à  Erbil   © Metula  News  Agency

MAV: Un grand sujet de prière, car l’enjeu est effectivement énorme. Lisez attentivement.

Je me trouve en cette semaine spéciale pour la nation kurde à  Erbil, la capitale du Kurdistan

(zones majoritairement kurdes)

appelé irakien jusqu’à  ce jour. Si j’ai trLes zones majoritairement kurdes (en clair).aversé la frontière du Rojava lundi et délaissé la zone des combats, c’était pour assister au référendum sur l’indépendance qui s’est déroulé hier et qui a vu une écrasante victoire du oui.

La consultation a eu lieu dans le calme, la fierté et la joie, mais sous les menaces pas même voilée des voisins irakiens, iraniens et particulièrement turcs. Erdogan menaçant de lancer ses troupes contre l’Etat pas encore né, en corrélation avec l’Armée irakienne, au prétexte que notre indépendance ferait courir des risques sécuritaires au sien.

Pour notre déplaisir, aucun pays du globe ne soutient notre émancipation nationale à  l’exception remarquable de l’Etat d’Israël.

Ce qui fait que l’amitié entre les peuples juif et kurde n’a jamais été aussi palpable qu’en ces jours où nous décidons de notre avenir de la manière la plus démocratique qui soit. J’ai compté  des dizaines de drapeaux israéliens  entre les mains de mes compatriotes.

C’est non seulement l’aboutissement d’une amitié indéfectible qui dure depuis des siècles, mais aussi, en ce qui nous concerne particulièrement, la reconnaissance de l’attitude de la Ména, qui a toujours donné la parole aux Kurdes, sans la retirer au Turcs, faisant de l’agence de presse de Métula le media public le mieux informé sur nos problèmes de toute la planète.

D’ailleurs, je peux vous confier que de nombreux responsables politiques et militaires se font traduire tous nos articles – pas uniquement ceux qui traitent des Kurdes -, et qu’ils les dévorent avidement. Dans les sphères gouvernementales d’Erbil, c’est un grand honneur d’être le correspondant de la Ména, car nous jouissons d’une solide renommée de compétence, d’honnêteté et de fiabilité.

Mais je tenterai de vous relater les péripéties du référendum à  un autre moment, car il se passe des évènements capitaux en Syrie, de Deïr ez-Zor à  la frontière iraquienne. Des faits de guerre et de stratégie qui vont influer sur tout le Moyen-Orient et peut-être même au-delà . Leur narration et leur analyse sont rendues urgentes parce personne d’autre ne s’en charge correctement, et que peu de civils n’en comprennent la portée.

Nous en étions restés à  cela que, depuis le 16 septembre dernier, la « Coalition globale », à  savoir, principalement, les Américains depuis les airs, et les Peshmerga kurdes au sol ont lancé l’opération « Tempête de Jazeera ». Ils sont soutenus par des commandos envoyés par des pays occidentaux, par des tribaux arabes de la région en guerre, et par des volontaires étrangers qui combattent dans les Forces Démocratiques Syriennes sous commandement kurde.

Cela fait plus de deux ans que nous relatons la participation, outre des Américains, de commandos britanniques, allemands et français dans les combats aux côtés des FDS, et que nous proposons des photos que nous prenons d’eux. La semaine dernière, un adjudant du treizième régiment de dragons parachutistes français a perdu la vie dans les combats  ; il a été pris sous un feu désespéré provenant d’une position encerclée de DAESH.

Depuis dimanche dernier, ce sont au moins une centaine de « gouvernementaux » et une quinzaine de soldats russes qui sont morts au combat face à  DAESH, principalement dans la zone du cercle bleu figurant sur la seconde carte et agrandi sur la troisième. Parmi les morts russes, le Général Valery Asapov, ce qui démontre à  la fois l’âpreté des engagements ainsi que l’importance stratégique de ce qui se déroule aux abords de Deïr ez Zor.

Le Général Valery Asapov aux côtés de Vladimir Poutine

Simplement résumé, les deux coalitions, disons l’américaine et la russe, poursuivent les mêmes objectifs  : s’approprier les exploitations de gaz naturel encore sous contrôle de DAESH (l’Etat Islamique), et surtout, obtenir la mainmise sur les routes stratégiques menant à  la frontière irakienne, également encore temporairement tenues par DAESH. [En vert sur les cartes].

Légende  :  en rouge les positions de la coalition russe

En jaune les positions de la coalition américaine

En noir les positions de DAESH-Etat Islamique

(Service cartographique   © Metula  News  Agency)

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Ces routes sont celles qui sont absolument nécessaires pour Téhéran à  l’établissement du fameux couloir terrestre chiite menant d’Iran au Liban. D’ailleurs, les soldats de l’Armée iranienne, ses supplétifs de la milice chiite libanaise du Hezbollah, ainsi que des milices chiites irakiennes participent massivement aux combats.

Pour le moment, à  part de petites escarmouches et des menaces verbales de la part des Russes, qui accusent par ailleurs les Américains d’avoir indirectement provoqué la mort du Général Asapov, les deux coalitions, distantes par endroits de quelques centaines de mètres l’une de l’autre, sur terre et dans les airs, ne s’affrontent pas.

Ce qui transforme cette étrange bataille en une course poursuite entre les deux coalitions afin de s’approprier le plus possible de positions stratégiques aux mains de DAESH en les attaquants lors de combats acharnés.

Sur la première et la deuxième carte, on s’aperçoit que les routes nécessaires à  la constitution de l’Autoroute chiite se trouvent au sud de l’Euphrate, dans une zone exclusivement dominée par la coalition russe et par DAESH.

Ces routes (« vertes ») se prolongent (hors des cartes) entre Mayadin et la frontière irakienne sur une distance d’environ 80km, entièrement dans le territoire encore aux mains de DAESH. Pour la coalition américano-kurde, il suffirait de s’emparer de quelques kilomètres de ces routes, n’importe où entre Deïr ez Zor et la frontière irakienne, d’y placer des check-post afin de vérifier le trafic, pour mettre un terme définitif au projet de corridor-autoroute chiite-iranien. Et c’est à  cela que la coalition occidentale s’emploie, même si elle n’a jamais officiellement défini cet objectif.

Il faudra certes traverser l’Euphrate quelque part en aval, mais elle ne se gênera pas de le faire, surtout après que la coalition russe l’ait traversé dans le sens sud-nord, entre les localités de al Jaffrah, Marrat, Khasham et al Amr [seconde carte].

Elle l’a fait dans une double intention  : 1. S’emparer des installations d’exploitation de gaz naturel de Conoco, et surtout, 2. S’établir sur une section de la route menant au nord de l’Euphrate de Deïr ez Zor à  Mayadin  [en gris sur la 2ème  carte et en brun sur la 3ème]; ce, pour empêcher les Américano-kurdes de déferler sur Mayadin et de traverser l’Euphrate plus au Sud-Est pour s’emparer des routes stratégiques « vertes », dans une zone où les Russes ne sont pas arrivés.

La coalition russe s’est fait devancer dans la course aux champs gaziers par les Forces Démocratiques Syriennes et Moscou enrage. Les FDS se sont en effet emparées ces derniers jours des exploitations de gaz naturel de Conoco et avoisinantes, les gisements les plus importants de Syrie, qui produisaient 13 millions de mètres cubes de gaz par jour avant la guerre, et revêtent ainsi un intérêt économique évident.

L’Armée russe (iraniens, gouvernementaux syriens, Hezbollah, milices chiites) a connu un peu plus de réussite dans sa traversée de l’Euphrate en prenant Khasham, obstruant de la sorte – ou, à  tout le moins, la rendant moins confortable – la progression de la coalition américano-kurde vers le Sud-Est.

En dépit des bombardements massifs des positions de DAESH par les aviations russe et américaine – 50 sorties de bombardement quotidiennes pour l’U.S. Air Force, davantage pour les Russes – la résistance des miliciens de l’Etat Islamique est farouche.

Ainsi, Khasham et al Amr ont changé plusieurs fois de mains durant les derniers jours, les Russes se faisant bousculer par des contre-offensives désespérées et rageuses des miliciens de DAESH occasionnant la perte de nombreux hommes.

Du côté de la coalition américano-kurde et de leur offensive Tempête de Jazeera, la situation est plus favorable, même si elle est encore éloignée des routes « vertes ». La phase décisive de l’opération sera déclenchée une fois que Raqqa [carte 1] aura été totalement libérée et que les forces qui y combattent pourront être versées à  l’assaut décisif. Aux dernières nouvelles, 90 pour cent de Raqqa sont contrôlés par les FDS, et les travaux de nettoyages vont encore durer deux semaines tout au plus.

En attendant, les FDS, soutenues par l’Aviation U.S. et les commandos occidentaux, consolident leur présence dans Deïr ez Zor, non pour la conquérir mais pour former un buttoir solide face à  l’autre coalition.

Sur la route « grise » ou « brune », les Kurdes et leurs alliés s’emploient à  contourner les zones occupées par les Russes en empruntant des pistes. Face à  Khasham, les fermes qu’ils ont conquises d’al Asbah et d’al Tabiah    [carte 3] ne se situent qu’à  quelques centaines de mètres des soldats de Poutine.

Depuis trois jours, on note aussi l’évolution la plus significative de Tempête de Jazeera  : la prise de la cité d’al Suwar dans la vallée de Khabour [1ère  carte] par les Américano-kurdes, à  mi-chemin entre al Fadghami qu’ils détiennent, et Mayadin, qu’ils convoitent.

Les combats face à  DAESH ont été ici aussi acharnés, à  grands renforts de bombardements aériens massifs, les deux camps comprenant parfaitement les intentions de la coalition américaine  : couper en deux la partie de la vallée de Khabour en mains islamistes [ce mercredi matin, c’est chose faite. Ndlr.], en privant la partie Nord d’approvisionnement, et en déferlant, le moment voulu, sur Mayadin, clé de l’accès aux routes « vertes ». Si la résistance de DAESH n’est pas trop forte, et si les moyens employés sont adéquats, on pourrait arriver à  Mayadin quelques semaines avant les Russes et transformer ainsi Tempête de Jazeera en succès complet.

De surcroît, le contrôle total de la vallée de Khabour procurerait aux Kurdes du Rojava et aux Occidentaux une barrière infranchissable par les Iraniens dans le nord de la Syrie.

Avant cela, en plus de la résistance de l’Etat Islamique, plus les positions de la coalition américaine se renforcent, plus le risque théorique grandit d’un affrontement avec les Russes. Bien qu’il prendrait un risque terrible à  affronter les Yankees, et qu’il s’en gardera au final, mais non sans avoir multiplié provocations et coups fourrés, Vladimir Poutine ne va pas se priver de mesurer la détermination de Donald Trump. Et vous pouvez compter sur lui pour exploiter la moindre faille, la plus petite hésitation.

Une précision encore  : rien ne dit que s’ils parviennent à  faire échec aux Américains en les empêchant de s’emparer d’une section significative (il ne faut pas que l’ennemi puisse la contourner) des routes « vertes », les Russes les livreraient automatiquement aux Iraniens.

Mais ils disposeraient d’un atout dans leur jeu face aux Occidentaux et pourraient, par exemple, autoriser les convois militaires iraniens au coup par coup, suivant leurs intérêts et pour faire pression sur les négociations déterminantes qui finiront par s’ouvrir, voire sur les Israéliens. C’est exactement la stratégie suivie par les russes en Syrie.

Il ne faut pas non plus oublier que le régime alaouite syrien ne dispose pas du personnel nécessaire en nombre suffisant pour reprendre le contrôle de l’entièreté du pays, et que les Iraniens et leurs supplétifs oui. Un paramètre à  prendre en considération lorsque l’on sait que le Tsarévitch n’a aucunement l’intention de maintenir une présence militaire ad aeternam dans la région.

Ceci dit, à  moins d’une défaillance politique ou d’une énorme surprise militaire, rien ne semble pouvoir empêcher la coalition occidentale de réaliser ses objectifs.

Cela procurerait à  Donald Trump une image de stratège vainqueur, aux Kurdes, la profondeur territoriale nécessaire pour songer à  rattacher le Rojava à  l’Etat kurde en gestation en Irak  ; au Liban, de ne pas devoir faire une croix définitive sur sa souveraineté, aux Etats arabes, à  juguler la progression de leur grand ennemi perse, et à  Israël, de ne pas voir se déployer les soldats iraniens en force sur ses frontières syrienne et libanaise.

Voici ce qui se joue pendant que j’écris cet article, dans deux vallées perdues du grand est syrien, dans l’indifférence, et surtout l’ignorance médiatique du reste de la planète, y compris des populations des pays concernés.

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