Avez-vous vu passer l’interview de Maxime Amblard, ingénieur nucléaire chez Framatome, sur les réseaux sociaux ?

Si ce n’est pas le cas, je vous invite à prendre le temps de visionner cette vidéo que vous retrouverez ici. (1)

Comme elle dure une heure, il est possible que vous n’en ayez pas le temps. Je vous retranscris donc quelques éléments saillants de son intervention.

1/ Le marché de l’électricité est plus tendu depuis qu’il est soumis à la concurrence

Le marché électrique en France dépendait autrefois d’une seule entreprise qui gérait tout : la production, le transport, la distribution et la fourniture. C’était EDF.

Mais les Etats européens et les institutions de l’UE ont voulu que le secteur de l’énergie, en dépit de son caractère stratégique, soit soumis à la concurrence.

Désormais les activités liées à la l’électricité sont divisées.

EDF gère la production

RTE gère le transport.

Enedis gère la distribution.

La fourniture est répartie entre différents prestataires de service mais le plus important reste Enedis lié à EDF.

D’après Maxime Amblard, cette ouverture à la concurrence n’a pas amélioré la production ou la qualité du service.

En revanche, cela a plutôt déstructuré le secteur de l’électricité en France, qui jusque-là, fonctionnait très bien.

2/ Le prix de l’électricité en Europe dépend du gaz

Il y a une spécificité du marché européen de l’électricité.

Son prix est calculé en fonction du coût marginal de la dernière unité de production qui rentre sur le réseau.

Or les dernières unités de production rentrées sur le réseau sont les centrales au gaz. Leur coût marginal de production est assez élevé.

Ce coût marginal de production est le coût lié essentiellement au fonctionnement de la centrale.

Il est très faible pour les énergies renouvelables et le nucléaire mais est plus élevé pour le gaz, le fioul et le charbon dont le prix du combustible est élevé aujourd’hui.

Ainsi, le prix de l’électricité en Europe est lié au gaz. Si le prix du gaz s’envole, ce qui est le cas en ce moment, le prix de l’électricité en Europe décolle.

Pour la France, cet effet est très désavantageux parce que l’électricité n’y est pas produite grâce au gaz…

3/ La part d’électricité intermittente a augmenté

Les pouvoirs publics garantissent le tarif de rachat liés aux énergies renouvelables. Tous les investissements vont donc vers ce type de production électrique. Mais c’est un raisonnement à court terme.

Le problème est que l’éolien et le solaire sont des énergies intermittentes.

La part d’intermittent a donc augmenté, tandis que la part de pilotable (nucléaire, fossile, hydraulique) a été réduite avec la suppression des centrales nucléaires en Allemagne et en France.

Résultat, la gestion des flux d’électricité est moins simple et la capacité de réaction du réseau européen en cas de crise est plus faible.

4/ Le risque de pénurie cet hiver est réel

Le réseau électrique ne peut pas réellement réagir en quelques mois. Il faut du temps pour construire des centrales électriques.

Si l’hiver est rude et que la consommation est trop importante le soir autour de 19h, les réserves d’électricité seront utilisées.

Il existe trois réserves qui permettent de répondre à une situation d’urgence. On joue sur la fréquence et sur les contrats spéciaux de certains consommateurs. Ces derniers payent l’électricité moins cher mais ils sont coupés du réseau en cas de crise. Ils servent de variable d’ajustement.

Si cela ne suffit pas pendant, l’électricité risque d’être coupée selon un système de rotation.

On passerait d’une région à une autre : 4 heures par ci, 4 heures par là…

Ce risque est-il réel ? Selon Maxime Amblard, il était déjà là en 2021 alors qu’il n’y avait pas de problème avec le gaz. Il s’est donc renforcé.

Pour cet hiver, la France serait prête à vendre une partie de ses réserves de gaz aux Allemands pour que ces derniers produisent de l’électricité qu’ils vendraient à la France.

En effet, il y a peu de centrales au gaz en France alors que l’Allemagne en compte davantage.