DEPUIS DES DIZAINES D’ANNÉES MAINTENANT (SOIT, GROSSO MODO DEPUIS L’INDÉPENDANCE D’ISRAËL), DES RUMEURS CIRCULENT, AU SEIN DU MONDE ÉVANGÉLIQUE, SELON LESQUELLES, LES JUIFS S’APPRÊTENT À RECONSTRUIRE LE 3ÈME TEMPLE, ET QUE SA RECONSTRUCTION EST IMMINENTE.

Le fait que 70 ans se soient passés sans que cette « imminence » ne se soit matérialisée ne semble pas être un problème pour le public évangélique. C’est ainsi que, selon ces rumeurs, les pierres du temple seraient déjà taillées et stockées aux États-Unis, en attendant d’être embarquées à destination d’Israël pour la reconstruction du sanctuaire. On fait, notamment, grand cas d’une organisation appelée « Les fidèles du Temple « qui seraient les promoteurs de cette entreprise et qui auraient préparé tout ce qui est nécessaire à la concrétisation de cette entreprise. La reconstruction du 3ème Temple est un dogme incontournable pour beaucoup d’évangéliques adeptes de la théorie dispensationaliste. Un des éléments de cette théorie affirme que le Temple doit être reconstruit avant la parousie, à seule fin que l’antichrist s’y asseye, séduise Israël et se fasse adorer par lui comme Dieu.
Ce dogme est basé sur les prophéties de Daniel concernant la profanation du Temple par le roi grec Antiochus IV Epiphanès qui, à la demande d’une minorité de juifs apostats, membres du parti hellénisant qui prit le pouvoir à Jérusalem dans les années 60 du Ilème siècle avant notre ère, profana le Temple et établit une statue de lui-même dans le Lieu Très-Saint, sous forme de Zeus, interdisant toute forme de religion juive et imposant l’adoration des idoles de la part du peuple d’Israël. Cette « abomination » provoqua une révolte des « Hassidim », c’est à dire des fidèles à l’Éternel, connue sous le nom de « révolte des Macchabées » qui, après 3 ans et demi d’une lutte inégale chassèrent les grecs, purifièrent le Temple et rétablirent le culte divin.
Dans la Ilème épître aux Thessaloniciens, au chapitre 2, Paul semble faire allusion à ces événements, en invoquant l’impie, l’adversaire qui s’élève contre tout ce que l’on appelle Dieu et qui va s’asseoir jusque dans le Temple de Dieu et se faire lui-même adorer comme Dieu. Notons que cette parole de l’apôtre suit une tentative de profanation du Temple par l’empereur fou Caligula, qui avait médité de dresser une statue de lui-même dans le Temple de Jérusalem. Fort heureusement, il mourut avant de pouvoir réaliser son projet, mais pour les juifs, l’alerte avait été chaude…
Cet incident eut lieu quelques années avant que Paul n’écrive son épître et peut-être l’apôtre y pensait-il en écrivant ces versets.
Le dispensationalisme en conclut que ce qui s’est passé en 167 avant Jésus-Christ, se reproduira lors de la venue de l’antichrist, dont Antiochus Epiphane serait alors le type.
Il faut donc qu’un temple existe quand viendra l’antichrist et par conséquent, on attend avec impatience, dans ces milieux, « que les juifs reconstruisent le Temple », d’où l’intérêt que l’on prête aux « fidèles du Temple ».
La critique que l’on peut adresser à cette théorie est double : s’il est vrai que les prophéties de Daniel entrent dans la catégorie des « cycles prophétiques », cela ne veut pas dire forcément que les événements se reproduiront au détail près. Il faut plutôt y voir un schéma général. En ce qui concerne II Thess. 2, nous avons à faire à une prophétie obscure. Il est question d’un mystérieux personnage qui retient la manifestation de l’impie et d’un enseignement que Paul a diffusé oralement aux Thessaloniciens, mais qu’il ne répète pas, de sorte que nous en sommes réduits à des spéculations. En outre, à quoi Paul fait-il allusion quand, dans ce texte, il parle de « s’asseoir dans le Temple de Dieu..» ? De quel Temple s’agit-il ? Dans d’autres textes, Paul fait allusion à un Temple composé de « pierres vivantes » à l’instar de ce que que l’on rencontre à Qumran, où il est aussi question d’un « Temple spirituel..».

QUE DIT LA BIBLE AU SUJET DU TEMPLE ?

De très nombreux textes qui évoquent la destruction du Temple annoncent aussi sa reconstruction, dans le contexte du grand retour au pays de la Bible et dans la perspective du rétablissement du Royaume messianique. Il est donc indiscutable qu’il y aura bel et bien un Sème Temple, mais la question est : quand ?
Les prophètes annoncent que cet événement sera contemporain de profonds bouleversements dans la nature elle-même. Ainsi, Ésaïe 2 et Michée 4 déclarent : « La montagne du Temple s’élèvera au-dessus de toutes les montagnes environnantes. », ce qui laisse présager de profonds bouleversements géologiques. Selon Ézéchiel, Joël et Zacharie, une source sortira alors de cette montagne et coulera en direction de l’est, par une faille qui se sera produite d’ouest en est, à travers le Mont des Oliviers. C’est un phénomène géologique difficilement concevable, dans la mesure où les montagnes d’Israël sont orientées Nord-Sud. Or, depuis 1937, à la suite d’un petit tremblement de terre qui eut lieu à Jérusalem, une faille est apparue dans la montagne des oliviers, précisément d’ouest en est… En outre, il y aurait à très grande profondeur, dans toute cette région, une énorme masse d’eau souterraine. Selon les prophéties, ce fleuve se jettera dans la Mer Morte, qui sera purifiée et deviendra un lac poissonneux à l’instar de la mer de Galilée, tandis que, tout le long de son cours, le désert de Juda deviendra fertile. On le voit, on est encore loin de cette situation qui, selon les prophètes, ne sera réalisée que lors de l’avènement messianique. Le Temple reconstruit alors, deviendra un lieu de pèlerinage obligé, non seulement pour le peuple d’Israël mais pour toutes les nations qui, désarmées et pacifiées, se convertiront au Dieu d’Israël, en sorte que comme le dit le prophète : « Ma maison sera appelée une maison de prières pour tous les peuples » .

OÙ EN SOMMES NOUS AUJOURD’HUI ?

Le gouvernement d’Israël est un gouvernement laïc qui n’envisage absolument pas la reconstruction du Temple. En 1967, lors de la Guerre des 6 jours, le ministre de la défense, monsieur Moshé Dayan restitua aux arabes le Mont du Temple qui venait de tomber aux mains des troupes israéliennes. Par ce geste, il signifiait qu’il était hors de question pour Israël de reconstruire le Temple.
De ce fait, le Temple, aujourd’hui, jouit d’une sorte de statut d’extra-territorialité au sein de l’état d’Israël et constitue une sorte de « Vatican arabe » administré par le Wakf (conseil religieux musulman) qui d’ailleurs, interdit à tout « infidèle » de venir prier à cet endroit et même d’y introduire des livres saints non- musulmans… Toute remise en question de ce statu-quo provoquerait une explosion sans précédent dans l’ensemble du monde musulman. On l’a vu d’ailleurs en l’an 2000, lors de la visite du Général Ariel Sharon sur le Mont du Temple et qui provoqua « l’intifada des mosquées» et plus récemment, lors de l’établissement de portiques de sécurité à l’entrée de l’esplanade. Auparavant, l’ouverture du « tunnel hasmonéen » le long du mur ouest de l’esplanade avait provoqué un véritable bain de sang et un incident international. Pour toutes ces raisons, le gouvernement israélien s’oppose farouchement à toute tentative de reconstruction du Temple.

LES FIDÈLES DU TEMPLE

Il s’agit d’une organisation privée non officielle qui se propose essentiellement de préparer tout ce qui est nécessaire pour la reconstruction du Temple, lorsque l’heure viendra. Son porte-parole, Monsieur Jean-Marc Rosenfeld est formel : il est hors de question de reconstruire le Temple dans les conditions actuelles. Pour la majorité des rabbins, en effet, le Temple ne peut être reconstruit que par le Messie lui-même. C’est ce qu’affirme, notamment, le prophète Zacharie, qui déclare que Dieu fera approcher un homme du nom de Tsemah (la branche) et qui reconstruira le Temple de l’Éternel. La tradition juive voit dans cette expression un des noms du Messie. On en conclut donc que seul le Messie sera habilité à reconstruire le Temple. Le but des fidèles du Temple est de fournir au Messie tout ce qui lui sera nécessaire pour cette reconstruction du sanctuaire : les ustensiles, les vêtements des prêtres, les généalogies de ces derniers, l’huile d’onction et l’encens et même la vache rousse.
Jean-Marc Rosenfeld cite Maïmonide (célèbre rabbin du Moyen-âge), pour qui le Messie devra donner deux signes pour prouver qu’il est le Messie véritable. Israël a connu dans son histoire de nombreux faux messies. On n’en a crucifié aucun car ce n’est pas un crime de se proclamer le messie… Par contre, il faut le prouver et pour cela donner deux signes : ressusciter les morts (ce qui, il faut l’avouer n’est pas à la portée du premier venu…) et reconstruire le Temple. Il est vrai que quelques rabbins sont beaucoup plus expéditifs et envisageraient une reconstruction du Temple dans des délais plus brefs, mais il s’agit d’une petite minorité sans réelle influence et qui font beaucoup parler d’eux ; chaque année, lors des fêtes d’automne, ils effectuent une cérémonie qui consiste à poser la première pierre du nouveau Temple. Souvent, des échauffourées s’ensuivent, notamment avec les arabes, et la police intervient et disperse ces activistes. Il y a un certain nombre d’années, certains de ces extrémistes avaient même envisagé de faire sauter les mosquées pour faire place nette à la reconstruction du Temple !
On imagine sans peine ce qu’aurait été le résultat d’une telle profanation. Fort heureusement, les services de police israéliens eurent vent du complot avant l’irréparable et arrêtèrent leurs auteurs.
Pour Jean-Marc Rosenfeld, il existe une autre raison pour laquelle les hommes ne peuvent reconstruire le Temple :
c’est qu’il s’agit d’un lieu de paix, symbole de La paix.
Ainsi, David ne fut pas autorisé par Dieu à construire le Temple comme il le souhaitait parce qu’il avait été un homme de guerre et qu’il avait versé trop de sang. C’est son fils Salomon, dont le nom signifie le Pacifique, à qui est échu ce privilège. Le règne de Salomon fut un temps de paix, contrairement à celui de David.
Or, il est clair aujourd’hui qu’Israël n’est pas en paix ; ce ne peut donc être l’heure de la reconstruction du Temple.
Enfin, Jean-Marc Rosenfeld souligne que, dans ce nouveau Temple, contrairement aux deux premiers, il n’y aura pas de sacrifice sanglant. En effet, pendant le temps messianique, la nature pécheresse de l’homme aura disparu et par conséquent, les sacrifices d’expiation ne seront plus nécessaires.
D’autres rabbins, se basant sur les derniers chapitres d’Ézéchiel, sont d’un avis contraire et l’Institut du Temple fabrique des instruments en relation avec les sacrifices. Or, le Temple de la vision d’Ézéchiel est peut-être une vision idéalisée du 2ème Temple et non du 3ème. Beaucoup de détails de cette vision, en effet, ne sont pas réalisables concrètement. Il est donc difficile d’en tirer des conclusions certaines dans un sens ou dans un autre.
En résumé, même si le 3ème Temple doit être reconstruit un jour, c’est loin d’être pour l’heure la priorité de la majorité du peuple d’Israël.
Il faut donc cesser de fantasmer à ce sujet, à cause d’une théorie qui est loin d’être prouvée. Se polariser sur ce sujet encore environné de mystère risque de nous détourner de l’essentiel. Dans l’état présent des choses, nul ne peut prédire avec précision ce qui va se passer et comment les choses vont se passer.
L’évolution globale du monde devrait être un souci infiniment plus préoccupant et il ne faudrait pas passer à côté de l’essentiel. Jésus lui-même s’est refusé à toute spéculation sur ce genre de sujet, ramenant ses interlocuteurs qui lui posaient des questions trop précises sur ce qui, pour Lui, était le plus important :

« SOYEZ PRÊTS EN TOUT TEMPS, PUISQUE VOUS NE CONNAISSEZ NI LE JOUR NI L’HEURE !»

***************************************************************
Jean-Marc Thobois est issu d’une longue lignée de pasteurs huguenots du Poitou, en France.
Il a étudié la Bible à Londres, puis l’histoire d’Israël et l’archéologie biblique à l’Université hébraïque de Jérusalem (1965-1967).
Spécialiste de l’hébreu, il a participé à la traduction de la « Bible à la Colombe ». Il travaille actuellement sur une nouvelle traduction intégrale de la Bible.
Jean-Marc Thobois a été pasteur de 1967 à 2004, principalement en Bretagne. Depuis 2004, il exerce un ministère itinérant en France et à l’étranger, donnant des conférences, des séminaires et des enseignements sur la Bible, sur Israël et la prophétie.
Il est marié, père de trois enfants et grand-père de onze petits-enfants.

Le pasteur Jean-Marc Thobois est décédé dans la nuit du 13 au 14 mars 2020 au cours de la période où l’épidémie de Covid-19 s’est déclarée en France.

@tout le monde