En pdf :Du-INRI-auTitulus
Celui qui affirme n’avoir jamais vu dans une église la fameuse inscription INRI sur le crucifix du maître-autel n’a jamais visité d’église ! Mais parmi ceux qui l’ont vue, peu aujourd’hui en connaissent le sens et l’histoire.
C’est pourquoi il me paraît bon de mettre un peu les choses au clair à propos de ce Titulus (le nom savant donné à cet écriteau unique au monde).
Sur la croix où Jésus est cloué pour mourir, une inscription indique aux badauds la cause de son supplice. Le texte de l’inscription varie légèrement d’un évangile à un autre ; en voici le détail :
—> pour Matthieu : celui-ci est Jésus, le roi des juifs
—> pour Luc : celui-ci est le roi des juifs
—> pour Marc : le roi des juifs
—> pour Jean : Jésus le nazoréen, le roi des juifs.
Le Titulus dans les synoptiques (Matthieu 27,37 ; Marc 15,26 ; Luc 23,38)
Les synoptiques sont à peu près d’accord, Marc s’en tenant – comme à son habitude – à l’essentiel. La rétroversion en hébreu de l’inscription de Luc est sans doute : zéh hou’ mélekh hayehoudiym.
L’expression celui-ci est, en Matthieu et Luc, est sans aucun doute l’équivalent de l’hébreu zéh hou’, qui n’apparaît qu’une fois dans le Premier Testament, quand le prophète Samuel est chargé par Dieu de désigner le roi d’Israël qui doit succéder à Saül (1Samuel 16,12). Samuel est à Bethléem et voit défiler devant lui sept des fils de Jessé, mais aucun n’ayant l’agrément de Dieu il demande à voir le plus jeune. Alors le texte dit : David était roux, avec un beau regard et une belle tournure. Et le Seigneur dit (à Samuel) : Va, donne-lui l’onction, car c’est celui-ci !
Cet écriteau déclare donc de façon explicite que Jésus est le roi des Juifs, désigné par Dieu, ce qui est déjà une provocation pour les juifs… Mais il précise implicitement que ce roi est bien plus qu’un simple roi : il est comme David, le » Grand Roi « .
Jean, de son côté, utilise le même genre d’allusion en Jean 19,5 quand Pilate fait sortir Jésus devant la foule, vêtu d’un manteau de pourpre et d’une couronne d’épines, en disant : voici l’homme. Car cette phrase banale (et fameuse : c’est le Ecce homo ! qui a inspiré tant de peintres), sur laquelle personne ne s’arrête, n’est autre – une nouvelle fois – qu’une parole de Dieu lui-même : ce sont les mots hinèh ha’iysh qu’on trouve en 1Samuel 9,17, mots que Dieu dit à Samuel, quand il voit s’approcher Saül qu’il va lui ordonner d’oindre pour le sacrer premier roi d’Israël : voici l’homme dont je t’ai dit : c’est l’homme qui commandera mon peuple !
Dans cet épisode Pilate proclamait déjà implicitement que Jésus était non seulement roi des juifs, mais une image du premier d’entre eux, celui qui avait inauguré la Royauté en Israël !
La valeur de ces paroles de Dieu… et de Pilate (51 dans le premier cas, 61 dans le second. Cf . l’article Déchiffrons les lettres hébraïques, est celle de la Shekhiynah (prononcer shérina ; le mot hébreu peut s’écrire avec ou sans yod), la Présence de Dieu au milieu de son peuple.
En quelques mots, aussi bien à la foule qu’avec son inscription sur la Croix, Pilate dit au peuple que Jésus est semblable à ses deux premiers rois, à la fois choisis par Dieu et présence même de Dieu parmi les hommes, Royaume de Dieu sur Terre… mais les grands prêtres ne l’entendent pas.
Le titulus en Jean (19,19-22)
Seul Jean parle d’une contestation entre Pilate et les juifs à propos de l’inscription et précise que l’écriteau
était écrit en hébreu, latin et grec (19,20).
Bien sûr, on s’est arrêté pendant des siècles sur l’inscription en latin, I.N.R.I., qui est devenue la norme, et pas du tout sur l’inscription en hébreu, langue pourtant citée en premier par Jean !
On peut penser qu’en hébreu l’inscription Jésus le nazoréen (ou le nazir) roi des juifs était : Yeshou’ah hanaziyr oumélek h hayehoudiym, ce qui en notarique (interprétation des textes par acronyme, très pratiqué par les juifs) donne les quatre lettres Y, H, V et H, qui ne sont autres que le Tétragramme sacré – YHVH – le nom imprononçable du Dieu Unique !
Le titulus proclame que Jésus est YHVH, Dieu !
Cela, outre la légitime indignation des juifs devant l’appellation Roi des Juifs, provoque leur fureur car, évidemment, c’est un blasphème d’assimiler un homme à Dieu, ce que la version des synoptiques ne faisait pas.
On notera aisément que la forme latine n’évoque pas du tout cette allusion, et d’autant moins que bien des juifs de l’époque devaient parler encore moins latin qu’hébreu, même si des savants soutiennent qu’ils ne parlaient pas du tout hébreu !
Et Pilate – fier d’avoir tout dit sur celui qu’il estime innocent ? – répond aux grands prêtres : ce que j’ai écrit, je l’ai écrit (Jean 19,22). Cette phrase rappelle un épisode du livre d’Esther : car tout écrit écrit au nom du roi et scellé de son sceau est irrévocable (Esther 8,8) où l’écrit dont il est question est un décret du roi Assuérus qui a pour but de sauver les juifs. Pilate, par sa réponse, rajoute un nouvel affront aux affronts déjà faits aux grands prêtres : pour moi, dit-il de façon cachée – et inconsciente ? – aux grands prêtres, Jésus est Dieu venu sur Terre pour sauver les juifs ! C’est ce que j’ai écrit !
Ce Pilate là est vraiment curieux – très curieux – et presque sympathique… comme on l’a vu dans l’article
Barabbas contre Barabbas.*
Mais il envoie tout de même Jésus au supplice de la croix, croix d’infamie pour les Romains, mais croix de Salut pour les Chrétiens, comme le disait Paul : le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu. (1Corinthiens 1,18).
Que Jésus, fils du Père, fils de Dieu, Dieu lui-même, nous accompagne sur notre route vers Pâques, vers l’événement sans lequel la Croix ne serait qu’une défaite sans lendemain ; qu’il fasse pour nous rayonner son visage, qu’il nous attire à lui (Jean 12,32) et nous donne sa Paix !
René Guyon
Transmis par Julie.
*À venir: le texte Barabas contre Barabas
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