Matthieu 27:42-44 Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même! S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix, et nous croirons en lui. Il s’est confié en Dieu; que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime. Car il a dit: Je suis Fils de Dieu. Les brigands, crucifiés avec lui, l’insultaient de la même manière.

 

Marc 15:27-30 Ils crucifièrent avec lui deux brigands, l’un à sa droite, et l’autre à sa gauche. Ainsi fut accompli ce que dit l’Écriture: Il a été mis au nombre des malfaiteurs. Les passants l’injuriaient, et secouaient la tête, en disant: Hé! toi qui détruis le temple, et qui le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, en descendant de la croix!

 

Luc 23:39-43 L’un des malfaiteurs crucifiés l’injuriait, disant: N’es-tu pas le Christ? Sauve-toi toi-même, et sauve-nous! Mais l’autre le reprenait, et disait: Ne crains-tu pas Dieu, toi qui subis la même condamnation? Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes; mais celui-ci n’a rien fait de mal. Et il dit à Jésus: Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton règne. Jésus lui répondit: Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.

 

Jean 19:18-19 C’est là qu’il fut crucifié, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate fit une inscription, qu’il plaça sur la croix, et qui était ainsi conçue: Jésus de Nazareth, roi des Juifs.

 

Les quatre évangiles font mention de brigands crucifiés en même temps que Yéshoua/Jésus. Il est précisé qu’ils étaient au nombre de deux. Tout d’abord Matthieu indique qu’ils insultèrent Jésus comme la foule rassemblée.

Marc précise également que les malfaiteurs étaient au nombre de deux, situés de chaque côté de Jésus qui était considéré également un « malfaiteur ».

Luc relate que l’un d’eux s’écrie à l’égard de Jésus : « N’es-tu pas le Christ ? ». Mais l’évangile a été écrit en judéo-grec commun à cette époque, la koïné avec des formes syntaxiques empruntées à la phraséologie sémitique. Il faut tout de suite préciser que le mot traduit par Christ, signifie Messie « Mashiarh », -celui qui a été oint, qui porte l’onction- ; or le Messie tant désiré et attendu, dans ce contexte particulier de souffrance pour les Judéens sous l’oppression romaine, c’est celui qui est censé délivrer Israël de cette oppression. C’est pourquoi le « brigand » ajoute : « Sauve-toi toi-même, et sauve-nous! » autrement dit : exerce ton pouvoir, le cas échéant, par un miracle pour nous détacher de la croix.

Le supplice de la crucifixion était essentiellement un modus romain non-pas destiné aux coupables de droit commun, mais à ceux qui défiaient l’autorité romaine par des actes violents.

Les termes utilisés ont leur importance :

Matthieu 27 :44 pour désigner les « brigands » utilise le mot λῃστἁἱ lestaï

Marc 15 :27 précise qu’ils sont « deux brigands » δὐο λῃστάς duo lestas

Les formes diverses de lestes, donnent : brigand, pirate, voleur, usurpateur

(Abrégé du dictionnaire grec français, A. Bailly, p. 533)

 

Luc 23 : 39 utilise le mot « malfaiteurs » χαχούργων kakourgaun et au verset 32 : χαχοῦργοι kakourgoi.

χαχοῦργος kakourgos est traduit par nuisible, enclin à mal faire, malfaisant

(dictionnaire Français-Grec MM. Alexandre Planche et Defauconpret page 615, 1865. FL. Lécluse page 351 de son dictionnaire Français-Grec donne la même définition).

 

Le supplice de la crucifixion selon la législation romaine :

La crucifixion est un supplice majeur summa supplicia, au même titre que la flagellation à mort, le bûcher ou la condamnation aux bêtes. Elle ne s’appliquait pas aux citoyens romains. L’Apôtre Paul, étant citoyen romain refusant de sacrifier au génie de l’empereur, était donc coupable du sacratio capitis (exécration de l’être sacrilège), il eut la tête tranchée probablement en l’an 64, après l’incendie de Rome sur ordre de Néron, les Chrétiens ayant été désignés les auteurs du drame, de nombreux chrétiens furent crucifiés ou brûlés vifs. Les citoyens et les classes supérieures étaient exécutés par décapitation pour les crimes majeurs (dont la trahison).

La crucifixion s’appliquait aux étrangers, aux esclaves mutins et aux parricides, ils étaient crucifiés nus, leurs corps étaient ensuite laissés en place jusqu’à décomposition ou morcellement par les animaux ; à Rome, leur dépouille pouvait être jetée dans la rivière Tibre. La loi romaine stipulait que si un esclave tuait un maître ou une maîtresse, toute la maisonnée d’esclaves devait être crucifiée en partant du principe qu’aucun d’entre eux n’avait révélé le complot.*

En Judée, les partisans que l’on pourrait qualifier de « résistants » prenant les armes contre l’autorité romaine, étaient crucifiés. Ce fut le cas appliqué aux sicaires, du latin sicarius dérivé de sica « poignard », appelés aussi zélotes.

Aux yeux des Romains ces activistes étaient considérés des terroristes, et ils les qualifiaient de « bandits, malfaiteurs ». Ce sont les vocables empruntés à la terminologie de l’occupant romain qui figurent dans les évangiles pour désigner les suppliciés jouxtant Jésus. Il ne faut pas y voir là des brigands, des voleurs, des voyous, ou des délinquants sociaux. Si cela avait été le cas, ils n’auraient pas été crucifiés. Pour être crucifié, Jésus a été placé juridiquement au même titre que ceux qui défiaient ouvertement l’autorité d’occupation romaine. Le motif d’accusation étant : « Il s’est fait roi ».

Un des crucifié reconnaît qu’il a versé le sang romain, et que par conséquent, sa condamnation est justifiée : il apostrophe son congénère : « ne crains-tu pas Dieu ? », le texte dit : -Car sous la même condamnation n’es-tu pas ?– il ajoute :« Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes; mais celui-ci n’a rien fait de mal » ; et par là-même, il réalise que Jésus est innocent de ce dont on l’accuse. On accuse Jésus d’être roi.

A sa confession de mériter la condamnation, le supplicié comprend soudain, que la royauté de Jésus est d’un autre ordre, cette royauté n’est pas de l’ordre séculier, lui, le combattant a combattu en vain pour une espérance politique, il en paie le prix sur une croix, mais il réalise soudain que le sort de Jésus, lui, s’inscrit dans le contexte prophétique du Messie Souffrant et qu’il est korbàn**.

Ce juif zélote agonisant, se replonge dans le souvenir des Ecritures, et par l’action soudaine du Saint Esprit, ces Ecritures prophétiques sont devenues lumineuses à son esprit ; dans un suprême effort, il tourne sa tête vers Jésus et s’écrie dans un dernier souffle: « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne ! » car il réalise alors que Jésus vaincra la mort, qu’il est le Messie glorieux à venir, que son règne n’aura pas de fin. La réponse de Jésus est immédiate : « Je te le dis en vérité aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Pardès »

V.N.E.


* Dictionnaire de l’Antiquité, Jean Leclant ; [Jean Andreau, Pierre Bordreuil, Luc Brisson,… et al.]Éditeur :Paris : PUF, 2005 [13260].

https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-11867/crucifixion/

**korbàn : sacrifice d’approche, sacrifice qui permet de s’approcher de Dieu

korbàn pessarh – offrande de l’agneau pascal –