(Article rédigé par Brigitte Bouzonnie le 17 juin 1022. Présentation et analyse de l’ouvrage rédigé par Viktor Castanet : Les fossoyeurs, édition Fayard, 2022)
Aujourd’hui 10 septembre 2024 commencent les assises sur les EHPAD, maltraitant les personnes âgées. L’occasion de revenir sur l’excellent ouvrage rédigé par Viktor Castanet : Article rédigé par Brigitte Bouzonnie le 17 juin 1022. Présentation et analyse de l’ouvrage rédigé par Viktor Castanet : Les fossoyeurs, édition Fayard, 2022 ”Les fossoyeurs”, édition Fayard, 2022, qui montre l’extrême dureté du système vis à vis de nos ainés.
1°)- Présentation Brigitte Bouzonnie : enfin, la vérité sur ORPEA éclate. Le groupe privé d’Ehpad Orpea vient d’être lourdement condamné ce jeudi 16 juin 2022 au civil pour négligence, à la suite du décès d’une personne âgée invalide en 2017. Morte après avoir été hospitalisée pour une double fracture inexpliquée des fémurs (manque de personnels criant chez ORPEA), a indiqué le tribunal de Nanterre, sollicité par l’AFP.
L’occasion pour nous de republier la présentation de l’excellent ouvrage enquête rédigé par Victor Castanet sur le système ORPEA de maltraitance de nos ainés, recherche forcenée du profit oblige !
.2°)-Article du 8 juin : On le sait : pendant trois ans, Victor Castanet, journaliste d’investigation; a mené une enquête très sérieuse et de grande qualité, dénonçant le fonctionnement des maisons de retraites pour personnes âgées : les EHPAD. Son livre, sorti au mois de janvier 20022 est intitulé : “Les fossoyeurs. Révélations sur le système qui maltraite nos aimés », édition Fayard, 2022, 387 pages. Il pointe et dévoile la maltraitance structurelle, l’antihumanisme puant, servant de politique pérenne voulue sciemment par les responsables des groupes ORPEA et KORIAN, recherche du seul profit illimité oblige.
Hier, à l’occasion de la perquisition du siège social du groupe ORPEA à Puteaux, c’était une profonde hypocrisie d’entendre BFMTV, réduire la triste brutalisation de nos ainés, à une simple recherche “d’économies de gestion” (sic). Même si cette recherche forcenée d’économies existe. Et qu’elle est au centre du système ORPEA. Ainsi, un directeur d’EHPAD de Perpignan dirigé par ORPEA reçoit une consigne venue du siège social, lui enjoignant de faire 62% d’économies sur trois ans. Alors, il rogne sur tout : sur les frais de personnels, la nourriture des personnes âgées, les couches, données en nombre insuffisant. BFM occulte largement le système des remises de fin d’année sur des achats effectués sur l’argent public, permettant aux responsables de ORPEA de se faire des c. en or.
1°)- Manque cruel de couches pour les pensionnaires du groupe ORPEA
L’auteur note un manque cruel de couches pour les pensionnaires du groupe ORPEA. Résultat : les personnes âgées ne sont plus soignées par manque de personnel. Leur nourriture est insuffisante et de mauvaise qualité, alors que les familles ont payé 4 000 euros par mois le prix du séjour en maison de retraite ORPEA. Françoise Dorin, la célèbre compositrice de la chanson : “Que c’est triste Venise”, pensionnaire du groupe ORPEA, décède des suites d’un escarre au sacrum non soigné, suite à des couches suffisantes, rationnement des protections oblige. Et manque de soins adéquats (voir page 164 du livre). Castanet reçoit les témoignages de directeurs ORPEA lui racontant leur honte de ne pas pouvoir traiter dignement leurs pensionnaires. le groupe ORPEA s’octroie pour lui 2,5 millions d’euros chaque année sur le budget “protections”. soit un manque de 2,5 millions de changes, qui auraient évité à ces femmes et ces hommes de vivre une telle tragédie.
Une ancienne salariée du service “achat” du groupe ORPEA raconte à l’auteur du livre, comment elle négocie le contrat “incontinence” avec le groupe Hartmann. Elle n’a jamais mis les pieds dans un EPHAD. La seule chose qui intéresse le groupe, c’est d’obtenir le prix le moins cher. Il en résulte des couches de mauvaise qualité et qui fuient tout le temps. Ces nouvelles protections ont été conçues uniquement pour que le groupe ORPEA retrouve sa marge financière;. Avec ces protections de mauvaise qualité, le groupe engrange 28% du budget protections pour ses seuls besoins. Leur nombre est réduit à trois par jour, ce qui est très insuffisant.
2°)- “Il faut que ça crache !”
Castanet rencontre un témoin clé, Patrick Métais, qui a pu, grâce à des missions professionnelles, pénétrer le premier cercle de pouvoir du groupe ORPEA. Il est invité dans les diners en ville organisés par le docteur Marian et Brdenk, le vrai patron. Une petite dizaine de personnes triées sur le volet. Une salle privatisée. Un restaurant prestigieux des quartiers bourgeois de la capitale.
Durant toutes ces années, le groupe ORPEA est parvenu à encaisser encore plus d’argent public, par quatre moyens différents :
2-1°)-En dépassant le nombre de lits dans des conditions obscures. Le nombre de lits fixé par les ARS n’est pas respecté, ce qui permet d’avoir davantage de pensionnaires et donc d’argent sans augmenter la masse salariale.
2-2°)-En réduisant le nombre de postes de soignants. L’immense majorité des revenus d’ORPEA vient de l’assurance maladie et non des pensionnaires. Dès que l’ARS a fait une visite de contrôle, on diminue le nombre de soignants. 90% de son temps passé à ORPEA a été passé à tailler dans les budgets personnel soignant. Pour un EHPAD de 100 lits, il fallait faire 70 000 euros de marge chaque mois. 70 000 euros X 350 établissements ORPEA, soit 24,5 millions de marge par mois.
2-3°)- En maximisant le coût de chaque patient pour l’assurance maladie. Par exemple, on va prendre une personne âgée, qui a fait un AVC. On va lui rajouter une infection urinaire, un diabète…., ce qui permettra d’avoir plus d’argent de la part de l’assurance maladie.
2-4°)-En instaurant des remises de fin d’année sur l’ensemble des produits surpayés par l’argent public. Les remises de fin d’années font partie du système ORPEA. Hartmann, fournisseur de couches est la vache à lait du système ORPEA, qui paie au prix fort. Et reçoit des ristourne importantes en fin d’année. 150 000 euros pour les protections, 250 0000 pour les dispositifs médicaux.
3°)- Les fausses factures :
L’enquête de Victor Castanet va bien au delà de la seule dénonciation d’économies mesquines. Il montre comment le groupe ORPEA fait de la fausse facture, afin de récupérer de l’argent au seul profit du siège. Les EHPAD sont financés par l’argent public, ce qui permet de payer les salaires des médecins et soignants. Et de se fournir en produits de santé. l’objectif des gestionnaires d’ORPEA, c’est de ne jamais dépenser plus que le montant de l’argent public. Mais aussi de dépenser jusqu’au dernier centime l’argent des ARS. Par exemple, un EHPAD de 100 pensionnaires touche 70 000 euros d’argent public. Il n’en dépense que 60 000, soit 15% de rétrocessions versées au siège d’ORPEA.
Les fournisseurs comme Bastide proposent à ORPEA de fausses factures pour les Ehpad ORPEA ayant un excédent financier en fin d’année : par exemple : 1 million d’excédent établissement non utilisé. Ce qui permet au groupe ORPEA de récupérer légalement cet argent. Et de creuse le trou de la sécurité sociale : 1,9 milliards d’euros en 2018, 45 milliards, suite à la crise sanitaire.
L’argent récupéré sert aux responsables ORPEA à se payer des croisières luxueuses. Payer le cachet mirifique de Patrick Bruel, venu chanter rien que pour eux.
Mais le pire, c’est la défaillance des contrôles de l’autorité publique comme la Direction générale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes de contrôle. Lorsque Victor Castanet les joint au téléphone, ses responsables refusent de le rencontrer.
4°)-La gestion scandaleuse de la CGT d’ORPEA et du personnel soignant :
Beaucoup de salariés de ORPEA font des tentatives de suicide, à cause du climat de violence psychologique régnant dans les établissement du groupe. Non reprise de l’ancienneté du salarié. Non paiement des heures supplémentaires. Utilisation massive de CDD. Turn over incessant. Les méthodes de licenciement sont choquantes. Les délégués CGT subissent des pressions et des menaces permanentes. Camille a intégré le service des ressources humaines national de ORPEA en tant que stagiaire en alternance. Son chef de service lui dit tout de go : “il vaut mieux perdre 30 000 euros aux Prudhommes, plutôt que de subir un délégué syndical CGT gênant dans l’entreprise”(sic). Ce qui la marque, c’est le dédain dont fait preuve le service RH vis à vis des délégués syndicaux. Et de témoigner : ”pour mes collègues, les mecs de la CGT, ce sont des clodos qui puent, qui ne se lavent pas. Qui n’ont pas de dents”(sic). “De toute manière, un cégétiste, tu mets dix personnes autour d’une table, tu le repères direct. C’est celui qui a des chaussures trouées, des vêtements moches et un tee-shirt No pasaran” (sic).
“On vire toujours un salarié pour faute grave, même si ce n’est pas vrai, car on ne leur doit pas d’indemnités de licenciements”(sic). Les contentieux de licenciement, ORPEA les perd à la pelle. Ce n’est pas grave : vu qu’il n’y a que 10% des salariés licenciés qui vont aux Prud’hommes. ORPEA en compte 300 par an, presque un par jour, ce qui montre sa gestion désastreuse du personnel et des syndicats du groupe.
Victor Castanet consacre un chapitre entier au traitement lourdement discriminatoire réservé aux syndicats d’ORPEA : CGT, FO, etc. Et à la promotion d’un syndicat jaune maison : ARC EN CIEL, qui n’a aucune structure nationale. C’est un syndicat créé de toutes pièces en 2000 par les responsables nationaux d’ORPEA. l’idée vient d’un grand manitou des RH, ancien de l’UIMM, qui ne supportait plus de voire les “rouges”. Il propose aux anciens représentants de la CFDT et de FO de créer un syndicat apolitique et conciliant avec la Direction de ORPEA. Une jeune aide-soignante prend les rênes de ce faux syndicat. Déambulant dans les couloirs de la direction de ORPEA. Etant à tu et à toi avec tous les grands chefs. Le manager de ORPEA la conseille, leur donne des informations privilégiées avant les autres vrais syndicats, pour que Arc en ciel ait l’air d’avoir obtenu des bribes. Un véritable cheval de Troie du groupe au sein du personnel de base. Les élus de Arc en ciel ont des primes supplémentaires et des promotions personnelles.
Victor Castanet a subi beaucoup de pressions pour que son livre ne soit pas publié. Il a bénéficié heureusement du soutien sans faille de son éditeur : Fayard. Et de celui de Michèle Delaunay, ex ministre des personnes âgées, à qui il rendait compte régulièrement de son enquête.
En conclusion, l’erreur d’appréciation à ne pas faire, ce serait de considérer la maltraitance structurelle du groupe ORPEA comme un îlot isolé, dans un océan de bonheur, dans lequel nagerait par ailleurs la population salariée française : 26,7 millions d’actifs à ce jour. Depuis les années 80, avec le libéralisme triomphant, le succès des pratiques “managériales” directement héritées de l’idéologie nazie, c’est tout le monde du travail qui est dos au mur. Avec des syndicats faibles, souvent discriminés : surtout dans le secteur privé, qu’on se le dise !
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