TRIBUNE — Au milieu des années soixante, l’immense philosophe et médecin Georges Canguilhem revenait sur son œuvre magistrale Le normal et le pathologique, que les médecins contemporains devraient lire aujourd’hui. Si la maladie est une erreur, si le malade devient de fait le signe de cette erreur, la médecine devient l’art d’éradiquer la maladie, mais peut-être aussi le malade. La lutte contre la maladie peut devenir maladive, obsessionnelle, délirante, arbitraire et politique.

 

Relisons Canguilhem :

« Pourquoi dès lors ne pas rêver d’une chasse aux gènes hétérodoxes, d’une inquisition génétique ? Et, en attendant, pourquoi ne pas priver les géniteurs suspects de la liberté de semer à tout ventre ? Ces rêves, on le sait, ne sont pas seulement des rêves pour quelques biologistes, d’obédience philosophique, si l’on peut ainsi dire, fort différente. Mais en rêvant ces rêves, on entre dans un autre monde, limitrophe du meilleur des mondes d’Aldous Huxley. […] À l’origine de ce rêve, il y a l’ambition généreuse d’épargner à des vivants innocents et impuissants la charge atroce de représenter les erreurs de la vie. À l’arrivée, on trouve la police des gènes, couverte par la science des généticiens. On n’en conclura pas cependant à l’obligation de respecter un « laisser-faire, laisser passer » génétique, mais seulement à l’obligation de rappeler à la conscience médicale que rêver de remèdes absolus, c’est souvent rêver de remèdes pires que le mal. » (273)

Nous vivons ce délire d’une politique sanitaire qui conduit pas à pas à l’éradication, l’inquisition et l’asservissement, soit l’envers de la médecine.

1. L’éradication de la maladie et l’éradication des malades

L’éradication rappelle d’affreux souvenirs, où des populations sont dénoncées pour leurs mauvaises hygiènes. C’est ainsi que bons nombres de minorités pauvres ont été persécutées ou éradiquées. Ils ne sont pas comme nous. Ils sont imprudents, malades et ils peuvent nous contaminer. Ne les fréquentons pas, séparons-les, éloignons-les, chassons-les, voire éliminons-les.

Quand la maladie fait peur, le malade devient un ennemi. Quand la maladie menace, il faut en menacer le porteur. Il fallait une dose de courage, d’abnégation et de charité pour aller soigner les pestiférés autrefois. Aujourd’hui, nous avons abandonné, voire tué des personnes âgées de peur d’être malade. Nous avons enfermé chacun pour que personne ne puisse contaminer son voisin. Éradiquer la maladie, c’est alors mettre chacun à l’isolement.

L’obsession de l’élimination de la maladie conduit à celle du malade qui est un parasite onéreux. Ceux qui prétendent porter le progrès économique et sanitaire nous renvoie à la barbarie et à l’inhumanité raisonnée. Le progrès serait le retour de la barbarie.

2. La persécution des « erreurs » et l’inquisition sanitaire

Si chaque malade est une erreur, il en porte la faute. C’est le sens des propos de quelques hauts fonctionnaires et de ministres. Vous êtes coupables de votre mauvaise santé. Vous êtes responsables de cette situation. Cette médecine transmutée en politique sanitaire se fait juge. Elle sait qualifier les erreurs et les dénoncer. L’inquisition consiste à détruire ceux qui ne sont pas dans les justes canons que la politique sanitaire inquisitoriale saurait définir. L’eugénisme n’est pas loin.

Il s’agit bien d’inquisition médicale puisque ces « médecins » qui n’en sont déjà plus, s’arrogent le droit de nous dire ce qu’est la bonne vie, la juste vie, la norme de vie. Eux sauraient que ceux-là ont le droit de naître plus que d’autres, impropres à la vie : les erreurs. Il en est de même des vivants dont la dégradation en fait des erreurs. Ceux-là doivent renoncer à vivre. Il faut les aider à mourir. Ceux-là ne sont pas vaccinés, il faut les isoler, les sanctionner.

Avec la Covid, ils savent que le bien portant est un malade en puissance et qu’il faut le « vacciner-baptiser » pour le sauver. Comme dans une espèce de parodie sordide du baptême des chrétiens, ces « médecins-inquisiteurs » ont construit la nouvelle religion des adeptes raisonnables de la thérapie salvatrice. Les adeptes ont le droit de vivre quand les autres sont à dénoncer et persécuter. Et comme l’inquisiteur est bon, ce que nous savons tous, il maltraitera les rebelles jusqu’à ce qu’ils renoncent au mal en se soumettant, bon gré, mal gré, au vaccin-baptême de la nouvelle religion.

Il y a quelque chose de sectaire dans ce que nous vivons. Il y a une secte sanitaire avec ces grands prêtres qui savent proclamer, prêcher, accuser et condamner. Il faut se soumettre à leur rituel.

3. L’oubli de la personne humaine et l’asservissement des masses

Cette politique sanitaire dépossède chaque médecin de sa mission d’écouter le patient, de diagnostiquer avec lui ce dont il s’agit et de lui apporter avec son concours les solutions thérapeutiques qui lui conviendront. La politique sanitaire est la négation de l’exercice de la médecine. Elle en est son contraire. Et la folie vaccinale contredit au moins deux acquis de la médecine.

Le premier, chaque patient est unique, chaque situation exige un diagnostic de la personne pour proposer un soin à son consentement éclairé. Le simple rhume d’un jeune adulte en pleine santé est anecdotique. Ce même simple rhume d’un nourrisson fragile est à suivre avec attention. Et ce même rhume sur une personne âgée déjà bien malade par ailleurs peut lui être fatal. Et du fait de leur histoire biologique, le premier n’ira pas voir le médecin à juste titre, le second sera présenté par des parents inquiets avec une thérapeutique adaptée à son âge, entre autres. La troisième fera l’objet d’une grande attention et la thérapeutique tiendra compte des autres traitements pour éviter des interactions risquées. Il faut urgemment relire Canguilhem pour se dire que la politique sanitaire est l’envers de la médecine. Elle la trahit parce qu’elle prétend qu’un traitement collectif passe outre l’examen du patient au profit d’une médication collective. C’est une aberration médicale. La politique sanitaire est une antiscience. C’est tout l’enseignement de Canguilhem :

« Le concept de normal n’est pas un concept d’existence, susceptible en soi de mesure objective. Le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l’anormal n’étant pas ce qui n’est pas normal, mais ce qui est un autre normal. » (177)

Preuve en est le spectre immense des symptômes inexistants ou anecdotiques pour le plus grand nombre jusqu’à des réactions très violentes de certains organismes. Il n’y a aucun standard.

Le second réside dans les découvertes exceptionnelles de Jean Dausset (prix Nobel de médecine en 1980) : le système HLA (Human Leukocte Antigen). Les antigènes des leucocytes sont des molécules qui permettent l’identification de la cellule par le système immunitaire. Ce marqueur fait que la cellule est reconnue comme partie de l’organisme. Ils sont essentiels puisqu’ils conditionnent, par exemple, le rejet d’un organe étranger lors d’une greffe. Il joue un rôle pour identifier les protéines étrangères.

Le plus exceptionnel tient à l’observation que ces protéines sont uniques. C’est la raison pour laquelle une cellule ou un organe humain d’une autre personne seront rejetés comme un « envahisseur ». On parle là de reconnaissance identitaire des cellules. Chaque être humain est absolument singulier. Vous comprenez à quel point nous sommes dans l’idéologie.

Ces découvertes conduisent Jean Dausset à annoncer une médecine sur-mesure tenant compte de cette singularité humaine pour adapter les traitements au plus près de cette unicité de l’homme. Lors d’une conférence à Montréal en 1980, il affirmait déjà : « La vaccination des enfants contre toute une série de maladies pourrait bientôt être une pratique du passé. » Il n’était pas contre les vaccins, mais en limitait les usages à des cas très précis à l’instar de la tradition pasteurienne :« Les vaccins ne seront alors administrés que pour des maladies à risque élevé. » Et il ajoutait :« Nous sommes à la veille d’une nouvelle époque où chacun recevra un traitement personnalisé. »

Jean Dausset écrivait dans un texte magnifique, L’homme responsable de l’homme, publié par son Mouvement Universel de la Responsabilité Scientifique (MURS) :

« Le patrimoine génétique de l’homme est un trésor qui appartient à toute l’humanité. Il ne doit être ni commercialisé, ni modifié. Toute atteinte risquerait plutôt de dérégler son admirable harmonie. »

Nous flirtons très dangereusement avec cette ligne rouge qui distingue les sociétés libres des sociétés totalitaires et eugénistes qui visent la construction d’une nouvelle humanité.

4. La politique sanitaire, anti-médecine au service de l’autoritarisme capitaliste

Lorsque la politique sanitaire ne supporte pas la controverse scientifique, elle est déjà politique et elle n’est déjà plus science, ou connaissances en train de se constituer. Lorsque la politique sanitaire donne lieu à une persécution systématique des opposants avec la complicité des grands médias, elle est censure politique et moins encore art de la médecine.

En niant les fondements même de la médecine, en oubliant les fondamentaux de Canguilhem ou de Dausset, les serviteurs de la politique sanitaire ont abandonné la médecine. C’est donc bien une complicité de fait entre des États autoritaires, tentés même par l’obligation « vaccinale » et des laboratoires a minima cupides. Cette omission volontaire de l’absolue singularité de la personne humaine est le signe de cette économie politique sanitaire où se rejoignent les intérêts des grandes entreprises capitalistes de la santé et l’appétit insatiable des États à commander et soumettre des peuples dociles.

Quelques exemples qui mériteraient de longs articles, inspirent pourtant un peu de prudence :

1) Le B.C.G. et les sujets dont les tests restent négatifs. À quoi bon leur inoculer obstinément des bacilles, puisqu’ils sont biologiquement dans l’incapacité d’avoir la réponse immunologique adéquate, du fait de la présence de l’antigène H.L.A.B 7 ? Une partie des populations ayant des gènes interférant, font que l’immunisation par le vaccin ne se réalise pas. Limite donc.

2) Le tout vaccinal est interrogé dès 1995 dans un dossier du CNRS consacré à Pasteur : « Que dire à l’heure actuelle des espoirs de la vaccination ? ». Déjà, il n’est pas la solution universelle. Face, ensuite, aux échecs répétés contre l’hépatite C, le Sida ou le paludisme, les limites deviennent manifestes. Et pour les virus, la variabilité des agents pathogènes leur permet d’esquiver la réponse immunitaire induite par un vaccin, cas de l’efficacité toute relative des thérapies préventives contre les grippes. Limite encore.

3) Le scandale du sang contaminé devrait conduire à moins d’arrogance. La communauté scientifique a la mémoire courte de ses propres errements déontologiques et idéologiques qui ont couté la vie à de nombreux innocents. La relecture d’un article de Libération est éloquente : Le scandale du sang est en partie la conséquence des dysfonctionnements de la médecine française, du 8 février 1999. Limites et déraison même.

4) Qui a oublié les rapports de la Cour des comptes, qui dès 2013, s’interroge sur le coût et les bénéfices limités des politiques vaccinales ? Déjà, les centaines de millions d’euros de vaccins de l’époque sont mis au regard des bénéfices humains et d’économie de santé jugé très faible. Autre limite de nouveau.

Aucun État ne peut disposer de la vie de ses membres, sauf à ne plus être une société civilisée. Aucun État ne peut prétexter de l’intérêt général pour détruire des minorités et des opposants. Aucun État ne peut se prévaloir d’une fausse-science pour aliéner des populations et atteindre chaque jour à la liberté d’expression par une censure incessante. Tout cela n’a pas à exister dans une société d’hommes et de femmes libres. C’est sans doute là que commence la lutte entre les médecins et la politique sanitaire. La liberté de la médecine est aussi précieuse que celle de la recherche. Le professeur Delfraissy refuse de dialoguer avec ses pairs. Tout est dit.

Auteur(s): Pierre-Antoine Pontoizeau, pour FranceSoir