Dans une tribune publiée sur Boulevard Voltaire, onze généraux de 2e section alertent sur le droit de l’expression des militaires menacé par l’exécutif.
Après la démission du chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers et la polémique qui s’en est suivie, les militaires ne sont pas prêts à se taire. Dans une tribune publiée sur Boulevard Voltaire, onze généraux de 2e section fustigent l’exécutif et déclarent que leur liberté d’expression est remise en cause. Pour eux, le cas du général Pierre de Villiers « a mis en évidence le fossé qui s’est progressivement installé entre le politique et le militaire » et a surtout « révélé et confirmé avec force la menace qui pèse dorénavant sur l’expression des militaires ».
Pourtant l’ancien chef d’état-major des armées n’était pas le premier à se faire traiter de la sorte par les autorités. En effet, les auteurs de la missive citent d’autres exemples.
Des généraux mutés, sanctionnés et arrêtés
La « mutation dans un placard » du numéro trois de la gendarmerie, le général Bertrand Soubelet, après son audition en 2014 par la commission de l’Assemblée nationale. Il avait alors déclaré « que la politique pénale était en décalage avec les infractions relevées et il soulignait, en conséquence, les difficultés rencontrées au quotidien par les unités de la gendarmerie dans la lutte contre la délinquance ».
La sanction du général Vincent Desportes après son interview en 2010 au Monde. Il y avait critiqué la politique menée par les États-Unis, et par voie de conséquence par la France, en Afghanistan. Sans oublier « l’arrestation mouvementée du général Christian Piquemal à Calais, le 6 février 2016, au cours d’une manifestation organisée dans le cadre des Journées européennes contre l’islamisation et l’invasion migratoire ? ».
Pourquoi le gouvernement veut faire taire les militaires ?
« C’est finalement l’expression des militaires et en particulier des généraux qui est aujourd’hui menacée et que le politique tente d’étouffer », fustigent les auteurs. « L’autorité politique affichait ainsi sa volonté de mettre un couvercle sur l’expression des militaires, et notamment des généraux », notent-ils, estimant que les élus « ne supportent manifestement pas que la haute hiérarchie militaire lance des signaux d’alerte qu’elles considèrent comme des critiques de l’action de l’État et qu’elles jugent contraires au devoir de réserve ». Ils n’hésitent pas à charger le gouvernement, lequel selon eux, « utilise depuis trop longtemps les budgets des forces armées comme une variable d’ajustement pour combler ses manquements en matière de gestion des comptes publics ». Si l’Etat tient à les faire taire, c’est parce qu’il est gêné par le fait que « le citoyen puisse être informé sur ses insuffisances et surtout sur les risques qu’elles font peser sur la nation », pensent-ils.
Pourtant, ces « tentatives répétées du pouvoir pour priver les généraux de parole (…) ne sont pas pertinentes au moins pour deux raisons », indiquent-ils. « Elles créent non seulement un malaise en contribuant à distendre la confiance entre le politique et le militaire mais également un doute sur la compétence ou la clairvoyance du pouvoir politique s’agissant de la première des missions régaliennes dont il est responsable« . Selon eux, « se référer en permanence au sacro-saint devoir de réserve n’a pas de sens dans la mesure où ni le secret militaire ni la neutralité politique ne sont mis en cause ».
« Une véritable révolution des esprits »
« L’expression des généraux (…) est devenue aujourd’hui indispensable. Ils savent de quoi ils parlent. Alors, pourquoi les chefs militaires ne pourraient-ils pas s’exprimer sur des sujets liés à la défense, à la sécurité de la nation, aux intérêts de la France dans le monde alors que d’autres moins qualifiés le font ? », se demandent les généraux, notant au passage que le gouvernement « semble oublier que l’autorisation préalable à l’expression des militaires a été supprimée il y a plus de dix ans ».
« Le moment semble donc venu pour conduire une véritable révolution des esprits pour que soit reconnu à ceux qui risquent ou ont risqué leur vie pour la défense de la France et de la nation un devoir d’expression au même titre que leur devoir de réserve. Il est, en effet, légitime qu’ils puissent contribuer au débat en usant de leur liberté d’expression », concluent les généraux.
Source : Valeursactuelles.com
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