Le recours à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, en France entre mars 2020 et décembre 2021, a été massif et a probablement concerné des dizaines de milliers de personnes âgées.

CHRONIQUE — Le 22 octobre 2020, dans ma chronique N°33, je posais la question brûlante : « Combien de morts sur ordonnances dans les EHPAD, ou à domicile, avec le Rivotril®, à cause du Covid et des refus d’hospitaliser ? »

Suite à l’écoute d’un remarquable reportage de 28 minutes, réalisé par Rémi Dybowski-Douat, « La catastrophe du Covid-19 dans les EHPAD », diffusé sur France Culture le 13 mai 2020 dans l’émission « Les pieds sur terre » (ici), j’ai été alerté par le courageux témoignage d’une salariée d’un groupement d’EHPADs publics, qui a osé aborder la question du refus d’hospitalisation de résidents par les hôpitaux, et de la légalisation par décret gouvernemental de l’euthanasie active au moyen d’un protocole thérapeutique associant la morphine à une benzodiazépine injectable puissamment sédative.

Il est intéressant de reprendre ici l’historique récent, en commençant par la Loi N° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie :

« Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté.

[…] Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10 du Code de la Santé Publique ».

Un article créé antérieurement par la Loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite Loi Kouchner :

« Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.

[…] Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée.

[…] Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision (d’arrêt de traitements) après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical.

[…] Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical.

[…] Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté une procédure collégiale et sans que la personne de confiance ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical ».

Le 26 mai 2009, quatre ans après la promulgation de la Loi, la « Société française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs » (SFAP) publiait des recommandations « labellisées » par la Haute Autorité de Santé (HAS) intitulées « Sédation pour détresse en phase terminale et dans des situations spécifiques et complexes : recommandations dans les situations spécifiques et complexes ».

Ces recommandations esquissaient différentes situations cliniques pouvant recourir à la sédation : situations neurologiques aiguës chez des cérébrolésés, états pauci-relationnels et état végétatifs chroniques, pathologies neurologiques, la plupart neurodégénératives, telles que la sclérose latérale amyotrophique (SLA), sclérose en plaque (SEP), maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, les tumeurs cérébrales lentement évolutives, détresse émotionnelle, psychologique, existentielle jugée réfractaire, demande de suicide assisté.

Cependant, l’indication d’une sédation pour « détresse respiratoire asphyxique » n’est abordée par la SFAP dans ses recommandations 2009 que dans le cadre de la SLA, et pas dans les infections respiratoires aiguës à virus…

Puis vint la Loi N° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite Loi Claeys – Leonetti. Les apports de cette loi à souligner me semblent être les suivants :

« Élargissement des dispositions à « L’ensemble du territoire » ;

[…] La nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés ;

[…] Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté ;

[…] Lorsque ces actes sont suspendus ou ne sont pas entrepris, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs ;

[…] À la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :

Patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ;

– Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable ;

Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie :

[…] La sédation profonde et continue associée à une analgésie est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies ;

[…] À la demande du patient, la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou un établissement social ou médico-social » (exemple : EHPAD) ;

[…] Le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie. Il doit en informer le malade, la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un des proches du malade. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical ».

La sédation profonde et continue, maintenue jusqu’au décès, qui est affublée pudiquement de l’acronyme « cache misère », SPCMD, constituait donc la grande avancée de l’accompagnement dans la fin de vie, version Claeys et Leonetti, à la condition bien entendue que les sédatifs qui la permettent, soient accessibles aux médecins de ville. Ce qui ne fut évidemment pas le cas.

En février 2018, la HAS produit un document (ici) qui n’est pas un jeu de sept différences, mais de six, entre la sédation profonde et l’euthanasie :

 

Personnellement, je trouve ce tableau plutôt contestable. En réalité, la différence se trouve dans l’épaisseur d’une feuille de cigarette. Si l’on prend le « résultat », il est identique puisqu’il aboutit au décès plus ou moins rapidement. Comme on poursuit la sédation jusqu’à ce que mort s’ensuive, l’intention est la même. Drôle de manière de soulager la souffrance réfractaire que de donner la mort à court terme ! Que vaut cette différence prétendue de temporalité, si après toute une vie parfois bien longue, le décès ne survient que quelques minutes, heures, jours après le début de la sédation, plutôt qu’immédiatement. Voyons à présent la procédure. Serait-elle différente ? Non, l’administration d’un puissant sédatif peut être létale comme le serait une injection intraveineuse de chlorure de potassium. La marge thérapeutique très étroite de ces sédatifs est difficile à prévoir, d’autant plus que les personnes en fin de vie peuvent être extrêmement frêles, fragiles, vulnérables… S’il s’agit d’un argumentaire pour tenter de convaincre le patient qui n’aurait pas pris sa décision d’accepter la sédation profonde, ou la famille dans le cas où il ne pourrait pas s’exprimer, cela me parait un peu abusif. Est-il possible et dans quelles proportions que des patients chez qui une SPCMD est enclenchée, puissent en survivre ?

La HAS avait élaboré une recommandation « Antalgie des douleurs rebelles et pratiques sédatives chez l’adulte : prise en charge médicamenteuse en situations palliatives jusqu’en fin de vie », mise en ligne le 10 février 2020 (ici), qui entérinait le midazolam injectable en première intention et proposait en deuxième intention (en cas d’effet insuffisant avec le midazolam) deux neuroleptiques, chlorpromazine (LARGACTIL®) et lévomépromazine (NOZINAN®). Pour la SPCMD à domicile, en l’absence d’accès en ville au midazolam, la HAS recommandait le diazépam (VALIUM®) et le clonazépam (RIVOTRIL®). La sédation profonde à domicile nécessite l’appui d’une équipe de soins palliatifs même si une hospitalisation à domicile (HAD) intervient aussi.

Dans la foulée, le ministère des Solidarités et de la Santé s’était engagé à autoriser sous quatre mois (donc dès juin 2020) la délivrance en ville du midazolam injectable. Encore une fausse promesse d’Olivier Véran, puisqu’il faudra attendre 2022 pour qu’elle se réalise…

Dès le lendemain, la HAS publiait sur son site un guide HAS de parcours de soins « Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? » février 2018 / actualisation janvier 2020 ; mis en ligne le 11 février 2020 (ici), il comporte non moins de 51 pages. C’est dire comme il est (sera) difficile de procéder à la SPCMD dans les règles de l’art.

Quelques semaines plus tard, par le décret N°2020-360 du 28 mars 2020 complétant le décret N°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et publié le lendemain-même 29 mars 2020, au Journal Officiel de la République française (ici), signé du Premier ministre Édouard Philippe et du ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, et qui allait mettre sur les rails la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès :

« Par dérogation à l’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique, la spécialité pharmaceutique Rivotril® sous forme injectable peut faire l’objet d’une dispensation, jusqu’au 15 avril 2020, par les pharmacies d’officine en vue de la prise en charge des patients atteints ou susceptibles d’être atteints par le virus SARS-CoV-2 dont l’état clinique le justifie sur présentation d’une ordonnance médicale portant la mention “Prescription Hors AMM dans le cadre du Covid-19”. […] Lorsqu’il prescrit la spécialité pharmaceutique mentionnée au premier alinéa en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, le médecin se conforme aux protocoles exceptionnels et transitoires relatifs, d’une part, à la prise en charge de la dyspnée et, d’autre part, à la prise en charge palliative de la détresse respiratoire, établis par la société française d’accompagnement et de soins palliatifs et mis en ligne sur son site ».

Cette dérogation initialement prévue jusqu’au 15 avril (« protocoles exceptionnels et transitoires »), fut reconduite les 11 mai, 31 mai, 10 juillet, 16 octobre, 29 octobre 2020 et 1er juin 2021. Les délivrances de cette benzodiazépine injectable ont, comme nous allons le voir, perduré toute l’année 2021. Les données de remboursement des médicaments délivrés en ville pour les mois de janvier et février 2022 n’ont pas encore été publiées par la CNAMTS (ici).

Il est très difficile aujourd’hui de retrouver sur le site de la SFAP, les protocoles « Covid » :

 

Le protocole SFAP téléchargeable (ici) est toujours celui de la version du 4 octobre 2020. En page 4/11 nous trouvons le tableau des benzodiazépines à associer à la morphine selon la recommandation SFAP :

 

À défaut de midazolam, la SFAP propose en deuxième intention trois autres benzodiazépines injectables, clorazépate (TRANXENE®), clonazépam (RIVOTRIL®), objet du décret dérogatoire, et diazépam (VALIUM®). Ces trois spécialités avant l’arrivée du Covid-19 avaient pour principale ou unique indication (RIVOTRIL®) l’état de mal épileptique chez l’adulte et l’enfant. Les autres indications de ces médicaments sont hospitalières en urgences neuropsychiatriques (Crise d’angoisse paroxystique, agitation, délirium tremens, anesthésie générale en induction ou potentialisation).

La SFAP recommande en première intention de recourir au midazolam, commercialisé à partir de 1992 par les Laboratoires Roche sous le nom princeps d’HYPNOVEL®. Néanmoins, ce médicament dont la commercialisation a été arrêtée en octobre 2002, a toujours été réservé à l’hôpital, notamment aux médecins spécialistes en anesthésie-réanimation et aux urgentistes.

Lors de sa réunion du 6 octobre 2021, la commission de la transparence (CT) de la HAS a rendu un avis favorable [1] au remboursement des présentations de midazolam 1 mg/ml et 5 mg/ml solution injectable ou rectale (Laboratoires Mylan et Accord), aux assurés sociaux et aux collectivités du midazolam dans une nouvelle indication en ville et à l’hôpital « La sédation en unité de soins palliatifs ». Je recommande la lecture de la retranscription intégrale de cette réunion (ici). Un grand moment de solitude pour la plupart des membres de la CT qui y ont participé… L’homologation du remboursement aux assurés sociaux a été effective et publiée au JORF le 17 décembre 2021, pour les spécialités des Laboratoires Accord et le 12 février 2022 pour celles des Laboratoires Mylan.

[1] Forcément favorable, puisque le ministre Véran l’avait promis…

Une fiche « Réponses rapides dans le cadre du COVID-19 – Prise en charge médicamenteuse des situations d’anxiolyse et de sédation pour les pratiques palliatives en situation d’accès restreint au midazolam » validée par la HAS le 30 avril 2020, propose en cas d’accès restreint au midazolam, deux autres molécules qui ne sont pas des benzodiazépines : L’hydroxyzine, et la cyamémazine.

Il n’existe qu’une seule présentation d’hydroxyzine injectable encore commercialisée : HYDROXYZINE RENAUDIN 100MG/2ML INJ A 2ML (Après l’arrêt de commercialisation en 2008 de la présentation « ATARAX 100MG/2ML INJ AMP 2ML NSFP ». Mais, elle était aussi réservée à l’hôpital. Donc, jamais délivrée par les pharmacies de ville.

Tel n’est pas le cas de la cyamémazine, commercialisée sous le nom de marque TERCIAN®, dont la forme injectable à 50 mg dans 5 ml, présentée en boites de cinq ampoules, est remboursée aux assurés sociaux, ce qui la rend délivrable en pharmacie de ville. Ce puissant sédatif, est un neuroleptique (les psychiatres préfèrent aujourd’hui le terme d’antipsychotique) qui a aussi « des propriétés antihistaminiques marquées à l’origine de la sédation recherchée en pratique clinique » [2]. Ce médicament est indiqué habituellement dans le traitement de courte durée des états d’agitation et d’agressivité au cours des états psychotiques aigus et chroniques (schizophrénies, délires chroniques non schizophréniques : délires paranoïaques, psychose hallucinatoires chroniques).

[2] Source : Base de données médicamenteuse « Thériaque », développée par le CNHIM (Centre National Hospitalier d’Information sur le Médicament » (ici), une association régie par la Loi de 1901, regroupant des membres fondateurs issus des 3 syndicats nationaux de pharmaciens hospitaliers.

Une piquouse avec ce médicament, et l’individu présentant des « états d’agitation et d’agressivité » se calme immédiatement !

Avant de vous présenter mes analyses graphiques, il me parait important de préciser quelles sont les limites des jeux de données de remboursement des médicaments mises en « Open data » par l’assurance maladie. Il s’agit uniquement des médicaments délivrés en ville par les pharmacies d’officines, que ces médicaments aient été prescrits par des médecins libéraux (généralistes, spécialistes en ville) ou médecins hospitaliers spécialistes lors de leurs consultations. Seuls les EHPADs desservis par des officines de ville entrent en compte dans les données de la CNAMTS. Les EHPADs rattachés à un hôpital, et donc disposant d’une pharmacie à usage intérieur (Pharmacie hospitalière) n’entrent pas dans les données mise en libre accès par l’assurance maladie. Seule l’agence nationale du médicament (ANSM) en a connaissance par le relevé annuel qu’elle exige de la part des laboratoires pharmaceutiques, mais qu’elle garde secrète dans ses coffres-forts, puisqu’en vertu du secret des affaires, elle n’a jamais accepté de les partager ! Idem pour les médicaments prescrits et administrés aux patients hospitalisés à l’hôpital. Depuis des années maintenant, l’ANSM ne publie même plus son « analyse annuelle des ventes de médicaments en ville et à l’hôpital »… Il se perd des coups de pied dans le derrière. L’ancien directeur général de l’ANSM, un psychiatre, a été nommé Médecin Conseil National à la CNAMTS. La délivrance des médicaments correspond normalement à ce qui a été prescrit par le médecin. Cependant, nous ignorons si les médicaments prescrits aux patients ont bien été pris ou administrés… D’autant que ces sédatifs puissants, ils sont dispensés en boites de cinq ou six ampoules injectables.

Afin de pouvoir estimer le nombre d’ampoules de benzodiazépines injectables délivrées au cours de la pandémie pour la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès de personnes exclues de l’hôpital et souffrant d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë lié à une infection au Covid-19, à un stade asphyxique, prises en charge à leur domicile ou hébergées dans un EHPAD rattaché à une pharmacie officinale, il est nécessaire de déterminer qu’elle était la tendance initiale observée durant les mois qui ont précédé l’arrivée du virus et la publication du décret « Rivotril® » :

 

Cinq années avant l’arrivée du Covid-19, entre janvier 2015 et février 2020, la délivrance des ampoules de benzodiazépines injectables recommandées par la SFAP suivait une droite légèrement baissière. La première vague en plein confinement total ordonné par Macron a propulsé les délivrances en mars et avril à des niveaux jamais connus depuis cinq ans :

 

Au total, à partir de mars 2020, et jusqu’à décembre 2021, ce sont près de 200 000 ampoules injectables de benzodiazépines qui ont été délivrées en excès de la tendance qui prévalait lors des cinq années précédentes.

De très loin, le VALIUM®, diazépam, est le plus prescrit et délivré, devant RIVOTRIL®, clonazépam, et le TRANXENE® 20mg/2 ml, clorazépate. Les délivrances de la présentation TRANXENE® dosée à 50 mg/2,5 ml sont confidentielles depuis janvier 2017 :

 

Le calcul du cumul des nombres d’ampoules délivrées entre mars 2020 et décembre 2021, en excès de la tendance préexistante depuis janvier 2015 à février 2020, a été réalisé en utilisant les projections obtenues selon la formule ci-dessus de la droite linéaire de tendance calculée par Excel (méthode des moindres carrés), depuis le mois de mars 2020 (X = 62) jusqu’à décembre 2021 (X = 83), en soustrayant la projection du mois donné au nombre d’ampoules délivrées le même mois. La droite de tendance est tracée selon la formule depuis le mois de janvier 2015 (X = 0) au mois de décembre 2021.

Les principaux pics de délivrance sont observés en avril 2020, en novembre et décembre 2020, en décembre 2021. Mais, il faut noter aussi les niveaux élevés de mars 2020, janvier, février, mars, juin et septembre 2021.

La question se pose alors de savoir si les pics de délivrances des trois benzodiazépines injectables recommandées par la SFAP et encouragées par décret dérogatoire du gouvernement français, coïncidaient avec les pics de mortalité confirmée Covid-19 ?

Chez les 75 ans et plus, il est clair que les pics de mortalité du 8 avril 2020, des 10 et 19 novembre 2020, de mars, septembre et décembre 2021, concordent avec les plus fortes délivrances de benzodiazépines injectables :

 

Le graphique ci-dessous retrace en trait plein les décès de résidents survenus en établissements (EHPAD), et en pointillés ceux survenus à l’hôpital. Les principaux pics de mars, avril, et novembre 2020, de janvier et décembre 2021, concordent aussi avec les plus fortes délivrances d’ampoules.

 

Zoom sur la période comprise entre le 20 juillet 2020 et le 13 mars 2022. Le graphique souligne les pics de décès en EHPADs en novembre 2020, janvier et décembre 2021. Le pic à 184 décès lors de la semaine allant du 7 au 13 février 2022, ne peut être commenté en l’absence des données mensuelles de remboursement des médicaments de janvier et février 2022. L’assurance maladie ne les ayant pas encore publiées.

 

Rien de tel pour identifier très tôt une rupture de pente dans l’évolution de la délivrance de médicaments, que l’analyse faite en cumuls annuels mobiles qui permettent de gommer les variations saisonnières ou chaotiques, et donc de lisser les courbes.

Voici la tendance préexistante exprimée, chaque mois, avec les nombres d’ampoules de benzodiazépines délivrées au cours des « 12 derniers mois glissants », et qui préfigurait à l’arrivée du virus de la covid et au décret « Rivotril® ». Le lissage donne une pente baissière rectiligne. La baisse atteint 9 %  en six ans :

 

La courbe lissée des cumuls annuels mobiles d’ampoules de benzodiazépines laisse apparaître la brutale rupture de pente observable dès le mois de mars 2020, alors qu’Emmanuel Macron, hyper-Président de la République française, nous avait tous enfermé !

 

Pour clore l’analyse de la délivrance de nos trois benzodiazépines injectables recommandées par la SFAP et autorisé par le décret de mars 2020, je vous livre l’évolution des 21 dernières années…

 

Les deux neuroleptiques, chlorpromazine (LARGACTIL®) et lévomépromazine (NOZINAN®), recommandés en février 2020 par la HAS en deuxième intention en cas d’effet insuffisant du midazolam, ne semble pas avoir été trop utilisés pendant la pandémie.

En revanche, la cyamémazine (TERCIAN®), recommandée le 30 avril 2020 par la HAS, en cas d’accès restreint au midazolam (ce qui a toujours été le cas en 2020 et 2021), a fait aussi l’objet d’une surutilisation (délivrance) par rapport à sa tendance préalable, mais à un moindre degré que les trois benzodiazépine.

 

Bref, avec la cyamémazine en plus de nos benzodiazépines, le chiffre de 200 000 ampoules injectables délivrées en excès sur la tendance préexistante, est dépassé.

Ce chiffre parait astronomique, sauf à considérer que ces présentations de spécialités pharmaceutiques sont conditionnées en boites de cinq ou six ampoules, que l’anticipation des besoins prônée par la SFAP a probablement gonflé les prescriptions et les stocks dans les armoires à pharmacie des EHPADs.

Pour conclure : le recours à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, en France entre mars 2020 et décembre 2021, a été massif et a probablement concerné des dizaines de milliers de personnes âgées, qu’elles soient résidentes d’EHPADs ou à leur domicile. À en croire le nombre supérieur à 200 000 d’ampoules de benzodiazépines injectables délivrées (et donc préalablement prescrites par les médecins) par les pharmacies de ville, suite au décret du gouvernement dérogeant à l’AMM de l’une d’entre-elle (RIVOTRIL®).

Seule une enquête de l’IGAS, que j’ai déjà réclamée à cor et à cri dans mes chroniques ayant abordé cette question, pourra faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé. En effet, la Loi Claeys – Leonetti impose que cette procédure soit inscrite dans le dossier médical des patients / résidents.

L’injection et la perfusion de ces puissants sédatifs n’a pas vocation, bien entendu, à améliorer la respiration des personnes âgées présentant une détresse respiratoire aiguë, et encore mois au stade asphyxique qui survient, lorsque l’hôpital refuse ou est dans l’incapacité de les prendre en charge en soins intensifs pour les ventiler.

Il est donc important de comprendre que la vie ne peut en être qu’abrégée, et que donc cette pratique mérite d’être qualifiée, appelons un chat un chat, d’euthanasie active.

Qu’est-ce qui a pu conduire l’hôpital à refuser leur prise en charge précoce et à les abandonner, ce qui les a inéluctablement conduites à la mort ?

Disons-le clairement ! C’est bien l’irresponsabilité des politiques et de l’exécutif français depuis des décennies, qui ont tous participé au démantèlement de l’hôpital.

Selon Statista, près de 100 000 lits hospitaliers ont été détruits entre 2000 et 2019. Des chiffres confirmés sur le site du Sénat (ici).

Il est pathétique de lire la réponse faite devant les sénateurs par Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargée de l’Autonomie : « Depuis 2013, les capacités de soins intensifs ont augmenté de 10 % et celles de surveillance continue de 9 %. Les capacités de réanimation pédiatrique, sont en hausse de 10 % et celles de réanimation pour les adultes sont restées stables depuis 2013, à plus 56 lits ». Une réponse complètement à côté de la plaque et à la mesure de sa totale incompétence, alors que les vagues qui ont secoué l’hôpital pendant ces deux années de pandémie, ont sursaturé à chaque occasion notre bien trop faible capacité d’accueil en soins critiques…

Ci-dessous, l’évolution des nombres de lits en hospitalisation complète en France entre 2000 et 2020 selon les données du site Statista (ici) et la DREES en 2020 (ici) :

 

Nous nous souvenons tous qu’Olivier Véran avait promis 14 000 lits en réanimation, un doublement par rapport aux 7 000 lits occupés au pic de la première vague. Ils n’ont jamais été mis en place ! Comment la DREES, Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques, peut-elle se féliciter en septembre 2021 (ici) d’une augmentation si homéopathique entre 2019 et 2020 de seulement… 3,6 % des lits en soins critiques ?

L’État français est coupable de ne pas avoir anticipé et mis en œuvre un mécanisme d’ajustement rapide des capacités d’accueil en soins critiques adaptées au nombre de formes sévères de syndromes de détresse respiratoire aiguë (SDRA) liées aux virus respiratoires, à prendre en charge !

5.758 lits ont été fermés rien qu’en 2020, sous l’ère Macron… Et la France se préparerait à le réélire ?

Auteur(s): François Pesty, pour FranceSoir

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