GENÈSE 32 : 24/32 « Jacob demeura seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. Voyant qu’il ne pouvait le vaincre, cet homme le frappa à l’emboîture de la hanche ; et l’emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec lui.
Il dit : Laisse-moi aller, car l’aurore se lève. Et Jacob répondit : Je ne te laisserai point aller, que tu ne m’aies béni. Il lui dit : Quel est ton nom ? Et il répondit : Jacob.
Il dit encore : ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël ; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur. Jacob l’interrogea, en disant: Fais-moi je te prie, connaître ton nom. Il répondit : Pourquoi demandes-tu mon nom ? Et il le bénit là. Jacob appela ce lieu du nom de Peniel : car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée.
Le soleil se levait, lorsqu’il passa Peniel. Jacob boitait de la hanche. C’est pourquoi jusqu’à ce jour, les enfants d’Israël ne mangent point le tendon qui est à l’emboîture de la hanche ; car Dieu frappa Jacob à l’emboîture de la hanche, au tendon »
Qui n’a jamais entendu parler de Jacob l’un des grands Patriarches de l’histoire biblique ? Il est connu pour ses fourberies, ses ruses et son esprit calculateur. Mais ceci n’est que l’aspect extérieur du personnage. Jacob est en fait le prototype du croyant dont la personnalité pardonnée, puis restaurée, oscille encore après la conversion entre l’état charnel et l’état spirituel. Je me propose donc de vous montrer quelle fut la pédagogie divine qui amena la personnalité de Jacob (son Moi) du premier état au second.
1) Dieu accepta Jacob malgré son passé
Samuel Pfeifer dans son livre « Entourer les faibles » montre que le passé d’une personne constitue le tissu dont elle est faite. Ainsi, quand un pécheur arrive à la foi chrétienne, il vient à Jésus-Christ, tel qu’il est, c’est à dire avec ses nombreux péchés et souillures, mais aussi avec son vécu, c’est-à-dire (ses fardeaux, ses douleurs, ses souffrances, ses complexes, ses défauts, ses travers, ses faiblesses et parfois ses infirmités congénitales)
Si donc le « tissu » de ses nombreux péchés est définitivement ôté à jamais de sa vie, il n’en est pas ainsi de son « vécu ». Celui-ci n’est pas éradiqué de son être comme par magie, quand il devient une nouvelle créature en Jésus Christ : « si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles ». 2 Corinthiens 5 : 17
Quand Paul a fait cette déclaration « toutes choses sont devenues nouvelles », il a utilisé le parfait grec, temps qui désigne : une action passée pleinement accomplie, mais dont les effets ne cessent de se perpétuer dans le présent.
Paul montre ainsi, que si le vieil homme (le Moi pécheur) a effectivement été crucifié avec Jésus sur la Croix, puis refait par la puissance du St-Esprit, cet homme nouveau en Christ est appelé à se développer et à prendre toute sa place.
Voilà pourquoi l’expérience de Jacob est très instructive pour le peuple chrétien, car elle nous montre comment le Seigneur a su amener, progressivement, la personnalité de ce croyant de l’état charnel à l’état spirituel.
Le passé de Jacob
Comme nous l’avons dit, chaque être à un passé et Jacob, le croyant ne fait pas exception à la règle.
Tout a commencé pour lui le jour de sa naissance. Rebecca, sa mère était enceinte de deux jumeaux. Le premier qui vint au monde fut appelé Esaü, tandis que le second sortit en tenant le talon de son frère, ce qui lui valut le surnom négatif de (celui qui supplante ou usurpe son prochain), surnom qui le poursuivra de longues années, alors que le sens le plus probable de son nom « Jacob » semble être en hébreu : « Que Dieu le protège »
Ceci nous montre bien que le cœur humain est façonné, dès le plus jeune âge par les paroles qu’il entend de son entourage. Répéter à un enfant certaines paroles du genre : « tu es un idiot, un incapable, tu ressembles bien à ton père (ou ta mère), on n’arrivera à rien avec toi, tu ne sais rien faire, on se demande pourquoi tu es venu au monde… » est très préjudiciable à son développement psychologique.
Ce n’est pas par hasard si la Bible déclare que « la vie et la mort sont au pouvoir de la langue, celui qui l’aime en mangera les fruits ». Proverbes 18 : 21
– Puis, en grandissant Jacob fit encore une amère découverte. Il remarqua très vite que son père avait une préférence pour son frère Esaü, ce qui engendra chez lui une grande frustration et certainement de nombreux complexes. Ne sachant où se tourner pour exprimer son désarroi et ses souffrances intérieures, sa mère devint très vite sa confidente, mais alla au-delà de son rôle maternel, puisqu’elle exerça à son égard un amour possessif.
Toutes ces choses altérèrent l’état psychologique de Jacob et créèrent en lui une fausse image
Et bien que Jacob aie foi en Dieu, son passé prit l’ascendant dans son âme. Il entra dans la vie d’adulte avec une âme fragilisée par ses expériences passées. Il adopta des mécanismes d’autodéfense à la fois pour se protéger de son manque de valeur personnelle, mais aussi pour surmonter ses nombreux complexes. Il devint ce qu’on lui avait toujours fait entendre, c’est-à-dire un homme tordu à l’esprit fourbe, calculateur qui contrôle les autres.
Il se mit donc à dominer et à manipuler son petit monde, son frère, son père, sa mère, son oncle et ses femmes.
– C’est ainsi que Jacob manipula son frère pour s’emparer de son droit d’aînesse, en échange d’un plat de lentilles.
– Puis sur le conseil de sa mère, il usurpa la personnalité de son frère pour tromper son père aveugle, afin d’obtenir de lui la bénédiction réservée à l’aîné de la famille.
– Et lorsqu’il s’enfuit chez son oncle Laban (qui devint aussi son beau-père), il passa de longues années à jouer avec lui à qui perd gagne.
De tels mécanismes d’autodéfense se manifestent, à notre époque moderne d’une foule de manières, chez des êtres en souffrance. Certains se jettent à corps perdu dans le travail, la lecture, la philosophie, l’ésotérisme, la religion ou encore dans certains excès comme le sexe, la gourmandise, la nourriture, l’alcool, les drogues, les dépenses financières, les voyages, les jeux, le sport… Mais tous ces substituts ne sont en fait que des protections, face aux divers fardeaux de la vie.
Quel était le problème de Jacob ?
Bien qu’il fût un croyant, Jacob s’était installé comme une victime sans défense de son passé. Et en adoptant cette position de vie, il ne s’apercevait pas qu’il était en fait l’acteur de son propre malheur, comme celui de son entourage.
Chers lecteurs chrétiens, vous vous êtes peut-être reconnus dans cette psychanalyse de la personnalité de Jacob ? Vous avez peut-être, comme lui, vécu une enfance difficile ou une adolescence perturbée, et vous avez développé des stratégies psychologiques, pour vous protéger à la fois de ce passé douloureux et d’une mauvaise image de vous-même ? Et comme Jacob, vous faites souffrir votre entourage ainsi que vous-même, en vous installant dans la position d’une victime de votre passé, oubliant que vous êtes, en fait, l’artisan de votre propre malheur présent ?
Si tel est le cas, alors ne perdez pas courage, car la suite de l’histoire de Jacob est très encourageante pour vous.
2) Dieu accepta Jacob, tel qu’il était
A la différence de son frère Esaü qui était plutôt un homme des champs préférant la nature et la bonne nourriture, Jacob aimait Dieu et connaissait la promesse divine faite à sa mère : « l’aîné sera assujetti au plus jeune ». Genèse 25 : 22/23
Mais, sa personnalité était engluée par le « tissu » de son passé, il développa un autre travers que nous retrouvons souvent, parmi les chrétiens en souffrance. Il prit les choses en mains, pensant qu’il devait accomplir, par lui-même, la promesse divine reçue à sa naissance.
a) Ce mauvais trait de caractère était déjà en germe, lorsqu’il sortit du ventre de sa mère en tenant le talon de son frère, ce qui, par analogie verbale, signifie : chercher à arrêter l’autre, à le faire tomber pour prendre sa place (voir l’encyclopédie des difficultés bibliques)
b) En grandissant, ce travers se développa et s’imposa à lui, comme la philosophie du « je peux tout faire par moi-même ». C’est donc animé de cet état d’esprit d’indépendance qu’il trompa, sur le conseil de sa mère, son vieux père aveugle, pour accomplir, par lui-même, la prophétie divine le concernant : « l’aîné sera assujetti au plus jeune ». Genèse 27 : 1/29
c) Cet état d’esprit se révéla jusque dans sa vie de prière. En effet, après avoir demandé à Dieu de le sauver de la main de son frère qui venait se venger de lui et certainement pour le tuer, il prit l’initiative d’accomplir, lui-même, sa propre prière. Pris de panique, il divisa en deux camps les gens de sa famille et offrit à son frère, dans l’intention de l’apaiser, une partie de son cheptel (580 têtes de bétail). Genèse 32 : 9/12-13/23
Chers lecteurs chrétiens, combien il est réconfortant de savoir que nous avons un Dieu qui nous aime d’un amour inconditionnel et durable, indépendamment de notre « tissu » passé.
Si donc vous vous retrouvez encore dans cette psychanalyse de la vie de Jacob, alors ne vous découragez pas, car si Dieu aima Jacob malgré sa mauvaise image de lui-même et son esprit d’indépendance, Il vous aime également du même amour. Et comme l’a si bien dit un serviteur du Seigneur : « Si Dieu nous aime, tels que nous sommes, Il nous aime trop pour nous laisser tels que nous sommes ».
Pendant de longues années (environ 21 ans), le Seigneur laissa Jacob aller au bout de son bout (sans l’abandonner), avant de le conduire au gué de Jabbok où, là il le fit passer par une épreuve bénéfique qui vida sa personnalité du « tissu » dans lequel elle était engluée. Il est intéressant de noter que Jabbok signifie en hébreu : « celui qui se vide ».
3) La rencontre au gué de Jabbok
Le verset 24 dit : « Jacob demeura seul ». Or cette phrase est plus importante que nous pouvons le penser, car c’est en cet instant que la personnalité de Jacob entra pleinement dans l’état spirituel. Tant qu’il lui restait assez d’énergie pour prendre les choses en mains et n’en faire qu’à sa tête, Dieu ne pouvait atteindre son objectif d’amour envers lui. Mais maintenant il est seul face à lui-même, las de ses échecs répétés, prêt à laisser le Seigneur régner en lui et de surcroît le guérir de son passé.
Cette rencontre avec Dieu au gué de Jabbok renferme deux précieuses vérités.
a) C’est d’abord Dieu qui prit l’initiative de lutter avec Jacob. Le patriarche fut tellement impressionné par cette rencontre, qu’il donnera à ce lieu le nom de « Peniel » qui signifie littéralement : j’ai vu la face ou le visage de Dieu.
Mais dans cette lutte pour affranchir la personnalité blessée et indépendante de Jacob, le Seigneur dut lutter jusqu’au matin. Mais, il triompha de lui en le touchant à l’emboîture de la hanche, ce qui, dans le symbolisme biblique signifie : « briser l’esprit d’indépendance ».
– Nous voyons que cette personnalité croyante, incapable de passer de l’état charnel à l’état spirituel, par elle-même, est maintenant terrassée, vaincue et anéantie. Le vieux Jacob qui avait, toute sa vie, triomphé des hommes et lutté si longtemps contre l’Esprit de Dieu, est maintenant plaqué à terre, recevant le coup mortel qui le détrône. C’est pourquoi, Dieu donnera à Jacob le nom d’« ISRAËL » qui sera désormais attaché pour toujours à sa personnalité, comme une force libératrice et un puissant soutien pour les moments difficiles.
De nombreuses définitions ont été données au mot Israël (vainqueur ou Prince de Dieu) mais il semble plus logique d’après le contexte de notre passage et en raison de la forme hébraïque de sa racine, de considérer ce mot sous deux aspects particuliers :
– Celui qui lutte avec l’homme pour reprendre son droit et établir en lui son règne.
– Celui qui lutte avec Dieu pour saisir ses bénédictions et obtenir l’accomplissement de ses promesses.
Le premier sens se rapporte logiquement à Dieu, car Jacob avait lutté et exercé une domination absolue sur sa propre vie, sur son frère Esaü, sur son père Isaac, sur son oncle Laban et de surcroît sur l’Esprit-Saint. Maintenant, c’est Dieu qui lutte avec lui, pour l’affranchir du pouvoir de la chair et le placer sous le règne de l’Esprit ; « il faut qu’il croisse et que je diminue, disait Jean-Baptiste », « ce n’est plus moi qui vit, c’est Christ qui vit dans (à l’intérieur de) mon Moi, pouvait affirmer Paul ». Jean 3 : 20 Galates 2 : 20
Prenez le temps de lire les chapitres 17 à 21 du livre des Juges, et vous retrouverez cette précieuse vérité clairement enseignée : « en ce temps-là, il n’y avait point de Roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon ». Juges 17 : 6 18 : 1 19 : 1 21 : 25
Dans son livre, « La loi de la foi », Norman Grubb consacre deux chapitres à montrer combien « l’ego non crucifié », chez les grands personnages bibliques, fut une entrave à leur croissance spirituelle.
b) Le second sens du mot « Israël » se rapporte, naturellement, au nouveau Jacob dont la personnalité affranchie de l’esprit d’indépendance et de sa mauvaise image, est capable de pénétrer, maintenant, dans le surnaturel divin et de vivre en nouveauté de vie. Le Jacob/Israël devient capable de lutter avec Dieu (et non contre Dieu), avec une foi sans hypocrisie, pour mener à bien le véritable combat de la foi. Genèse 32 : 26 Osée 12 : 4
Jacob/Israël va réclamer et recevoir deux choses
– Il va d’abord réclamer l’accomplissement de la promesse faite à sa naissance : « Je ne te laisserai point aller que tu ne m’aies béni ». La nation juive héritera de cette bénédiction et portera à perpétuité ce nom glorieux, afin qu’elle se souvienne que ce n’est ni par la force, ni par le pouvoir (de l’homme) que l’on devient ce que Dieu a promis, mais seulement par l’Esprit du Seigneur. Zacharie 4 : 6
– Puis Jacob réclamera l’anéantissement des projets néfastes de son frère, ainsi que la restauration de relations harmonieuses avec lui. Cette lutte avec son Dieu lui permettra d’obtenir tout ce dont il avait besoin. Voilà le puissant secret de la prière d’intercession.
EPILOGUE
Quelles sont les leçons spirituelles que les chrétiens contemporains peuvent retirer de cette psychanalyse de la vie de Jacob ?
a) Que le pardon des péchés et la réconciliation avec Dieu ne constituent pas l’ensemble du salut divin, mais seulement une partie.
b) Qu’après que la nature divine leur a été infusée dans leur Moi (leur personnalité), Dieu commence une œuvre bénie, pour dégager cette dernière du « tissu » dont le passé les a façonnés et dans lequel elle est encore engluée même après la conversion, empêchant les chrétiens de vivre pleinement dans l’état spirituel.
c) Que le Seigneur persistera le temps qu’il faudra, avec un amour persistant et une patience sans limite, pour atteindre son objectif, à savoir, conduire le chrétien né de nouveau jusqu’au « gué de Jabbok », afin de le vider de son état d’esclave, pour faire de lui, un être pleinement libre.
d) Qu’une fois devenu « l’Israël » selon l’Esprit, le chrétien sera capable de marcher « en nouveauté de vie », où l’âme et les membres du corps sont au service de l’amour, puis de mener efficacement « le combat de la foi », par lequel il combattra avec son Dieu (et non contre Lui), pour hériter de toutes les bénédictions, attachées à la rédemption du Christ et obtenir les plus précieuses promesses pour la piété et la vie présente.
Que le Dieu d’amour vous bénisse tous
Pasteur Joël Loubiat
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