De Jérusalem,
Le 18 août, l’on commémorait la libération du Camp de Drancy, triste anniversaire de ce lieu qui fut le principal camp d’internement des Juifs avant leur déportation vers les camps de la mort nazis. Avant Drancy, il y a eu le « Vel d’Hiv« , le fameux Vélodrome d’Hiver parisien qui fut également le lieu où furent « parqués » 13.152 Juifs parisiens dont 4.000 enfants.
7.000 policiers français « mèneront à bien » cette rafle, la rafle du Vel d’Hiv – une tâche indélébile dans l’histoire de la France.
Alors que l’on sait que peu reviendront d’Auschwitz, l’histoire de Meïra Barer, un bébé ayant échappé à cet enfer, est intéressante à plus d’un titre – son livre met déjà l’accent sur ces enfants « sauvés » par le hasard ou la Providence, et montre également que parmi les policiers français – il y avait des Justes. Enfin, ce livre parle de ces gens qui bien que n’ayant pas vécu l’enfer de la Shoah, vivent leur vie « à l’ombre » d’une Shoah ayant dévoré toute leur famille, leur identité, leurs racines. Comment se reconstruire après un tel cataclysme, alors que l’on n’a même pas le statut de victime ou « rescapée de la Shoah »… Après tout, Meïra n’a pas vécu l’enfer des camps de la mort. Et pourtant, cette Shoah lui colle toujours à la peau.
Lisons l’histoire peu commune d’un bébé « comme un tison sauvé du feu » – c’est le combat de Meïra, « la rebelle » – aujourd’hui citoyenne israélienne, engagée notamment dans Aloumim, l’association des enfants cachés en France.
[…] « Contrairement aux enfants plus âgés, j’étais dénuée de la connaissance d’un passé familial, de celle de mes parents, grands-parents et de leurs amis ; je ne possédais pas de souvenirs que j’aurais pu conserver précieusement afin de m’en nourrir et de m’y réchauffer.
Pour moi, il n’y a pas eu » d’avant « . J’ai été directement plongée dans l’inconnu, l’abandon, la solitude et la peur du » pendant » de la guerre. J’ai dû ensuite me confronter seule au silence de » l’après » celui d’une famille traumatisée, ignorant ce qu’est une identité juive heureuse et niant ma souffrance. » Elle était si petite qu’elle ne se souvient de rien » disait-on de moi ; parce qu’à la fin de la guerre, je ne suis encore qu’une toute petite fille, on ajoute: » Elle ne peut pas avoir souffert comme nous « . La rage de ne pas être comprise et Ia rage d’être dénigrée se surajoutèrent à celle d’avoir été abandonnée, et m’ont longtemps poussée vers des comportements d’écorchée.
Rage accrue encore, parce qu’après le vol de ma petite enfance, j’ai évolué, comme de très nombreux anciens Enfants cachés, dans une famille travaillée par des fantômes, une famille décimée où la parole était muselée. Sans que l’on ait eu besoin de me le dire, je savais qu’il était » interdit » de poser des questions. Ma mère avait vécu dans la frayeur et la clandestinité, séparée de ses enfants, elle avait perdu son mari, ses parents, ses frères ; je n’ai compris que beaucoup plus tard qu’elle était, comme moi, cloîtrée dans sa propre souffrance, dans une douleur dont je lui renvoyais le reflet comme si j’en étais le miroir.
Rage aussi que notre solitude et notre détresse aient été ignorées si longtemps même par ceux qui se targuaient d’être des » spécialistes de la Shoah « , comme si notre destin – était d’être occulté ad vitam aeternam. Mais non, ce ne pouvait être le mien ! J’étais et resterai une rebelle. C’est ce qui m’a sauvée quand j’étais bébé, c’est ce qui a continué à me sauver tout au long de ma vie. […]
(p 143 du livre « Comme un tison sauvé du feu », Ed les 3 colonnes – 17 euros)
Israël, le « tison sauvé du feu »
Cette histoire comme celle de tant de Juifs épargnés dans l’histoire du peuple juif, nous place à la fois devant l’ignominie d’hommes capables du pire, mais aussi devant un mystère incroyable, celui du miracle de la renaissance d’Israël.
Meïra raconte : « C’est en Israël, capitale plurimillénaire de la Terre, au sein de mon Peuple, et de ma Nation retrouvée, que ce récit de mes combats perdus ou gagnés a pu être conté. « Comme un tison sauvé du feu » est une ode à la vie ».
il y a un autre mystère, celui-là divin. Meïra a emprunté le titre de son livre à la Bible. C’est le prophète Zacharie qui parle de Josué le sacrificateur qui est ce « tison arraché du feu » (Zach 3:2). Josué se tient devant l’Ange de l’Eternel, avec des vêtements sales, comme des guenilles, c’est Israël d’une époque terrible, un peuple réduit à rien, mis en pièces par des ennemis féroces. L’Ange ordonne alors de revêtir Josué « d’habits de fête » et d’ôter toute opprobre, toute iniquité… « En un jour » dit la Bible, Dieu rétablira Josué/Israël.
L’Etat hébreu qui fut rétabli le 14 mai 1948 « en un jour », est aujourd’hui une puissance parmi les plus grandes de la planète, et il est devenu une bénédiction pour le monde entier par toute son inventivité, sa technologie, et son énergie bouillonnante.
Meïra est l’un des nombreux témoins juifs de l’Histoire qui résume cette capacité de passer du statut de victime au statut de pionnier au sein d’une nation qui a des projets de Vie. Boris Cyrulnik, neuro-psychiatre français a médiatisé le concept de résilience en psychologie, à partir de l’observation des survivants des camps de concentration capables de se reconstruire – Israël est ce témoin de l’Histoire ayant pu traverser les siècles malgré les pogroms, l’Inquisition, et la Shoah quand tous les autres peuples ont disparu… Et dans cette Histoire que la Bible rapporte, Dieu est infiniment présent – le Dieu Créateur de l’Humanité déroule Son plan de Rédemption et de Paix pour tous les hommes. La souffrance et la mort font partie de cette Histoire, mais au bout du compte, c’est la Vie qui triomphe.
L’ouvrage de Meïra Barer n’est pas seulement une biographie, c’est un livre de vie… et de combat – « contre l’antisémitisme, l’Islamisme » et la bêtise humaine. Meïra est une vraie fille d’Israël, combattant toutes les idées fausses et la désinformation pour avertir la prochaine génération : « Je réalise ma chance. Je suis à même d’agir, je fais partie d’une Nation qui se bat…, je ne me sens pas une victime sans défense ; je suis cependant inquiète pour mes enfants et petits-enfants qui vivent à Paris, et je suis ébahie par l’inconscience de l’Europe devant le péril (islamique) »… (p.178)
Merci Meïra, pour cette « ode à la vie »
Laisser un commentaire
Vous devez être identifié pour poster un commentaire.