Cet entretien témoigne de l’extrême solitude que vivent les victimes de viols et d’agressions sexuelles lorsqu’elles décident de se battre devant la justice. À tous les stades de la procédure, Séverine Moulin rencontre des acteurs du système judiciaire qui l’orientent mal, voire pas du tout.
Elle reste des années sans être informée que son dossier est classé sans suite, mais qu’elle peut se constituer partie civile pour le relancer. Quand les gendarmes lui recommandent de ne pas se constituer partie civile dès le début de son parcours, ils n’ont pas tort. Il est souvent judicieux d’attendre la décision du procureur de poursuivre ou non pour le faire. Encore faut-il que la victime soit informée de cette décision ! Et comme elle peine à trouver un avocat impliqué dans son dossier, personne n’est là pour lui expliquer la marche à suivre.
Séverine nous rappelle également qu’un viol commis sur un enfant est un crime grave, extrêmement destructeur, et dont les conséquences perdurent dans le temps. Le viol brise des vies. Devenues adultes, de nombreuses victimes développent des comportements autodestructeurs, des dépressions sévères, et ont les plus grandes difficultés à se convaincre qu’elles méritent d’être respectées par les autres et par elles-mêmes. Quand un enfant a été traité comme une chose, un corps juste bon à se soumettre aux plaisirs des adultes, développer de l’estime de soi-même relève du parcours du combattant. Certains laissent d’ailleurs parfois leur vie dans ce combat. Séverine nous raconte, avec beaucoup de courage, comment elle a attenté à sa propre vie à plusieurs reprises, comment elle est tombée dans l’alcool et la drogue, comment elle a pu se prostituer « puisque son corps ne valait rien ».
Elle tient également à souligner à quel point son long combat judiciaire a affecté sa santé, morale et physique. Aujourd’hui, après les cures de désintoxication et des années de thérapie, elle va mieux. Heureuse maman d’un adorable petit garçon, elle vit pour lui.
Elle confie cependant que la libération de son violeur, après une condamnation obtenue de haute lutte, l’a détruite. Et la terrifie. Elle dénonce la pratique des tribunaux qui libèrent prématurément des criminels lourdement condamnés. Pour les victimes, relâcher l’auteur de ces crimes constitue une violence inouïe. Et pour notre société, c’est une immense prise de risque.
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