Depuis des années, les tentatives de dégager un calendrier prophétique de Daniel 9 sous l’influence de la littérature nord-américaine me laissent pensif. Elles reposent en effet sur des analyses qui suscitent en moi des réticences de deux ordres.

Tout d’abord, alors que Daniel 9 distingue trois périodes, de 62 semaines d’années, puis 7, puis une, certaines interprétations les groupent en une durée globale de 490 ans (70 x 7), qu’elles adaptent ensuite par diverses opérations mathématiques pour parvenir en fin de compte à une date supposée de la crucifixion ne cadrant ni avec les Ecritures, ni avec le contexte historique du moment. Bref, une cote mal taillée.

Deuxièmement, ces tentatives s’accrochent de façon désespérée –et désespérante– au système de datation des historiens occidentaux, qui ne constitue qu’un amalgame de conventions académiques cherchant à faire coïncider des sources hétéroclites (assyriennes, babyloniennes, égyptiennes, grecques, etc.). Imaginez des enfants chipant des pièces dans différents puzzles et essayant de les assembler…

Dans mon cheminement, j’ai appris que si l’Esprit est à l’œuvre, le discernement des époques et saisons est beaucoup plus simple qu’on le croit ordinairement, en particulier lorsqu’on veut bien s’appuyer sur la cohérence des chroniques hébraïques. Après tout, celles-ci n’ont-elles pas été tenues de façon suivie par une élite intellectuelle depuis les temps les plus anciens?

Ces considérations en tête, remettons l’ouvrage de notre cher Daniel sur le métier, ou plutôt sur le chevalet, puisque la suite de cet exposé va consister en l’ébauche de trois tableaux.

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1er volet: Pessa’h, an 12

Notre triptyque débute avec les 62 semaines de Daniel 9.25-26, mises en relation avec la première venue de notre Bien-Aimé.

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, une précision: l’étudiant en prophétie ne doit jamais s’estimer lié par les points-voyelles ajoutés au texte original de l’Ancien Testament par les Massorètes entre les Vème et Xème siècles de notre ère. S’affranchir de ces signes –par ailleurs bien commodes– permet d’envisager des lectures alternatives nous réconciliant avec la tradition israélite d’exégèse biblique, dans laquelle celles-ci sont couramment pratiquées.

Cela dit, prenons Daniel 9.25 et, pour davar/ »parole », essayons, après avoir oublié les points-voyelles, la vocalisation dover/ »parlant » ou « celui qui parle ». Nous parvenons ainsi à la lecture alternative littérale « depuis la sortie de celui qui parle de retourner et de construire Jérusalem… ». Dans ce chapitre, ce discours de restauration peut évidemment être attribué à Jérémie (cf. Jé 25, 29 et 30-31), expressément mentionné au verset 2, qui serait de ce fait « celui qui parle… ».

Qu’en est-il, dans cette hypothèse, de la « sortie de celui qui parle… »? Soulignons, sur ce point, que le ministère de Jérémie a été marqué par un long emprisonnement (Jé 37.16) dans des cachots, une citerne –autant dire une oubliette–, puis une cour de prison, dont le prophète n’est sorti que le jour de la prise finale de Jérusalem par l’armée de Nebucadnetsar, le 9 Tammuz 3338 AM/423 av. JC (Jé 38.28).

La suite est purement arithmétique:

– 62 semaines d’années font 434 ans.

– 3338 AM (chute de Jérusalem et sortie de détention de Jérémie) + 434 ans = 3772 AM, ce qui équivaut à l’an 12 de notre ère.

Que s’est-il donc passé cette année-là?

Sur la base des Evangiles, et plus spécifiquement celui de Luc, une naissance de Jésus en 3760 AM semble raisonnable. Conscient de la quantité d’encre déjà consacrée à ce sujet, et soucieux d’éviter un énième débat, je citerai uniquement la promesse absolument fondamentale faite à Abram en Genèse 15.5: « Et après l’avoir conduit dehors, Il dit: Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et Il lui dit: Telle sera ta postérité« . Ce verset, central dans le plan de notre Père pour le salut de l’humanité, a une valeur numérique de… 3760!

En conséquence, 3772 AM est l’année où le Messie, âgé de 12 ans, est entré dans Son temple, conformément à Luc 2.41ss (ce passage est d’autant plus intéressant qu’au verset 47 les mots « étaient frappés » sont la traduction du verbe grec existêmi, étymologiquement « quitter la position debout », qui fait écho à la question de Malachie 3.1-3 « Qui restera debout quand il paraîtra? », cette prophétie s’étant ainsi accomplie lors de la première venue du Christ).

Cette découverte est étayée par 2 Rois 11.14, où le petit Joas est une préfiguration du Fils de Dieu dans la maison de l’Eternel. Vous y constaterez que les termes rendus par « le roi se tenait sur l’estrade/près de la colonne » ont une valeur numérique de 434, clin d’oeil divin aux 62 semaines de Daniel 9.25-26, mais aussi à Luc 2.41ss.

Relevons en passant que 434 est un nombre étroitement lié à la royauté en Israël. En effet, le premier monarque des Hébreux est arrivé au pouvoir en 2882 AM/879 av. JC, exactement 434 ans après l’Exode, que la chronologie hébraïque situe en 2448 AM/1313 av. JC.

Autre confirmation, le premier verset du livre de Daniel, avec une valeur numérique de 3772, met d’emblée l’emphase sur la date d’entrée du Seigneur dans Son temple et fournit la solution au mystère des 62 semaines. Comme le disaient les profs de français d’antan, « la réponse est dans le texte ».

Daniel 1.1 est d’ailleurs porteur d’un enseignement intéressant: un verset rappelant des circonstances adverses, en l’occurrence le premier siège de Jérusalem par Nebucadnetsar, peut avoir une valeur numérique prophétique de la consolation à venir.

Inversement, un verset pourra véhiculer un message d’espoir greffé sur une valeur renvoyant à un événement négatif du passé. Prenons Esaïe 48.20: la libération est promise à Jacob, sur l’arrière-plan d’une valeur numérique, 3320, rappelant la date de la défaite consécutive au siège ci-dessus.

Le plus bel exemple en la matière demeure cependant Michée 7.8 (« Ne te réjouis pas à mon sujet, mon ennemie!… »). A nouveau, un rétablissement est annoncé et, en contraste avec celui-ci, une valeur numérique, 3338, ravive, sous-jacente, la leçon à tirer de la disparition du royaume de Juda.

 

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Une des énigmes de Daniel 9, celle des 62 semaines, est ainsi résolue. Elle nous a permis de rejoindre notre Maître et Ami, Jésus, dans Son temple à l’âge de 12 ans et nous comprenons mieux, maintenant, la présence dans les Evangiles du récit si attachant de la Sainte Famille en pèlerinage à Jérusalem.

Le deuxième volet de notre triptyque, quant à lui, nous conduira aux jours de plomb de la crucifixion et du tombeau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SDG/NM – 13.10.2021