Je m’appelle Karim Khelfaoui et je suis médecin généraliste à Marseille. Dans le cadre de cette crise COVID, je me suis porté volontaire pour renforcer la régulation SAMU, clé de voûte du système de santé qui fait le lien entre le pilier de la médecine hospitalière et celui de la médecine de ville. Nous sommes en première ligne dans la prise en charge des patients atteints du COVID mais aussi de tous les patients qui nécessitent d’être hospitalisés rapidement pour d’autres problèmes de santé.
Aujourd’hui, j’ai décidé créer cette page comme un naufragé qui jette une bouteille à la mer, espérant désespérément que quelqu’un lira et viendra à la rescousse. Car c’est bien un naufrage que nous vivons aujourd’hui. Le naufrage de notre système de santé publique. Ce système pourtant magnifique, basée sur la solidarité universelle dont la sécurité sociale est le plus bel étendard en nous protégeant de tous les risques de la vie (maladie, handicap, vieillesse etc). C’était un système parmi les plus performants du monde. Imaginé par Ambroise Croizat, il a permis d’offrir les meilleurs soins à tous les français pendant des décennies sans tenir compte de leurs revenus. Chacun donne en fonction de ses moyens, chacun reçoit en fonction de ses besoins.
Mais ce superbe système a été affaibli depuis plus de 30 ans par des politiques austéritaires et de privatisation rampante. Ces politiques ont donné une part toujours croissante des missions de la sécurité sociale à des organismes privés. Ces politiques ont transformé l’hôpital public en entreprises comme les autres, qui doivent devenir rentable au prix de la qualité de la prise en charge des patients comme de la santé physique et mentale des soignants. Ces politiques, au nom d’économies prétendues nécessaires, ont conduit à la fermeture de lits dans les hôpitaux publics qui doivent gérer leur activité en « flux tendu ». Ces politiques ont petit à petit fragilisé ce superbe bateau que nous avons trop longtemps cru insubmersible.
Nous avons percuté plusieurs icebergs mais le capitaine Macron, comme les précédents, a refusé de changer de cap. Pire, lorsque nous, personnels de santé, avons protesté pour vous prévenir que le naufrage était imminent, il nous a fait gazer et matraquer par sa police. Il nous a fait sanctionner par ses lieutenants technocrates : les directions des hôpitaux et les ARS. Une volonté de nous faire taire pour que le bal continue dans le grand salon et que vous ne voyez pas le naufrage auquel nous condamne sa politique.
Contre tout bon sens, le capitaine Macron et son gouvernement vous ont expliqué que les masques étaient inutiles. Diriez-vous qu’un gilet de sauvetage est inutile dans un naufrage ? Evidemment non ! Mais pour ne pas assumer leurs responsabilités dans le manque de stock de masques et ne pas changer de cap en réquisitionnant les entreprises qui pourraient en fabriquer massivement, ils ont délibérément menti, une fois de plus… Les soignants qui dénoncent ces absurdités criminelles sont intimidés, sanctionnés, parfois suspendus pour maintenir l’omerta !
Alors j’ai décidé de parler. Je posterai sur cette page mes expériences dans ce naufrage, mes coups de gueules, mes analyses aussi comme ceux de mes collègues qui voudront m’envoyer du contenu. Je les invite à m’écrire et m’envoyer des vidéos s’ils ont peur de s’exposer. Je m’engage à publier leur contenu dans le respect de leur volonté.
Je fais cette page parce qu’il y a encore un espoir que le naufrage ne soit pas total, parce que nous avons les ressources pour redresser la barre, parce qu’il nous faut au plus vite changer de cap. Pour y arriver, il faut que vous soyez informé de notre quotidien, de nos conditions de travail. Pour y arriver, il faut que vous partagiez massivement les messages que nous posterons ici.
Mes espoirs reposent maintenant sur vous tous.
C’est pour toutes ces raisons aujourd’hui que je crée cette page comme on jette une bouteille à la mer…
Laisser un commentaire
Vous devez être identifié pour poster un commentaire.