En cette année 2017, nombreux sont ceux qui s’apprêtent à  commémorer un évènement qui marque une pierre dans l’histoire  : le 31 octobre 1517, le moine Martin Luther écrit les 95 thèses par lesquelles, il remet en question l’autorité de l’Eglise catholique et il dénonce certaines de ses dérives. Des colloques et des célébrations vont être organisés par diverses églises dans plusieurs pays, pour se souvenir de cela.

Il est évident que cet homme a commencé une Réforme qu’il n’a malheureusement jamais terminée et c’est ainsi qu’on trouve au sein de l’Eglise protestante des traditions catholiques telles que la célébration de fêtes d’origine païennes telle que Noël. Martin Luther n’a pas encouragé un retour aux  »  Fêtes de l’Eternel   » clairement définies dans, notamment, Lévitique 23. Et la première de ces fêtes, c’est le  »  Shabbat  « , jour sanctifié par l’Eternel, et que tous les apôtres, les disciples et Jésus Lui-même respectaient.

On peut certainement se demander  :  »  Pourquoi  ?   » Et une des raisons qui s’imposent à  tous ceux qui ont étudié la vie de Martin Luther, c’est que quelques années avant sa mort, Martin Luther avait développé des sentiments  »  anti-judaïques   » pour ne pas dire  »  antisémites   » qu’il a exposé au grand jour en écrivant, notamment «   Contre les Juifs et leurs mensonges   » en 1543. Dans ce livre, il déclare notamment  :  »  Aussi nous sommes nous-mêmes coupables si nous ne vengeons pas tout ce sang innocent de notre Seigneur et des chrétiens qu’ils ont répandu pendant les trois cents ans après la destruction de Jérusalem, et le sang des enfants qu’ils ont répandu depuis lors (qui brille encore de leurs yeux et de leur peau). Nous sommes fautifs de ne pas les tuer. « 

Mais, bien entendu, on va avancer des arguments pour  »  atténuer   » ce genre de déclaration en disant qu’à  l’époque il était de  »  bon ton   » de répandre la haine du Juif et du judaïsme. On nous dit que même le grand philosophe Erasme tenait ce genre de discours. Mais je rétorque  :  »  Est-ce que l’attitude d’Erasme excuse celle de Luther qui, d’après ce qu’on nous dit, avait reçu une grâce spéciale pour comprendre les plans de Dieu  ?  « 

Il est indéniable que son attitude a servi d’exemple pour certains Nazis (notamment Julius Streicher) qui déclara, lorsqu’il fut jugé et condamné à  la pendaison à  Nuremberg en 1946, que le livre de Luther était  »  le pamphlet antisémite le plus radical jamais publié…   » Donc, en occultant cette partie de Martin Luther, on fait preuve de  »  mémoire sélective  « … Cependant, en novembre 1998 lors du 60ème anniversaire de la  »  Nuit de Cristal  « , l’Eglise Luthérienne de Bavière a fait cette déclaration qu’il est  »  impératif pour l’Église luthérienne, qui sait être redevable du travail et de la tradition de Martin Luther, de prendre au sérieux aussi ses déclarations antisémites, de reconnaître leurs fonctions théologiques et de réfléchir à  leurs conséquences. En revanche, elle doit prendre ses distances vis-à -vis de toute expression d’antijudaïsme  dans la théologie luthérienne. « 

Mais en parlant de commémoration, on n’entend pratiquement jamais parler d’évènements qui se sont produits bien plus récemment et qui ont pourtant un impact retentissant jusqu’à  nos jours  :

Il y a 120 ans  :

Le premier Congrès sioniste mondial a lieu du 29 au 31 août 1897 à  Bâle (Suisse). Il est organisé par Théodore Herzl, auquel participaient de nombreux protestants tels que Henri Dunant (Fondateur de la Croix-Rouge) et le Pasteur William Hechler qui sera très actif pour faire connaître le besoin d’un  »  retour des Juifs à  Sion  « 

Il y a 100 ans  :

Le Ministre des Affaires Etrangères, Lord Arthur Balfour (chrétien protestant britannique) écrit la  »  Déclaration Balfour   » le 2 novembre 1917 dans laquelle il déclare  :  »  Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en  Palestine  d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif…   »   Cette déclaration est considérée comme une des premières étapes dans la création de l’État d’Israël.

Il y a 70 ans  :

2 ans après la fin de la 2ème guerre mondiale, le  29  novembre  1947, la  »  Ligue des Nations  « , approuve le   »  Plan de partage de la Palestine   »  par le vote de la  résolution 181, à  New York. Ce plan prévoit la partition de la  Palestine  en trois entités, avec la création d’un État  juif  et d’un État  arabe,  Jérusalem  et sa proche banlieue étant placées sous contrôle international en tant que  corpus separatum. Mais les arabes n’acceptent pas ce plan et vont attaquer les Juifs en Palestine. Cela mènera à  la guerre d’indépendance. La même année (1947), un jeune berger arabe qui cherchait sa brebis égarée dans les grottes de Qumran (Mer Morte) va faire une découverte qui va mettre à  jour des manuscrits vieux de 2000 ans. Ceux-ci vont confirmer la fiabilité de la Bible. Et puis, le 14 mai 1948, dernier jour du mandat britannique,  l’indépendance de l’État d’Israël  est proclamée en tant  »  qu’État juif dans le  pays d’Israël  « . De nombreux chrétiens protestants verront dans cela la réalisation des prophéties qui parlent du retour du peuple Juif sur sa terre, et notamment celle-ci  :  »  Ainsi parle Seigneur, l’Éternel  ; Voici, je prendrai les enfants d’Israël du milieu des nations où ils sont allés, je les rassemblerai de toutes parts, et je les ramènerai dans leur pays. Je ferai d’eux une seule nation dans le pays… » (Ez. 37  :21)

Il y a 50 ans  :

Du 5 au 10 juin 1967 aura lieu la  »  Guerre des six jours  « . Les Israéliens attaquent une coalition arabe (Egypte, Syrie et Jordanie) groupée à  ses frontières et la défont. Au passage ils agrandissent leur territoire pour y inclure les plateaux du Golan, la Judée et la Samarie, le Sinaï, Gaza et la vieille ville de Jérusalem. La guerre des six jours est une grande victoire militaire d’Israël sur tous ses voisins arabes. Les protestants et les évangéliques se réjouissent de cette victoire et y voient l’accomplissement des paroles de Jésus  :  »  Jérusalem sera piétinée  par  des non-Juifs jusqu’à  ce que la période accordée aux  nations  prenne fin.   » (Luc 21  :24)

Il y a 20 ans  :

Le 30 septembre 1997 à  Drancy, les évêques de France, évoquant la Shoah, faisaient repentance, reconnaissant officiellement et publiquement que « devant l’ampleur du drame et le caractère inouï du crime, trop de pasteurs de l’Église ont, par leur silence, offensé l’Église elle-même et sa mission. Aujourd’hui, nous confessons que ce silence fut une faute. (…) Nous confessons cette faute. Nous implorons le pardon de Dieu et demandons au peuple juif d’entendre cette parole de repentance ». Le Pape Jean-Paul II encourage ensuite les épiscopats polonais, français et allemand à   signer  des  « déclarations de repentance »  et réunit, en octobre 1997 à  Rome, un symposium d’une soixantaine d’historiens, de théologiens et d’experts pour examiner  les sources de l’antijudaïsme chrétien,  « les préjugés et les lectures pseudo-théologiques qui ont servi de prétexte aux vexations injustifiables dont a souffert le peuple juif »

Alors, pourquoi mentionner seulement les 500 ans de la  »  Réforme   » et non pas ces autres évènements qui ont néanmoins un énorme impact sur notre monde contemporain  ? Serait-ce dû à  la  »  mémoire défaillante ou sélective   »  ?

Luc HENRIST

29 juin 2017