Depuis des siècles, on a abusé de certains passages du Nouveau Testament pour justifier la présence dans l’église de structures d’autorité hiérarchiques / positionnelles.

Ces abus ont fait subir de grandes pertes au Corps de Christ.

Comme nous l’avons montré dans le chapitre précédent, le Nouveau Testament met l’accent davantage sur les fonctions remplies, l’œuvre accomplie, que sur le poste ou le titre. Il n’y avait pas, dans l’église primitive, de « charges ecclésiastiques ».

La notion d’autorité hiérarchique/positionnelle provient en partie de ce que certains passages bibliques ont été mal traduits ou mal interprétés, à cause de l’influence des préjugés culturels. C’est ainsi que des mots simples ont été transformés en des titres ecclésiastiques élaborés, pour les faire correspondre à des positions existant dans l’église institutionnelle de l’époque.

Ces titres ne figurent pourtant pas dans les saintes écritures. Il est donc nécessaire de relire la Bible dans sa langue originelle pour comprendre certains textes. Ainsi, en observant le texte grec, on découvre que :

—> Les évêques sont simplement des gardiens (episkopoi), et non pas des haut-placés de l’église.

—> Les pasteurs sont des hommes qui prennent soin de l’assemblée (poimen), et non pas des enseignants professionnels.

—> Les diacres sont des serviteurs (diakonos), et non des membres de clergé. Les anciens sont de vieux hommes sages (presbuteros), et non détenteurs d’une charge ecclésiastique.

Heureusement, de plus en plus d’étudiants de la Bible découvrent que le Nouveau Testament ne parle jamais en termes de postes formels. Il s’agit toujours simplement de décrire diverses fonctions exercées dans l’Église.

Ce qui suit est une liste d’objections que l’on formule souvent envers l’idée que la direction de l’Église serait non-officielle, non-titulaire, non-hiérarchique. Chaque objection est suivie d’une réponse claire.

Objections basées sur les actes des apôtres et les épîtres de Paul

(1) N’est-il pas question, dans Actes 1:20, Philippiens 1:1 et 1 Timothée 3:1,10,13, de « charges ecclésiastiques »?

Il est vrai que dans de nombreuses traductions, ces passages semblent se référer à des postes ecclésiastiques formels. Mais dans le texte grec originel, il n’en est rien. Jamais le Nouveau Testament ne parle en termes de postes au sujet de l’église. C’est ainsi que dans la version Louis Segond, Philippiens 1:1 se traduit : »Paul et Timothée, serviteurs de Jésus-Christ, à tous les saints en Jésus-Christ qui sont à Philippes, aux évêques et aux diacres …« . Mais en grec, les mots traduits « évêques » et « diacres » sont episkopoi et diakonoi qui signifient « gardiens » et « serviteurs« .

Dans son sens initial, ce passage n’indique donc pas l’établissement par les apôtres de postes d’autorité ecclésiastique ; il décrit simplement les fonctions exercées par les différents membres de l’église à Philippes. Une meilleure traduction serait donc : « aux gardiens et aux serviteurs« , ce qui exclut toute idée d’autorité.

De même, 1 Timothée 3:1 est traduit, dans la version Louis Second : « Si quelqu’un aspire à la charge d’évêque, … ». Mais dans le grec, le mot « charge » n’apparaît pas, et au lieu du mot « évêque » on trouve, comme plus haut, episkopoi, c’est-à -dire « gardiens ». J.N Darby donne de ce passage une traduction plus exacte : « Si quelqu’un aspire à la surveillance ... ».

(2) Paul n’indique-t-il pas, par sa liste de qualifications dans 1 Timothée 3:1-7 et Tite 1:7-9, que la fonction d’ancien correspond à une « charge ecclésiastique »?

Il est important de noter que Timothée et Tite n’étaient pas des pasteurs, ni des anciens d’une église quelconque, mais des travailleurs apostoliques qui se déplaçaient régulièrement. Ils ne restaient que rarement au même endroit pendant une longue durée (par exemple, Paul envoya Tite en Crête, et Timothée à Éphèse pour fortifier ces églises, et régler certains problèmes récurrents). Puisque c’étaient des implanteurs d’églises itinérants, Paul ne les appelait jamais des pasteurs ni des anciens. Ces hommes faisaient partie du cercle apostolique de Paul — qui avait pour particularité de voyager beaucoup (Rom. 16:21; 1 Cor. 16:10;2 Cor. 8:23; 1 Thess. 1:1;2:6;3:2; 2 Tim. 2:15;4:10).

C’est dans cette optique qu’il faut comprendre ce qui est écrit dans 1 Timothée, 2 Timothée, et Tite. Cela explique que ces lettres soient si différentes des autres lettres de Paul, écrites à des églises. La métaphore du Corps est totalement absente. Les « frères » ne sont mentionnés qu’occasionnellement, et on y parle peu du ministère mutuel des croyants.

En même temps, ces lettres ne présentent rien non plus qui puisse ressembler à un début de catholicisme. L’Esprit de Dieu et ses dons y sont évoqués. Paul y fait comprendre que les dirigeants doivent être établis par leur vie exemplaire, et non sur la base d’un poste quelconque.

Ces textes énoncent donc les qualités essentielles d’un vrai gardien, et non les qualifications nécessaires pour remplir ce poste.

Et ces qualités sont, au fond, le caractère spirituel, et la fidélité. La droiture morale et la responsabilité. La sainteté et la stabilité. Les listes de Paul servaient donc à Tite et Timothée simplement pour reconnaître et confirmer les gardiens des églises où ils travaillaient (1 Tim 5:22;Tite 1:5).

De plus, dans le grec, ces textes ne dégagent pas un esprit d’officialité, mais de fonctions. Paul ne dit pas que la surveillance est un poste ecclésiastique ; il dit seulement que c’est une « œuvre excellente » (1 Tim. 3:1). Paul emploie aussi un langage fonctionnel lorsqu’il demande d’honorer les anciens qui « __dirigent bien » et « travaillent__ » à la prédication (1 Tim. 5:17).

Par conséquent, ce serait de la fantaisie que d’assimiler les fonctions de gardien et d’ancien évoqués dans ces textes aux charges ecclésiastiques modernes, comme celui du pasteur. Nous avons tendance à imposer aux textes bibliques nos préconçus culturels, puis à s’imaginer que la Bible les justifie réellement. À vouloir lire entre les lignes, on en vient à ajouter aux Écritures des choses qui n’y sont pas. Le fait est que dans les épîtres à Timothée et à Tite, Paul parle avant tout de fonctions et non de postes, tout comme dans ses autres lettres.

(3) 1 Corinthiens 12:28 dit : » »Et Dieu a établi dans l’Église premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs … » » Ce texte n’établit-il pas une hiérarchie de charges ecclésiastiques?

Cette question vient de ce qu’en lisant les Écritures, on cherche instinctivement à y déceler une hiérarchie humaine. Face à un passage comme 1 Corinthiens 12:28, où le Nouveau Testament présente une liste ordonnée, on ne peut donc s’empêcher d’envisager aussitôt une hiérarchie. Et pourtant, tandis que dans notre culture occidentale du vingtième siècle on aime raisonner en termes de schémas et de tableaux, la Bible ne parle jamais ainsi. Il est infondé que de supposer que chaque liste ordonnée dans les Écritures renfermerait une sorte de hiérarchie.

Ainsi, c’est à cause de nos préjugés culturels que nous voyons une hiérarchie dans la liste des dons que présente Paul dans 1 Corinthiens 12:28. La question des structures d’autorité n’est nulle part évoquée dans ce passage. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d’en tirer une hiérarchie quelconque de l’autorité, en interprétant isolément ce verset.

Une interprétation plus naturelle serait que l’ordre reflète une priorité logique et non hiérarchique. Autrement dit, l’ordre indique le degré d’utilité du don pour l’édification de l’église (cf. 1 Cor. 12:7,31;14:4,12,26). Cette interprétation s’harmonise bien avec le contexte immédiat dans lequel ce verset apparaît (1 Cor. 12-14).

Paul dit que pour la construction de l’église, le ministère des apôtre est le plus fondamental, dans la mesure où les apôtres donnent naissance à l’église, et la soutiennent pendant son développement prénatal. Les apôtres préparent la terre et sèment la semence de l’ekklesia (et cette semence, c’est Christ).

Comme les apôtres posent les fondement de l’église, ils sont classés premiers (chronologiquement) dans le travail de construction de l’église (Rom. 15:19-20;1 Cor. 3:10; Eph. 2:20). Il est intéressant de noter qu’alors que les apôtres sont premiers en ce qui concerne l’édification de l’église, ce sont les derniers aux yeux du monde — Math. 20:16;1 Cor.4:9!

Les prophètes figurent en seconde position sur la liste de Paul. Ceci indique qu’ils suivent immédiatement les apôtres dans leur utilité à la construction de l’église. La fonction du prophète a donné lieu à beaucoup de confusion (et d’abus). Disons rapidement que les prophètes donnent à l’église la vision, et l’encouragement spirituels. Comme les apôtres, les prophètes dévoilent le mystère du dessein de Dieu pour le présent et le futur (Actes 15:32; Eph. 3:4-5). Ils éliminent aussi les mauvaises herbes afin que l’église puisse se développer dans de bonnes conditions.

En troisième lieu viennent les docteurs (ou enseignants). Ceux-ci suivent les prophètes quant à l’utilité de leur don pour l’édification de l’église. Les enseignants fournissent à l’église des bases doctrinales solides. Ils instruisent vis-à -vis des voies de Dieu. Ils guident les saints dans les temps difficiles.

Pour continuer la métaphore, on pourrait dire que les enseignants arrosent la semence et fertilisent le sol pour que l’église puisse fleurir et porter des fruits. Pour ce qui est de la chronologie, on observera que l’enseignant ne construit les étages supérieurs de l’église qu’après que les apôtres en ont posé les fondements.

Cette interprétation de 1 Corinthiens 12:28 s’accorde bien mieux avec la mentalité de Paul que celle d’une structure hiérarchique, où les apôtres seraient supérieurs aux prophètes, et les prophètes supérieurs aux enseignants. Elle met aussi en avant un principe spirituel important, à savoir que l’absence d’autorité hiérarchique n’implique pas une répartition égalitaire des dons!

Certes, le Nouveau Testament affirme que tous sont doués de dons spirituels et ont un certain ministère, mais il démontre également que Dieu dispense Ses dons de manière variée (1 Cor. 12:4-6). Tous les dons sont utiles au Corps de Christ. Mais certains dons sont plus utiles que d’autres dans leurs sphères respectives (Math. 25:14-15;1 Cor. 12:22-24,31;14:5).

Cela ne signifie pas que ceux qui possèdent les plus grands dons seraient plus grands en autorité (ou en eux-mêmes) dans un sens formel. Mais Dieu a appelé chacun de nous à une œuvre différente. Et certains ont des dons plus grands pour des tâches différentes.

Par exemple, certains sont appelés à fonder des églises. D’autres à évangéliser localement. D’autres encore ont pour don de montrer de la miséricorde. Tous ont des dons et des responsabilités différentes. Certains sont appelés à porter une plus grande responsabilité que d’autres (Rom. 12:6; Eph 4:7).

Dans la sphère de ses dons, chaque membre est indispensable à l’édification de l’église de manière générale, même ceux dont le don, extérieurement, n’est pas impressionnant (1 Cor. 12:22-25). Par conséquent, chaque chrétien dans le Maison de Dieu est responsable de l’utilisation et de l’accroissement de ses dons. Et les Seigneur nous avertit de ne pas les cacher par crainte (Matt. 25:25).

En résumé, il est impensable que 1 Corinthiens 12:28 puisse indiquer une hiérarchie ecclésiastique quelconque. Le texte a en vue l’ordre chronologique de la construction de l’église. Il ne s’agit pas d’une échelle d’autorité que les chrétiens devraient grimper.

(4) N’est-il pas enseigné dans Actes 14:23 et Tite 1:5 que les anciens sont établis par les apôtres, et donc qu’ils détiennent une charge ecclésiastique?

La reconnaissance (ou désignation) apostolique des anciens est tout aussi compatible avec la mentalité fonctionnelle que l’interprétation positionnelle. Dans Tite 1:5, le mot grec traduit par « établir » est kathistemi. Ce mot signifie plutôt « affermir » que « mettre en place ».

Dans Actes 14:23, le mot grec employé, c’est kirotoneo. Il signifie « étendre la main« . Ces deux termes comportent l’idée de reconnaître ceux que d’autres ont déjà acceptés. C’est ainsi que ces mots sont employés en dehors du Nouveau Testament, dans la littérature grecque du premier siècle.

Ensuite, il n’y rien dans les Ecritures qui puisse faire penser que la reconnaissance apostolique conférerait l’autorité. Jamais Paul n’a investi certains d’autorité sur les autres membres de la communauté. C’est le Saint Esprit qui établit les conducteurs (Actes 20:28). Les anciens existent dans l’église avant qu’ils ne soient reconnus extérieurement.

La reconnaissance apostolique ne fait que rendre publique ce que l’Esprit a déjà accompli. L’imposition des mains est un symbole de communion, d’unité et d’affermissement. Il ne s’agit pas d’une grâce particulière, ni d’une transmission d’autorité. C’est donc une erreur grave que de confondre la reconnaissance biblique avec l’ordination ecclésiastique. L’imposition des mains ne permet pas aux spécialistes religieux de faire ce que ne peuvent faire les autres mortels.

La reconnaissance biblique n’est rien de plus que l’affermissement extérieur par l’église de ceux que l’Esprit a déjà chargés d’une tâche particulière. C’est un témoignage visible qui reconnaît publiquement ceux qui sont réellement appelés.

(Ceci est le CHAPITRE 2 du livre : LE CHRISTIANISME PAGANISÉ par Frank A.Viola – Editions Oasis)

À suivre.