« Je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair. »
Romains 9:3
Des sommets bénis sur lesquels l’apôtre nous a conduits graduellement dans la première partie (doctrinale) de l’épître, ayant son apogée dans le cri de triomphe « plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Romains 8:1), nous voici plongés brusquement, au début de la partie prophétique ou dispensationnelle de l’épître, dans une vallée de tristesse lorsque l’apôtre nous dit éprouver un continuel tourment dans son cœur.
Pourquoi cette chute soudaine du sommet des bénédictions? L’apôtre n’aurait-il pu nous épargner la connaissance et la tristesse de cette partie prophétique de son épître? N’aurait-il pas pu poursuivre le fil de son argumentation avec la partie pratique qui commence au chapitre 12? Non. Pour leur propre bien, l’apôtre ne pouvait pas laisser les croyants d’entre les nations dans l’ignorance du mystère de Dieu en ce qui concerne Israël (Actes 20:27). Les agissements de Dieu avec Israël, les desseins de Dieu en Israël sont des sujets que, pour leur bien, les chrétiens ne peuvent ignorer (Romains 11:25).
L’enseignement contenu dans cette partie de l’épître écrite expressément dans le but d’instruire les croyants d’entre les nations en ce qui concerne Israël n’est pas salutaire seulement, mais aussi absolument nécessaire; et si, au cours de notre étude, nos cœurs sont remplis des compassions du Christ, nous aussi nous serons remplis de tristesse en contemplant la condition présente d’Israël; toutefois, nous aussi nous pousserons finalement avec l’apôtre l’exclamation d’adoration triomphante: » 0 profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles! » (Romains 11:33). Et nous bénéficierons d’une vue élargie du caractère de Dieu et d’une meilleure compréhension de ses voies: ce sera là le fruit de notre étude. Il n’est rien de plus désirable pour le chrétien.
Les cinq premiers versets du chapitre 9 forment une introduction à cette section de l’épître qui se compose des chapitres 9, 10 et 11. Dans ces versets, l’apôtre Paul, avant de justifier les voies de Dieu dans sa manière d’agir avec Israël et les nations, s’arrête pour exprimer sa propre tristesse et sa profonde sympathie pour cette nation qui, quoique exaltée dans les conseils de Dieu, est actuellement tombée si bas à cause de son incrédulité.
« Je dis la vérité en Christ, je ne mens point, ma conscience m’en rend témoignage par le Saint-Esprit » (Romains 9:1).
Par cette affirmation solennelle, l’apôtre désire non seulement nous impressionner par la sincérité de sa peine et de sa sympathie pour Israël, mais nous apprendre que les sentiments qu’il exprime ne sont pas simplement des sentiments naturels, tels qu’un Juif peut être sensé en avoir pour sa nation. Il parle comme un homme » en Christ », c’est-à-dire comme un homme dont la conscience, dont l’être tout entier, ont été renouvelés et illuminés, et qui, au moment d’écrire, réalise qu’il est sous l’opération directe du Saint- Esprit.
Il ne parle pas comme un homme naturel, mais comme un homme spirituel (1 Corinthiens 2:14-15), pas comme un Juif, mais comme un Israélite dans lequel il n’y a point de fraude (Jean 1:47). C’est comme un apôtre inspiré qu’il parle et qu’il réclame notre attention sur ce sujet si important.
« J’éprouve une grande tristesse (ou: une grande lourdeur d’esprit) un chagrin continuel dans mon cœur. »
L’apôtre s’est en effet abreuvé abondamment à l’Esprit de son divin Maître, notre Seigneur Jésus qui devint pour nous » l’homme de douleur, habitué à la souffrance » (Esaïe 53:3) qui était toujours ému de compassion lorsqu’il contemplait la multitude d’Israël sans berger (Matthieu 9:36), et qui pleurait sur Jérusalem. Arrêtons-nous un instant sur ce second verset, et demandons-nous comment cette sympathie divine, cette peine inspirée par l’Esprit, opéraient dans son cœur.
Elles le poussaient en tout premier lieu à une réelle intercession pour Israël. « Frères, explique-t-il au début du dixième chapitre, le désir de mon cœur et ma prière à Dieu pour eux, c’est qu’ils soient sauvés » (Romains 10:1) – ou plus littéralement: « le bon plaisir de mon cœur et ma supplication à Dieu pour Israël, c’est leur salut. » L’apôtre faisait ses délices de la prière pour Israël.
Je me demande combien prient vraiment pour Israël; et parmi ceux qui sont les sentinelles sur les murs de Sion et qui prient pour le salut d’Israël (Esaïe 62:6), je me demande de combien l’on peut dire qu’ils le font selon le bon plaisir de leur cœur et pas seulement comme une obligation. L’apôtre trouvait ses délices dans la supplication pour Israël parce que cela le faisait pénétrer plus avant dans l’intimité du cœur de Dieu qui n’a jamais cessé d’aimer son peuple errant, et parce que ses prières jaillissaient de sa sympathie et d’une profonde compréhension du conseil de Dieu, non seulement pour bénir Israël mais aussi pour en faire le centre et le canal de sa bénédiction pour toute la terre.
Non seulement il priait pour eux, mais son amour divin pour Israël le poussait aussi à travailler continuellement pour eux. Paul était envoyé par Dieu spécialement pour annoncer aux nations la bonne nouvelle du salut par le Messie crucifié et ressuscité (Galates 2:7-8); mais si nous le suivons dans sa carrière missionnaire, nous constatons que partout où il allait (Romains 1:16; Actes 13:46), il cherchait premièrement les Juifs et leur prêchait dans leurs synagogues. « C’est à vous premièrement que la parole de Dieu devait être annoncée » disait-il à Antioche, et, lorsque les Juifs de cette ville se bouchèrent les oreilles en blasphémant et qu’il dut se tourner vers les païens, nous lisons qu’à Icone où il arriva immédiatement après, lui et Barnabas (Actes 14:1) se rendirent de nouveau à la synagogue où ils parlèrent de telle manière qu’une grande multitude de Juifs et de païens crurent. Et c’est suivant ce principe que se termina son ministère.
Non seulement il leur prêchait l’Evangile, mais il s’occupait des besoins matériels des Israélites croyants; et lorsqu’une famine sévit en Judée, il fut le premier à élever la voix parmi les églises de la Gentilité qu’il avait fondées, les appelant à l’aide de ces Juifs et leur rappelant que « si les païens ont eu part à leurs avantages spirituels, ils doivent aussi les assister dans les choses temporelles » (Romains 15:27).
Cependant, toutes ses prières et tout son travail n’expriment pas entièrement l’ardeur de son amour pour Israël. Il va plus loin. Ceci nous est rapporté au troisième verset, combien merveilleux: « car je souhaiterais être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair ». Bien qu’il soit très difficile d’accepter la pleine signification de ces paroles ferventes de l’apôtre, il est certain qu’aucune autre interprétation ne peut nous en donner tout le sens, c’est-à-dire que l’apôtre souhaitait, si ç’eut été possible et si Christ l’eut permis, être retranché lui-même à la place de son peuple. Ce vœu, dit le Doyen Alford, n’est évidemment pas une inconséquence de l’apôtre qui aurait aimé sa nation plus que son Sauveur.
C’est l’expression d’un cœur plein d’amour et de renoncement disposé à abandonner toute chose, même la vie éternelle si c’était possible, si par cela il pouvait obtenir pour son peuple les bénédictions de l’Evangile dont il jouit et dont ils sont exclus. Certains expriment leur amour en se disant prêts à donner leur vie pour leurs amis, il montre lui l’intensité de son amour en reconnaissant que sa vie éternelle même n’est pas un prix trop grand au regard de leur salut.
Il y a deux personnes dans l’histoire d’Israël qui se rapprochent le plus de Christ par leur disposition à se sacrifier elles-mêmes pour leur peuple. L’une, c’est Moïse qui après l’apostasie d’Israël dans l’affaire du veau d’or demande à Dieu de leur pardonner leur péché ou de l’effacer de son livre qu’Il a écrit (Exode 32:32). L’autre, c’est cet apôtre qui souhaitait être anathème et séparé de Christ pour ses frères.
Et souvenez-vous, mes chers amis, que l’homme qui nous donne ce reflet de l’intensité de l’amour ardent de son cœur pour Israël est peut-être celui qui, après notre Seigneur Jésus Christ, a le plus souffert de la part de son peuple. Chaque fois qu’il leur proclamait l’accomplissement des promesses faites aux pères dans le don du Fils, unique de Dieu, ils criaient: « ôte de la terre un pareil : homme! il n’est pas digne de vivre » (Actes 22:22). Cinq fois ils le flagellèrent (2 Corinthiens 11:24), puis ils le chassèrent d’un lieu à l’autre; partout où ils le purent, ils provoquèrent un tumulte contre, lui; ils le battirent, le lapidèrent, le chargèrent de toute sorte d’accusations et de blasphèmes, et, ce qui le fit peut être le plus souffrir, ils essayèrent par tous les moyens à leur disposition de le frustrer de son apostolat, l’empêchant de parler aux païens pour qu’ils soient sauvés (1 Thessaloniciens 2:15-16).
Et malgré tout et à travers tout jusqu’à la fin, non seulement il ne voulut pas » accuser sa nation » devant les Gentils (Actes 28:19), mais jamais il ne cessa de l’aimer et de languir pour elle. Un tel amour ne pouvait jaillir d’une source naturelle mais faisait partie de cet amour merveilleux, éternel, immuable de l’Eternel pour les enfants d’Israël que toutes leurs fautes et apostasies ne purent et ne pourront jamais tarir. Cet amour, l’apôtre l’avait reçu du cœur de son divin Maître qui pleura sur Jérusalem et qui, sur la Croix même, pria son Père de leur pardonner « car ils ne savent ce qu’ils font » (Luc 23:34), et c’est seulement dans ce même esprit d’un amour qui ne faillit jamais et d’une compassion semblable à celle de Christ que nous aussi nous serons aptes à persévérer dans nos prières et dans nos efforts pour le salut de cet Israël contredisant et désobéissant; autrement, nous nous détournerons découragés, sinon pleins d’amertume, comme cela a été le cas, hélas, pour quelques-uns qui ont bien commencé mais dont la connaissance de ce peuple particulier était superficielle et dont l’intérêt ne reposait pas sur la base profonde d’une intelligente compréhension de la volonté et du plan de Dieu et qui n’étaient pas pressés par l’amour tout-puissant de Christ qui seul peut tout surmonter.
Le Dr. Adolphe Saphir faisait remarquer un cas semblable à celui-ci dans une de ses dernières causeries sur ce sujet: « Jésus demande à Pierre M’aimes-tu? », puis Il lui dit « Pais mes brebis » (Jean 21:16). Ce n’est pas l’amour pour les brebis qui soutiendra Pierre lorsqu’il les paîtra, c’est le fait qu’elles sont les brebis de Christ. Ce n’est pas parce que les brebis sont aimables que son intérêt pour elles se prolongera, c’est parce que Christ est digne de son amour. De même, à moins que vous ne croyiez qu’Israël est le peuple de Dieu, à moins que votre intérêt pour Israël ne soit basé sur la Parole de Dieu, vos efforts pour évangéliser Israël se lasseront et votre patience sera bientôt vaincue.
Pour revenir à la disposition de l’apôtre de se sacrifier lui-même pour sa nation, je voudrais vous rappeler que ni un Paul, ni un Moïse, ni même un archange ne pourrait suffire à la rédemption du peuple, ni même d’une seule âme en Israël. Il en est Un dont la mort seule est la rançon suffisante et qui non seulement désirait nous sauver, mais fut fait malédiction pour nous afin de nous libérer de la malédiction du péché et de la loi (Galates 3:13). Oui, il était nécessaire, non pas pour des raisons humanitaires, comme l’exprimait le souverain- sacrificateur apostat d’Israël (Jean 11:49-52), mais à cause d’une nécessité divine, émanant des principes éternels du gouvernement moral de Dieu sur le monde, que le Christ Lui-Même meure pour le peuple afin que la nation entière ne périsse pas.
Et Jésus mourut pour cette nation, et dans ce fait grand et merveilleux repose la certitude du salut futur d’Israël (Romains 11:26). Mais, béni soit son Nom, Il mourut non seulement pour cette nation, mais aussi afin de rassembler en un seul corps les enfants de Dieu dispersés, assurant ainsi le salut éternel individuel de chaque enfant de son peuple et de toute nation, ceux qui ont été amenés à la foi en Lui.
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