Source https://ojycarbreizh.wordpress.com/2024/09/17/la-porte-ouverte-a-mammon-comment-nous-en-sommes-arrives-la/

« Je résolus de faire des réprimandes aux grands et aux magistrats, et je leur dis: Quoi! vous prêtez à intérêt à vos frères! Et je rassemblai autour d’eux une grande foule, et je leur dis: Nous avons racheté selon notre pouvoir nos frères les Juifs vendus aux nations; et vous vendriez vous-mêmes vos frères, et c’est à nous qu’ils seraient vendus! Ils se turent, ne trouvant rien à répondre » (Nehemie 5:7-8).

Comme on le sait, c’est aussi la cupidité qui fut le catalyseur du grand ébranlement que constitua la Réforme. Le moine Martin Luther s’indigna de la simonie de l’Eglise d’occident. Le moine dominicain Johann Tetzel de triste mémoire parcourait en effet l’Allemagne en persuadant des gens aussi pauvres que crédules d’acheter à prix d’argent des indulgences papales pour libérer des membres défunts de leur famille du purgatoire.

« Wenn das Geld im Kasten klingt, frohlich die Seele aus dem Feuer springt« . Dès que l’argent tinte dans la cassette, hors du feu bondit l’âme guillerette.

Les objections de Luther étaient solides. De purgatoire, il n’est question nulle part dans les Saintes Ecritures, même pas dans les textes apocryphes que l’Eglise catholique romaine appelle deutérocanoniques. La notion même de « purgatoire » ne peut d’ailleurs guère être retracée avant le deuxième millénaire de notre Seigneur. Et surtout, ni le pape Leon X, ni ses successeurs ne répondirent jamais à la question incendiaire de Luther. Si un pape a vraiment le pouvoir de libérer les âmes du « purgatoire », pourquoi donc n’use-t-il pas, par charité chrétienne, dudit pouvoir pour le vider complètement ?

Il s’agissait, c’était patent, de simonie et d’escroquerie et Luther avait démasqué la peccamineuse cupidité des plus hautes autorités de l’Eglise d’occident de son époque.

Si l’on regrette le tour haineux que prit l’impatience de Luther vis-à-vis de la persistance des Juifs de son temps à refuser le salut en Jésus (Dans son écrit « Von den Jüden und iren Lügen« , il prône des mesures qui étonnent par leur violence, comme brûler les synagogues et bannir les Juifs d’Allemagne), sa lucidité fut cependant constante vis-à-vis du piège satanique de la soif d’argent impossible à étancher.

« Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments » (1 Timothée 6:9-10).

Malheureusement, si l’on chasse satan par la porte, on sait bien qu’il tente ensuite de rentrer par la fenêtre.

Autant l’Eglise catholique romaine, avec les indulgences, s’englua dans une simonie dont elle ne s’est toujours pas défaite (A un quart d’heure de chez moi, il y a une abbaye bénédictine où il est possible ou a été possible de demander un « trentain grégorien », c’est à dire l’association d’un certain défunt à trente messes pour le « libérer du purgatoire ». Et il y a un tarif pour ces trentains), autant elle demeura ferme, jusqu’au XIXème siècle, dans la condamnation du prêt à intérêt: « Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour rien de ce qui se prête à intérêt. Tu pourras tirer un intérêt de l’étranger, mais tu n’en tireras point de ton frère, afin que l’Eternel, ton Dieu, te bénisse dans tout ce que tu entreprendras au pays dont tu vas entrer en possession » (Deutéronome 23:19-20). « Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de recevoir la pareille. Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très-Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants » (Luc 6:34-35).

Un trou de la circonférence d’un doigt dans une digue, ce n’est pas grand chose. Mais l’eau a une telle force qu’elle peut finir par percer une brèche dans une digue à partir d’un trou minuscule.

Bien qu’elle fût très prudente, très nuancée, la lettre de Jean Calvin à Claude de Sachin de 1545 fut un tel petit trou. On en déduisit que Calvin distinguait entre prêt à la consommation, notamment du pauvre qui emprunte pour survivre, du prêt à la production pour investir, s’agissant duquel Calvin n’objectait plus d’opposition de principe au prêt à intérêt. Il ne voulait toutefois pas qu’on fît profession de prêter à intérêt et, en 1563, il refusa la création d’une banque dans la République de Genève.

La lettre est reproduite en annexe in fine.

Mais, malgré toutes les nuances et tous les tempéraments de la lettre de Calvin, les choses n’en restèrent pas là et le trou s’agrandit, de sorte que l’on a pu reprocher au protestantisme d’avoir été le cheval de Troie du capitalisme. C’est excessif mais il n’est pas douteux que l’Angleterre et les Pays-Bas devinrent de grandes puissances commerciales à partir du XVIIème siècle et que l’assouplissement doctrinal vis-à-vis de la prohibition du prêt à intérêt n’y avait pas été pour rien.

(Ici, il faudrait juste clarifier que, à l’époque, les monnaies étaient encore métalliques et l’argent était le plus souvent de l’argent. Si tel avait emprunté vingt pièces d’argent, la prohibition du prêt à intérêt signifiait qu’il devait rendre vingt pièces d’argent du même poids initial. Quand on passa ensuite à de la monnaie fiduciaire, la valeur constante demeurait quand même aussi longtemps que les devises restèrent attachées à un étalon métallique comme l’or ou l’argent. Par contre, depuis que la notion de monnaie a été minée au point de ne plus avoir de valeur objective, c’est devenu plus compliqué. Il est juste qu’un débiteur rembourse la même valeur que ce qu’il a emprunté. Compenser seulement la dévaluation qu’implique l’inflation, ce n’est pas ce que vise Deutéronome 23:19.)

A la vérité, c’est au XIXème siècle que la digue craqua pour de bon et, cette fois-ci, ce n’était pas à cause du protestantisme.

J’ai été agréablement étonné quand j’entendis le Pr. Didier Raoult parler de la théorie de l’évolution de Darwin comme d’un conte de fées pour grande personnes. Je ne suis pas sûr que ce soit pour les mêmes raisons que moi qu’il tienne les théories de Darwin pour des fables. En tant que chrétien, je SAIS que Dieu a créé tout ce qui existe. Mais, non seulement Il a créé « au commencement », bereshit, mais Il n’arrête pas de créer et d’intervenir dans Sa création. Je ne prendrai que l’exemple glorieux des centaines et des centaines de milliers de guérisons, médicalement documentées, constatées au cours des dix-huit ans de ministère de Kathryn Kuhlman. Dieu guérit les incurables en rallongeant des os, en recréant des nerfs, des organes, des chairs.

La théorie de l’évolution des espèces résulte d’un profond aveuglement sur le monde que nous avons devant les yeux: « La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive, car ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître. En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, puisque ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous » ; (Romains 1:18.22).

Mais ce n’est pas seulement la science qui fut infectée par l’idée qu’il est dans l’ordre des choses que les espèces les mieux adaptées prospèrent aux dépens de celles qui le sont moins et finissent par les éliminer.

L’idée fut reprise par le libéralisme économique qui fut ravi de trouver là une caution « scientifique » au fait que les opérateurs économiques les plus forts prospèrent et éliminent ceux qui ne sont pas de taille à lutter contre eux. De là viennent les ignobles qualificatifs de « winners » et de « losers ». Cette idéologie est aux antipodes du christianisme. Elle est vraiment antichrist jusqu’à la moelle quand on lit toutes les paroles d’attention de la part de Dieu aux petits et aux faibles.

Et, bien sûr, elle fut ensuite transposée à la société humaine elle-même. Il serait dans l’ordre des choses que les forts éliminent physiquement les faibles, pas seulement économiquement. L’eugénisme, et par conséquent le nazisme qui en est un avatar, tirent directement leur « légitimation » du socle que constitue la pensée de Darwin. Et nous vivons maintenant un déferlement sans complexe de cet eugénisme, de l’avortement avec ou sans maladie génétique à l’euthanasie active.

Le Darwinisme est un trou dans la digue en forme de triangle par lequel s’engouffre la mer de la mort agitée par satan.

C’est la folie d’accumulation des richesses, entre quelques mains possédées par Mammon, qui a amené le monde là où nous en sommes aujourd’hui, où, derrière des écrans tels que Vanguard et Black Rock, c’est entre un très petit nombre de ploutocrates que se concentre presque tout ce qui peut s’acheter et se posséder sur cette planète.

Jésus a été très clair sur cela: « Puis il leur dit: Gardez-vous avec soin de toute avarice; car la vie d’un homme ne dépend pas de ses biens, fût-il dans l’abondance. Et il leur dit cette parabole: Les terres d’un homme riche avaient beaucoup rapporté. Et il raisonnait en lui-même, disant: Que ferai-je? car je n’ai pas de place pour serrer ma récolte. Voici, dit-il, ce que je ferai: j’abattrai mes greniers, j’en bâtirai de plus grands, j’y amasserai toute ma récolte et tous mes biens; et je dirai à mon âme: Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années; repose-toi, mange, bois, et réjouis-toi. Mais Dieu lui dit: Insensé! cette nuit même ton âme te sera redemandée; et ce que tu as préparé, pour qui cela sera-t-il? Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n’est pas riche pour Dieu » (Luc 12:15-21).

Avant même d’exister, le capitalisme, cette insatiable compulsion d’accumulation, avait été condamné par Jésus comme un égoïsme vain et insensé.

Et c’est vraiment comme une inondation que l’on ne parvient pas en endiguer et qui emporte tout.

De longue date, le droit public français a connu la notion de « domaine public ». Le domaine public, c’est en quelque sorte « la propriété de la Nation », en d’autres termes, une inaliénable propriété collective des Français, affectée à leur commun usage. Traditionnellement, il en est résulté la gratuité de principe de l’usage du domaine public, particulièrement des voies publiques, la liberté d’y circuler et l’égalité des administrés dans l’usage de ce domaine public.

De façon logique, la loi du 18 avril 1955 55-435 portant statut des autoroutes disposait, en son article 4, que « L’usage des autoroutes est en principe gratuit.
Toutefois, l’acte déclaratif d ’utilité publique peut, dans des
cas exceptionnels, décider que la construction et l’exploitation
d’une autoroute seront concédées par l’Etat à une collectivité
publique, à un groupement de collectivités publiques, ou à une
chambre de commerce, ou à une société d’économie mixte dans
laquelle les intérêts publics sont majoritaires. Dans ce cas, la convention de concession et le cahier des charges sont approuvés par décrets pris en conseil d’Etat, après avis des collectivités locales directement intéressées; ils peuvent
autoriser le concessionnaire à percevoir des péages* pour assurer
l’intérêt et l’amortissement des capitaux investis par lui, ainsi
que l’entretien et, éventuellement, l’extension de l’autoroute
« .

Il faut dire que, de 1955 jusque dans les années 60, le réseau d’autoroutes ne représentait pas grand chose en France, en comparaison de ceux des voisins belges, allemands et italiens. C’est alors que s’imposa l’idée que, en dépit de la gratuité de principe, il pourrait être légitime de subordonner l’utilisation des autoroutes à des péages de façon à réunir plus vite les fonds permettant d’en construire de nouvelles.

Qu’est-il resté de cela, la notion de gratuité du domaine public, quand Sarkozy afferma à longue durée des autoroutes à des sociétés privées cotées en bourse, dont la maximisation du profit est le prime objectif ? C’est une dépossession rampante de la propriété collective des Français qu’a entrepris l’insolence du libéralisme « darwinien ».

Contrairement à ce qu’ânonnaient ses hérauts, Margaret Thatcher, Ronald Reagan et, en France, des Alain Madelin et Francois Léotard, le « marché » ne satisfait pas magiquement les besoins de tous. Il vise avant tout à remplir toujours plus les poches des beati possedentes et le résultat est un gaspillage éhonté des ressources.

Comme on le sait, le développement industriel en Europe au XIXème siècle fut favorisé par la construction des chemins de fer. L’époque étant au libéralisme, les réseaux d’intérêt général furent concédés à des compagnies privées. Au nord, ce fut très facile de trouver preneur. Il y avait abondance de mines, d’usines de production industrielle et des échanges avec les réseaux de l’Europe du nord. Au sud-est aussi, le réseau reliait les trois principales villes de France, un grand port d’échanges avec les colonies d’Afrique du nord, une Riviera déjà très prisée de la clientèle bourgeoise. Très différente était la situation à l’ouest agricole en Bretagne, en Basse Normandie et dans le Val de Loire, de sorte que, assez vite, c’est l’Etat qui dut exploiter lui-même le réseau. La voici bien illustrée l’imposture du libéralisme économique en tant que mode d’organisation des sociétés. Il ne répond présent que pour prendre les cerises du gâteau mais il laissera toujours la croûte dure à mâcher.

Le ministre Freycinet avait voulu favoriser le développement d’un réseau secondaire à partir de 1880. Évidemment, cela intéressait nettement moins les grandes compagnies privées qui ne pouvaient en espérer de très gros retours sur investissement. Il y fallut donc injecter beaucoup d’argent public.

Malgré tout, le chemin de fer était un tel outil de décloisonnement du pays que les départements se mirent ensuite, surtout à partir du début du XXème siècle, à consentir des investissements très importants pour construire des réseaux d’intérêt local.

Las, avec le développement de l’automobile, surtout après la première guerre mondiale, on vit rapidement le « capital » aller miser sur ce nouveau mode de transport. En effet, intrinsèquement, le chemin de fer nécessite beaucoup d’organisation. Or, du fait de son poids dans l’économie, les travailleurs du chemin de fer étaient parvenus à arracher des statuts d’emploi moins désavantageux que ceux du commun de l’ouvrier. Mais le libéralisme n’aime tout simplement pas payer des salaires relativement décents. C’est un détail sur lequel Margaret Thatcher et consorts ont toujours glissé rapidement. En cela, le libéralisme économique, moins il est régulé, tenu en laisse par la puissance publique, plus il est moteur de régression sociale. C’est logique. Il n’a pas d’autre objectif que la maximisation du profit des « accumulateurs ».

C’est donc massivement que, dans les années 30, tant le transport des marchandises que celui des voyageurs fut reporté vers la route dans la plus parfaite anarchie. Bien sûr, le capital préfère avoir à sa disposition une multitude de petits transporteurs « indépendants » en concurrence les uns avec les autres, rognant sur tous les postes, aussi les salaires, pour leur survie. Non, le consommateur ne paie pas pour autant le produit livré moins cher. C’est juste la marge financière du négoce qui croît en proportion.

Les déficits du chemin de fer devinrent abyssaux. Les départements fermèrent les uns après les autres leurs réseaux locaux. Des lignes n’auront été exploitées qu’une vingtaine d’années alors que certains départements s’étaient endettés pour plusieurs décennies pour les construire.

Mais la déroute atteignit aussi le réseau d’intérêt général et c’est tout autant parce que l’Etat devait compenser par des subventions le déficit d’exploitation qui se creusait qu’il procéda à la nationalisation en 1938 tout en se résolvant à des fermetures massives de gares et de lignes.

Il ne fallut que deux ans pour mesurer la mortelle myopie du libéralisme économique. C’était la guerre. Pour faire rouler des locomotives à vapeur, il faut de l’eau et du charbon. La France ne manquait ni de l’un, ni de l’autre. Elle avait des aciéries et pouvait produire des rails.

Les autocars et les camions, en revanche, nécessitaient du carburant qu’il fallait faire venir de l’étranger et il en allait de même pour les matières premières à partir desquelles on fabrique des pneumatiques. Pour cette raison, la guerre désorganisa profondément les transports. Certes, on essaya de rouvrir ce qui pouvait encore être rouvert de tout ce qu’on avait fermé de chemins de fer dans les années 30 mais beaucoup avait déjà été déferré.

Allait-on dorénavant devenir plus sages ? Non, deux ou trois ans après la libération, alors que le rôle irremplaçable du chemin de fer avait été patent dans l’approvisionnement, la survie économique du pays et la reconstruction, la faveur pour la route repartit de plus belle.

C’est surtout de 1967 à 1973 qu’il y eut à nouveau une vague de suppression massive de lignes ferroviaires au trafic voyageurs en France. Il est piquant qu’aucun des « grands experts » d’alors n’ait pris la mesure de la dépendance croissante de la France à des hydrocarbures venus de pays étrangers peu stables. La France se réveilla groggie de la guerre du Kippour.

Logiquement, tous les éléments étaient sur la table pour conclure qu’il valait mieux, en produisant en France de l’électricité à partir de centrales nucléaires, développer et électrifier le réseau ferroviaire et équiper les villes de réseaux tramways et de trolleybus.

Eh bien, nous le savons, c’est le contraire qui fut fait. Dans les années 80 et 90, on développa comme jamais auparavant le transport routier des marchandises au point que le trafic de frêt ferroviaire s’effondra complètement. Les grands triages furent bientôt à l’abandon, envahis d’herbe.

Et pourquoi donc ? Mais parce que le libéralisme économique n’a aucune autre visée que le profit immédiat. Il n’est pas structurant. Il est gaspillant. Il a retourné l’intégration européenne à son profit personnel. C’est si frappant quand on roule sur les autoroutes d’Europe. Jadis, on voyait beaucoup de camionneurs néerlandais. Maintenant, on ne voit presque plus que des tracteurs immatriculés en Lituanie, en Lettonie, en Roumanie ou en Bulgarie qui tirent des remorques immatriculées en Allemagne ou en France. L’Europe livrée au libéralisme économique sans frein, c’est l’enterrement des statuts de droit public dont jouissait le personnel des sociétés ferroviaires nationalisées en échange des salaires les plus bas possibles des camionneurs issus des Etats membres les plus pauvres de l’Union européenne.

Le libéralisme économique, livré à sa cupidité insatiable, amène nécessairement la paupérisation de la masse, mettant au chômage ceux qui vivaient un peu mieux et pressant jusqu’à la dernière goutte ceux qui survivent tout juste de leur travail.

Jésus disait qu’on reconnaît l’arbre à ses fruits. Une société livrée à Mammon, car c’est de cela dont il s’agit, ne porte pas de bons fruits.

Or, maintenant, la concentration des richesses entre quelques mains est devenue telle que ces ploutocrates en sont venus à planifier l’extinction massive de l’humanité (dépopulation par euthanasie et stérilisation vaccinales) pour la remplacer par des robots ou des humains robotisés complètement à leur merci. Leur délire de profit sans frein va jusque là. Les cauchemars de la littérature d’après-guerre deviennent des réalités sous nos yeux.

Mais tout cela, ayons en bien conscience, a commencé lorsque des Chrétiens qui, par ailleurs, affichaient une exigence de fidélité plus grande à la Parole, atténuèrent l’interdiction biblique du prêt à intérêt. Petite cause, grands effets ! Il faudra en prendre de la graine pour « le monde d’après ».

Pour terminer, ce qui est étrange, c’est la passivité du protestantisme évangélique au sens large vis-à-vis de cette perversion. Pourquoi en est-il ainsi ? Je crois que c’est parce que le protestantisme évangélique ne voit en Jésus qu’un sauveur personnel.

Certes, Il l’est. Mais Il n’est pas que cela. Il est aussi le sauveur de familles, le sauveur de cités, le sauveur de nations. Dans Actes 16:31, Paul et Silas ne dirent pas au geôlier « croyez au Seigneur toi et toute ta famille et vous serez sauvés ». La conversion du père a vocation à diffuser sur toute la famille. Jésus sauve des individus pour faire des familles de sauvés, des cités de sauvés, des régions de sauvés, des nations de sauvés pour un monde de sauvés. C’est pourquoi les alliances avec Dieu conclues au cours des siècles par les peuples au travers de leurs rois et de leurs nobles sont des engagements aussi sérieux et pérennes que ceux d’Israël, même s’ils ne sont pas de la même nature.

Tristement, cette perspective de salut à plusieurs étages semble s’être évanouie du protestantisme évangélique. La foi serait donc seulement quelque chose qui se vit dans son coin au niveau individuel ? Mais alors pourquoi donc Dieu qui, rappelons-le, est le même hier, aujourd’hui et toujours, prépare-t-il un jugement de nations ?

« Que me voulez-vous, Tyr et Sidon [Liban], Et vous tous, districts des Philistins? Voulez-vous tirer vengeance de moi? Si vous voulez vous venger, Je ferai bien vite retomber votre vengeance sur vos têtes. Vous avez pris mon argent mon or; Et ce que j’avais de plus précieux et de plus beau, Vous l’avez emporté dans vos temples. Vous avez vendu les enfants de Juda et de Jérusalem aux enfants de Javan [Grèce, l’ouest], Afin de les éloigner de leur territoire. Voici, je les ferai revenir du lieu où vous les avez vendus, Et je ferai retomber votre vengeance sur vos têtes. Je vendrai vos fils et vos filles aux enfants de Juda, Et ils les vendront aux Sabéens, nation lointaine; Car l’Eternel a parlé.Publiez ces choses parmi les nations! Préparez la guerre! Réveillez les héros! Qu’ils s’approchent, qu’ils montent, Tous les hommes de guerre! De vos hoyaux forgez des épées, Et de vos serpes des lances! Que le faible dise: Je suis fort! Hâtez-vous et venez, vous toutes, nations d’alentour, Et rassemblez-vous! Là, ô Eternel, fais descendre tes héros! Que les nations se réveillent, et qu’elles montent Vers la vallée de Josaphat [Dieu juge]! Car là je siégerai pour juger toutes les nations d’alentour. Saisissez la faucille, Car la moisson est mûre! Venez, foulez, Car le pressoir est plein, Les cuves regorgent! Car grande est leur méchanceté, C’est une multitude, une multitude, Dans la vallée du jugement; Car le jour de l’Eternel est proche, Dans la vallée du jugement » (Joël 3:4-14).

ANNEXE – Lettre de Calvin

Je n’ai point encore expérimenté, mais j’ai appris par les exemples des autres, combien il est périlleux de rendre réponse à la question de laquelle vous me demandez conseil, car si totalement nous défendons les usures nous étreignons les consciences d’un lien plus étroit que Dieu même. Si nous permettons, le moins du monde, plusieurs incontinent sous cette couverture, prennent une licence effrénée, dont ils ne peuvent porter que par aucune exception on leur limite quelque mesure. Si j’écrivais à vous seul, je ne craindrais point telle chose, car votre prudence et la modération de votre courage m’est bien connue, mais parce que vous demandez conseil pour un autre, je crains qu’en prenant un mot, il ne se permette quelque peu plus que je ne désire. Au reste, parce que je ne doute point que, selon la nature de l’homme et la chose présente, vous considérerez bien ce qui est expédient et combien je vous déclarerai ce qu’il me semble.

Premièrement, il n’y a point de témoignage dans les Écritures par lequel toute usure soit totalement condamnée, car la sentence de Christ, vulgairement estimée très manifeste, c’est à savoir «Prêtez » (Luc 6,35) a été faussement détournée en ce sens. Car ici, comme ailleurs, reprenant les convives somptueux et les conviements ambitieux des riches, il commande plutôt d’appeler les aveugles, les boiteux et autres pauvres des rues, qui ne peuvent rendre la pareille. Aussi, en ce lieu, voulant corriger la coutume vicieuse du monde de prêter argent, nous commande de prêter principalement à ceux desquels il n’y a point d’espoir de recouvrer . Or, nous avons de coutume de regarder premièrement là où l’argent se peut mettre sûrement. Mais plutôt il fallait aider les pauvres vers lesquels l’argent est en danger. Par ainsi, les paroles de Christ valent autant à dire comme s’il commandait de subvenir aux pauvres plutôt qu’aux riches.

Nous ne voyons donc pas encore que toute usure soit défendue. La Loi de Moïse (Deutéronome 23,19) est politique, laquelle ne nous astreint point plus outre que porte équité et la raison d’humanité.

Certes il serait bien à désirer que les usures fussent chassées de tout le monde, même que le nom en fût inconnu. Mais, parce que cela est impossible, il faut céder à l’utilité commune.

Nous avons des passages dans les Prophètes  et les Psaumes dans lesquels le saint Esprit se courrouce contre les usures: «Voilà une louange d’une ville méchante que dans les places de laquelle on y trouve l’usure» (Psaume 55,12). Mais le mot hébreu tost, vu que généralement il signifie fraude, il se peut autrement exposer. Mais prenons le cas que le Prophète parle là proprement des usures, ce n’est merveille si parmi les maux principaux, il met que l’usure a son cours. La raison est que, le plus souvent, avec le congé illicite de commettre usure, cruauté est conjointe et beaucoup de méchantes tromperies. Que dis-je? Mais usure a quasi toujours ces deux compagnes inséparables, à savoir cruauté tyrannique et l’art de tromper. Dont il advient qu’ailleurs le saint Esprit met entre les louanges de l’homme saint et craignant Dieu de s’être abstenu des usures, tellement que c’est un exemple bien rare de voir un homme de bien et ensemble usurier. Le Prophète Ézéchiel (22,12) passe encore plus outre, car entre les horribles cas contre lesquels la vengeance de Dieu provoquée avait été allumée contre les Juifs, use de ces deux mots hébraïques Nesec et Tarbit, c’est à dire usure, qui a été ainsi dite en hébreu parce qu’elle ronge; le second mot signifie accès ou addition ou surcroît et non sans cause, car chacun, étudiant à soi et à son profit particulier, prenait, ou plutôt ravissait, un gain de la perte d’autrui. combien qu’il n’y a point de doute que les prophètes n’aient parlé plus sévèrement des usures, pour autant que nommément elles étaient défendues aux Juifs. Quant donc ils se jetaient contre le mandement exprès de Dieu ils méritaient d’être plus durement repris.

Ici on fait une objection qu’aujourd’hui aussi les usures nous seront illicites par une même raison qu’elles étaient défendues aux Juifs, parce qu’entre nous, il y a conjonction fraternelle. À cela, je réponds qu’en la conjonction politique, il y a quelque différence, car la situation du lieu auquel Dieu avait colloqué les Juifs, et beaucoup d’autres circonstances, faisaient qu’ils trafiquaient  entre eux commodément sans usures. Notre conjonction n’a point de similitude. Par quoi, je ne reconnais pas encore que simplement elles  nous soient défendues, sinon en tant qu’elles sont contraires à équité ou à charité.

La raison de saint Ambroise, laquelle aussi prétend Chrysostome, est trop frivole à mon jugement, à savoir que l’argent n’engendre point l’argent. La mer, quoi? La terre, quoi? Je reçois pension du louage de maison, est-ce parce que l’argent y croît? Mais elles procèdent des champs, d’où l’argent se fait. La commodité aussi des maisons se peut racheter par pécune. Et quoi? L’argent n’est-il pas plus fructueux dans les marchandises, qu’aucunes possessions qu’on pourrait dire? Il sera loisible de louer une aire en imposant tribut, et il sera illicite de prendre quelque fruit de l’argent? Quoi? Quand on achète un champ, à savoir si l’argent n’engendre pas l’argent? Les marchands comment augmentent-ils leurs biens? Ils usent d’industrie, direz- vous. Certes, je confesse ce que les enfants voient, à savoir que si vous enfermez l’argent au coffre, il sera stérile. Et aussi nul n’emprunte de nous à cette condition: afin qu’il supprime l’argent oiseux et sans le faire profiter. Par quoi, le fruit n’est pas de l’argent, mais du revenu. Il faut donc conclure que telles subtilités de prime face émeuvent, mais si on les considère de plus près, elles s’évanouissent d’elles-mêmes, car elles n’ont rien de solide au-dedans. Je conclus maintenant qu’il faut juger des usures non point selon quelque certaine et particulière sentence de Dieu mais seulement selon la règle d’équité.

La chose sera plus claire par un exemple. Il y aura quelque riche homme en possessions et en revenus, il n’aura pas argent présent. Il y en aura un autre médiocrement riche en chevance, pour le moins aucunement plus bas, mais lequel aura plus d’argent tout prêt. S’il se présente quelque opportunité volontiers celui-ci achèterait une possession de son argent. Cependant celui-là, le premier, lui demandera avec grande requête qu’il lui prête argent. Il est en la puissance de celui-ci, sous titre d’achat, d’imposer pension à sa chevance, jusqu’à ce que l’argent lui soit rendu. Et, en cette manière, la condition serait meilleure; néanmoins il sera content d’usure. Pourquoi sera cette pache là juste et honnête, celle-ci fausse et méchante, car il fait plus aimablement avec son frère en accordant de l’usure, que s’il le contraignait à hypothéquer la pièce? Qu’est ceci autre chose sinon se jouer avec Dieu à la manière d’enfant, d’estimer des noms et non pas de vérité ; ce qui se fait, comme s’il était en notre puissance, en changeant le nom, de vertus faire vices ou de vices vertus ? Je n’ai pas ici délibéré de disputer. Il suffit de montrer la chose au doigt afin que vous la posiez plus diligemment en vous-même. Je voudrais néanmoins que vous eussiez toujours ceci en mémoire, à savoir que les choses et non pas les paroles, ni les manières de parler, sont ici appelées en jugement.

Maintenant, je viens aux exceptions, car il faut bien regarder – comme j’ai dit au commencement – de quelle cautèle il est besoin, car parce que quasi tous cherchent un petit mot, afin qu’ils se complaisent outre mesure, il convient user de telle préface, à savoir que quand je permets quelques usures, je ne les fais pourtant pas toutes licites. En après, je n’approuve pas si quelqu’un propose faire métier de faire gain d’usure.

En outre, je n’en concède rien, sinon en ajoutant certaines exceptions:

– La première est qu’on ne prenne usure du pauvre et que nul, totalement étant à l’étroit par indigence ou affligé de calamité, soit contraint.

– La seconde exception est que celui qui prête ne soit tellement intentif au gain, qu’il défaille aux offices nécessaires, ni aussi voulant mettre son argent sûrement, il ne déprise ses pauvres frères.

– La tierce exception est que rien n’intervienne qui n’accorde avec équité naturelle et, si on examine la chose selon la règle de Christ, à savoir «Ce que vous voulez que les hommes vous fassent, etc.», elle ne soit trouvée convenir partout.

– La quatrième exception est que celui qui emprunte fasse autant ou plus de gain de l’argent emprunté.

– En cinquième lieu, que nous n’estimions point selon la coutume vulgaire et reçue qui est « ce qui nous est licite » , ou que nous ne mesurions ce qui est droit et équitable par l’iniquité du monde, mais que nous prenions une règle de la Parole de Dieu.

– En sixième lieu, que nous ne regardions point seulement la commodité privée de celui avec qui nous avons affaire, mais aussi que nous considérions ce qui est expédient pour le public. Car il est tout évident que l’usure que le marchand paie est une pension publique. Il faut donc bien aviser que la pache soit aussi utile en commun, plutôt que nuisible.

– En septième lieu, qu’on n’excède la mesure que les lois publiques de la région ou du lieu concèdent. Combien que cela ne suffit pas toujours, car souvent elles permettent ce que elles ne pourraient corriger ou réprimer en défendant. Il faut donc préférer équité laquelle retranche ce qu’il sera de trop.

Mais tant s’en faut que je veuille valoir mon opinion vers vous, pour raison que je ne désire rien plus sinon que tous soient tant humains qu’il ne soit point besoin de rien dire de cette chose. J’ai brièvement compris ces choses plutôt par un désir de vous complaire que par une confiance de vous satisfaire. Mais selon votre bienveillance envers moi vous prendrez en bonne part ce mien office tel quel.

À Dieu homme très excellent et honoré ami. Dieu vous conserve avec votre famille.

Amen.»