, nous pouvons mettre à la même échelle les décès dans tous les départements français (nous avons centré par la moyenne et réduit au quartile les données des décès depuis 2018, chaque point représente le nombre de quartiles d’écarts par rapport à la moyenne).
Nous avons matérialisé en jaune les périodes de confinement français.
On observe bien des pics de décès impressionnants dans les huit départements d’Île-de-France sur la période de mars-avril 2020. Les pics sur cette période sont tous compris entre cinq et neuf fois le premier quartile de décès.
Ces pics de décès de mars-avril n’existent quasiment nulle part ailleurs. Par exemple, il n’y en a pas eu du tout en Bretagne.
Ni même dans aucun des 12 départements de Nouvelle-Aquitaine.
Ni dans aucun des 13 départements d’Occitanie.
En Auvergne Rhône-Alpes, seul le département du Rhône, dépendant des hôpitaux de la métropole lyonnaise, est concerné.
Au total, en dehors des huit départements franciliens, seuls cinq départements présentent au moins une journée dont l’écart à la moyenne est au moins supérieur à quatre quartiles (Rhône, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Moselle et le Nord). Il est donc urgent de libérer les données de délivrance de Rivotril par les hôpitaux pour vérifier à quel point ces hausses de mortalité ne sont pas uniquement du fait de la stratégie choisie. Chacun comprendra que quand on ne soigne pas les gens, ils survivent moins bien, mais pire, quand on les euthanasie, ils ont tendance à mourir.
Nous avons remarqué que la vente de Rivotril n’est jamais redescendue à son niveau normal (Figure 2). De fait, un décret du 31 mai 2020 a repris à l’identique les dispositions du décret du 23 mars 2020, suivi encore par un décret du 16 octobre 2020. Entre mars 2020 et mars 2021, 8 200 boîtes supplémentaires à l’habitude ont été vendues par les pharmacies, soit plus de 48 000 ampoules. Elles représentent 24 000 décès anticipés, tout cela sans prendre en compte le nombre de doses délivrées directement par les hôpitaux.
Il est visible que les hausses de mortalité ont lieu dans des endroits très précis, et aux moments où sont délivrés en grand nombre des produits servant à euthanasier des patients. Il est donc plus qu’urgent d’ouvrir une enquête, en exigeant l’accès aux données des médicaments injectés à tous les patients, hospitalisés, en Ehpad ou à domicile depuis 2020. Il est nécessaire d’interroger le petit nombre de praticiens qui semble faire une forte utilisation du Rivotril. Cette substance n’a jamais été un médicament distribué à grande échelle pour soigner des gens, mais elle a bien été utilisée pour mettre un terme à la vie de patients sans leur consentement, dans des endroits très précis, et sous prétexte sanitaire. C’est un des plus gros scandales que nous vivons depuis deux ans. Non seulement ces gens n’ont jamais demandé à être euthanasiés de la sorte, loin de leurs proches, mais en plus ces morts ont servi à entretenir la panique en gonflant artificiellement la mortalité de 2020. Quand il n’y a pas assez de morts pour justifier la psychose, on trouve des serviteurs zélés pour y remédier.
Auteur(s): Pierre Lécot, pour FranceSoir
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