C’est magnifique d’être là sans préparation. Qu’il n’y ait pas de malentendu : je veux dire « sans discours programmé à l’avance, » mais en m’étant préparé à fond dans le Seigneur. Il nous faudrait toujours demeurer en Lui, afin de pouvoir insister « à temps et à contre-temps.«  Ce matin je me sens tout particulièrement « en Lui, » saturé de l’Esprit de Dieu, en vue probablement de votre bénédiction plus que de la mienne, étant donné le poids de cette parole si grave que j’ai reçue.

En fait, elle est à la fois grave et joyeuse.  

Il s’agit d’un paradoxe de la foi, d’un festin dont seuls peuvent se régaler ceux qui sont mis à  part. Il peut arriver, en effet, qu’une parole soit tout à la fois lourde, exigeante, grave, solennelle et joyeuse. C’est bien le cas du sujet que le Saint-Esprit m’a mis à cœur ce matin: le martyre.

Un tel sujet n’a rien de théorique ni de scolaire. Il ne s’agit pas d’un thème qui suscite habituellement la curiosité, ni d’un phénomène historique concernant quelques rares individus au long des siècles. En réalité c’est l’expérience normative, l’expérience suprême de l’Eglise dans toutes les générations, et particulièrement la nôtre en ces temps de la fin. Cela ne doit pas nous donner froid dans le dos, ni nous faire gémir « mais pourquoi donc moi ? » C’est un sujet que nous devons aborder dans la joie, à cause du grand privilège qu’il confère: en effet, il nous obtient une couronne, nous évite de paraître tête nue devant le Seigneur.

Le Seigneur m’a mis à cœur un passage que je ne lis pas souvent, mais je crois qu’il veut que nous le lisions ensemble : les chapitres 6 et 7 du Livre des Actes, qui relatent l’histoire du premier martyr de l’Eglise primitive. Les choses qui étaient au commencement se retrouvent toujours à la fin. Ce principe, je pense, vous est familier.  Si vous voulez avoir un aperçu des constantes divines, il vous faut considérer ce qui a été donné au début, la manifestation originelle, première, et authentique. Ainsi on comprend mieux ce qui doit se manifester à la fin, et on fait abstraction de toutes les choses indécises et confuses de la période intermédiaire. Car ce qui se trouve au commencement est non seulement originel, mais encore pur et véridique.

Nous sommes dans un temps de restauration, et il m’apparaît que nous allons vers une collision, vers un glorieux sommet où l’on retrouvera toutes les caractéristiques de l’époque primitive. En fait, le martyre définit l’Eglise dans ce qu’elle a de plus essentiel, de plus pur. Il n’est pas du tout certain que nos propres vies se terminent par un martyre; en effet ce ne sont pas nos derniers instants qui constituent l’enjeu, mais tous nos instants. L’Eglise qui est en paix avec cette conclusion-là est une Eglise qui n’est pas simplement capable de bien mourir : elle est capable de vivre.

La véritable question est de savoir si nous sommes capables de vivre en martyrs, et pas seulement de connaître quelques instants héroïques avant de rendre l’âme.  

Comprenez-vous cela, mes amis ? Les derniers instants ne sont que la révélation de ce que furent tous nos instants, et il importe que tous nos instants aient un caractère prophétique et apostolique. Vivre ainsi, c’est vivre vraiment; ce témoignage-là est un témoignage véridique. Quand le Seigneur a dit: « Vous serez mes témoins, » Il ne parlait pas de distribuer des tracts ni d’attraper quelqu’un par le revers de la veste dans un autobus. Il voulait dire: « Vous serez ‘martyria’ « : vous serez mes martyrs. Le martyre est en effet le témoignage véridique, le témoignage suprême. Tout ce qui n’atteint pas au martyre est un témoignage incomplet, tronqué, au sujet de Celui qui est le Premier-né de Dieu, le premier et le véritable martyr de Dieu. Tout ce qui témoigne de Jésus est en rapport avec Son martyre; et les grands saints qui n’ont pas aimé leur vie au point de craindre la mort appartiennent à  cette lignée. Je vais jusqu’à croire que ce matin leur présence invisible nous entoure ici même, car ils ne sont pas au complet sans nous.

Si nous croyions cela, si nous le savions, si nous le sentions, combien nos cultes seraient différents!   Nous saurions que nous avançons dans une direction définie. Chaque enseignement, chaque étude biblique, chaque proclamation de la parole seraient une préparation à cette fin, à laquelle s’attachent des conséquences glorieuses, éternelles.

Qui fut donc le premier martyr du Nouveau Testament ? Un juif du nom d’Etienne. II servait aux tables. Il ne nous faut pas perdre de vue ce point, sinon nous risquerions de tenir les grands apôtres et les grands martyrs pour des surhommes, des héros, avec qui nous n’avons rien de commun; si c’était vrai, la question du martyre ne nous concernerait en rien. Mais il nous faut le savoir : c’étaient des personnes en chair et en os, semblables à nous en toutes choses. Ils étaient ordinaires en même temps qu’extraordinaires. Tel est le génie de la foi. Etienne, donc, servait aux tables. Lisons le chapitre 6 du Livre des Actes.

Mais d’abord, pourriez-vous, je vous prie, arrêter ce ventilateur et ce climatiseur, de manière à supporter un peu d’inconfort pendant ce message ? Il y a une sorte d’incompatibilité entre une réflexion sur le martyre, et le confort d’une pièce climatisée. Mieux vaut transpirer un peu; et… comment se fait-il que mon esprit pousse toujours un soupir de soulagement quand la technologie humaine est réduite au silence ?

Cette question est plus importante qu’il n’y paraît de prime abord. Nous avons déjà chèrement payé un confort qui est incompatible avec le noble thème du martyre. Il nous faut déclarer la guerre à la facilité, accueillir volontiers ce qui nous coûte un peu de peine, bien que le monde entier coure après le confort et ne manque pas d’énumérer toutes les raisons de ne pas renoncer à quoi que ce soit. Que dit-il, le proverbe, déjà ?  «  Parce qu’il manquait un clou, le cheval a perdu un fer ; parce qu’il manquait un fer, on a perdu le cheval ; parce qu’il manquait un cheval, on a perdu la bataille ; et en perdant la bataille, on a perdu la guerre ; et tout cela, à cause d’un clou. »

Comment nous comporterons-nous lors de l’épreuve suprême ? La question ne se tranchera pas au dernier moment. C’est maintenant que tout se joue, à propos d’un climatiseur, d’un hamburger de plus, d’une glace de plus. Cette indulgence envers notre sensualité, que le monde entier déclare légitime, n’est pas sans rapport avec la question de savoir si nous céderons ou si nous tiendrons quand viendront les tensions et les pressions de la dernière heure. Ce sont toutes nos heures, donc, qu’il faut replacer dans ce contexte; tous les éléments de notre vie présente il nous faut les voir comme la préparation de notre fin, sinon nous ne vivrons pas comme il se doit.

Il nous faut avoir cette perception apostolique qui permet de vivre l’instant présent sans perdre de vue les réalités de la foi dans leur ensemble : je veux parler des choses qui étaient au commencement et qui se perpétueront jusqu’à  la fin, sinon nous ne verrons pas comme il se doit.  

Ne pas avoir cette perception-là, c’est avoir une perception singulièrement rétrécie du présent, une perception conditionnée par les facteurs culturels et nationaux : c’est être prisonniers du temps, prisonniers de notre culture; et dans ce cas notre témoignage auprès des autres sera sans portée, car nous regarderons la vie sous le même angle qu’eux; notre angle de vision ne sera pas celui de l’éternité, car loin d’être établis dans les lieux célestes, nous serons installés sur le même plan que les autres, et nous aurons fait nôtres leurs valeurs. Seul notre vocabulaire nous différenciera d’eux, le nôtre, dans ce cas, étant religieux.

« Vous serez mes témoins, » a dit Jésus, et non « vous rendrez votre témoignage.«   Mes amis, c’est une façon d’être. Tout se joue sur la qualité de notre vie ; c’est là  ce qui détermine tout. Et nous autres Américains, que Dieu nous bénisse, nous sommes tellement axés sur le « faire. »

Le « faire », c’est facile. Être, voilà ce qui coûte.  

Si notre faire ne découle pas de notre être, il n’a rien d’apostolique. Il n’a pas non plus valeur de témoignage. Aujourd’hui je vous invite à  être des témoins, à  être des martyrs; et ce, dès aujourd’hui.

Dans le chapitre 6, au verset 1, nous apprenons que les disciples se multipliaient, et que les Grecs se mirent à murmurer contre les Juifs, car les veuves juives étaient favorisées dans la distribution des parts quotidiennes. Alors les douze réunirent l’ensemble des disciples et dirent :

II ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables; c’est pourquoi, frères, choisissez parmi vous sept hommes de qui l’on rende un bon témoignage, remplis de l’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cet emploi. Pour nous, nous persévérerons dans la prière et dans le service de la parole. Ce discours plut à toute la multitude. Ils élurent Etienne, homme plein de foi et d’Esprit Saint (Actes 6:2-5).

C’est ainsi que nous faisons la connaissance d’Etienne. Cela nous donne un aperçu poignant de la nature de cette première Eglise, Eglise apostolique, Eglise glorieuse: pour une tâche aussi ordinaire, aussi terre-à-terre que le service des tables, elle demandait « des hommes pleins du Saint Esprit et de sagesse.«    Vous savez, si nous avions parmi nous de tels hommes de nos jours, nous leur confierions les charges les plus élevées au service de Dieu et de l’Eglise; nous ne leur demanderions pas de faire le service des tables. Cependant, je crois que dans le Royaume de Dieu, rien n’est ordinaire ni terre-à-terre. Comprenez-vous cela ? Le sens de l’expression « terre-à -terre » est évident. Mais c’est précisément dans les situations ordinaires que se forme le caractère apostolique. Cela vous aurait-il plu de servir ces veuves grecques et juives, qui s’étaient mises à murmurer, entre qui il y avait des rivalités, une compétition qui infectait déjà l’Eglise primitive ? Si on n’avait pas réglé cette question, elle aurait fort bien pu affaiblir ou détruire cette communauté glorieuse.

Il n’en aurait pas fallu davantage, car un peu de levain fait lever toute la pâte. Les veuves non-juives se sentaient défavorisées, ayant l’impression que les juives étaient bien mieux traitées par cette Eglise juive.   Il y avait là une situation potentiellement explosive, avec différences raciales et problèmes ethniques à la clé. L’Eglise aurait pu être tuée dans l’œuf. On n’a pas de mal à  imaginer que l’ennemi était là, profitant de la moindre occasion pour semer la dissension et démolir l’Eglise. Voilà  pourquoi les apôtres, qui étaient eux-mêmes la sagesse du Seigneur, ont dit: « Choisissez parmi vous sept hommes, de qui l’on rende un bon témoignage, remplis de l’Esprit et de sagesse… »

En effet leur rôle ne se limitait pas à poser les plats sur les tables; les petites choses sont également de grandes choses : tout porte à conséquence. Un enjeu éternel s’attache à toutes choses, mais nous ne le voyons pas. Nous sommes anémiques, ramollis et complaisants, simplement parce que nous ne voyons pas la vie dans cette lumière d’éternité.

Nous ne voyons pas que nous sommes impliqués dans des réalités éternelles. Nous avons besoin que nos yeux s’ouvrent.  

Etienne était avant tout un homme aux yeux ouverts. A la fin du chapitre 7, nous apprenons qu’il voyait « les cieux ouverts » et Jésus debout à  la droite du Père. Il voyait ce qui est. Je crois qu’il n’a pas eu cette vision seulement au dernier moment, mais que constamment, il voyait.

Je suis tellement privilégié. Bien des fois je suis allé en Allemagne de l’Est, et je n’oublierai jamais une chrétienne que j’ai rencontrée là-bas. On pourrait dire qu’elle était une femme de pasteur ordinaire; dans une région bien connue pour ses traditions occultes et son histoire remplie de sorcellerie, il y avait donc cette femme. Chaque fois que je parlais avec elle, elle avait la main sur le cœur. Sa conversation était parsemée d’allusions à Dieu, au Seigneur, et tout en parlant, elle hochait la tête et levait les yeux. Elle ne me regardait jamais, mais levait constamment les yeux. Je me demande ce qu’elle voyait. Lorsque je levais les yeux, moi, je ne voyais rien d’autre qu’un plafond fendillé, du plâtre écaillé. Mais de toute évidence elle voyait quelque chose, bien plus haut, bien au-delà du plafond : quelque chose de grand. Cela affectait toute sa façon de voir.

Ecoutez-moi bien. Si vous recevez dans votre esprit les chapitres que nous lisons en ce moment, et si vous leur permettez d’imprégner votre vision, plus jamais vous ne pourrez vous satisfaire d’un peu de charismatisme dans votre existence. Nous avons traité le Saint-Esprit comme s’il était une denrée bon marché; nous L’avons utilisé pour améliorer l’ambiance de nos réunions, de nos dénominations défuntes.  

Frères et sœurs, la gloire du Saint Esprit a été donnée pour quelque chose de bien plus grand. Je me demande bien si nous avons reçu cet Esprit en plénitude : II est, justement, l’Esprit du martyre, l’Esprit éternel par Lequel Jésus en Personne a offert au Père Sa vie immaculée. Ce que nous avons reçu, c’est quelque chose d’autre, qui me fait souvent me demander s’il s’agit bien de l’Esprit de Dieu. C’est quelque chose qu’on obtient trop facilement, à trop bon compte, et les signes de sa présence ne montrent pas des vies transformées, des hommes qui dans l’Eglise primitive auraient eu le calibre qu’il fallait pour servir aux tables.

« Ils élurent Etienne, homme plein de foi et d’Esprit Saint. » Au verset 8, on a: « Etienne, plein de grâce et de puissance, opérait de grands prodiges et des signes parmi le peuple. » Quoique je sois chrétien depuis un quart de siècle, je voudrais prononcer ce mot, « plein, » comme pour la première fois. Remarquez combien de fois on emploie cet adjectif pour parler d’Etienne. C’est à cela, me semble-t-il, qu’il nous faut arriver.   Ne pas être plein, n’avoir reçu l’Esprit de Dieu qu’en partie, c’est en quelque sorte être disqualifié. Il faut la plénitude, ou rien; tout, ou rien. Là  où il y a cette plénitude, il y a communication de la vie de Dieu, manifestation de Sa puissance, de Son authenticité. Qu’est-ce que cela signifie ?Ce mot, « plein », savourez-le comme on savoure un vin, et ne vous hâtez pas trop de l’avaler. Goûtez-en la saveur âpre, piquante, puis laissez-le glisser au-dedans de vous, créer en vous le désir de la vie.  « Plein d’Esprit Saint. »   Comment se fait-il que nous ne soyons pas pleins ?   C’est que les esprits s’excluent réciproquement : il y a l’esprit du monde, et l’Esprit de Dieu.

Que de fois j’ai enjoint à de jeunes chrétiens de se faire couper les cheveux, de renoncer à cette petite mèche sur la nuque ! Ou encore de retirer cette sorte de bande qu’ils portent au poignet, et qu’on appelle « bracelet d’amitié », ou je ne sais quoi encore ; ou de renoncer à divers autres « ornements culturels » auxquels nous sommes tellement accoutumés qu’ils ne nous inspirent même plus un mouvement de recul.   Une sœur m’a même raconté qu’après avoir ôté une Etoile de David elle avait éprouvé une joie incroyable, une grande libération, un souffle du Saint Esprit. Pour ma part, je me garde bien de me mettre n’importe quoi autour du cou ou sur le corps.

Séparez-vous, dit le Seigneur. Ne touchez pas à  ce qui est impur, et moi, je vous accueillerai.   Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles (2 Co. 6:17-18).

Si nous ne sommes pas pleins du Saint Esprit, c’est qu’à des degrés divers nous sommes ouverts à  l’esprit de ce monde, qui s’est emparé de la place qui devrait revenir exclusivement à l’Esprit de Dieu.  Il nous faut nous examiner périodiquement pour savoir si nous sommes bien dans la foi. Ces choses ont été écrites pour notre instruction.  

Que Dieu nous garde de penser qu’Etienne était quelque surhomme extraordinaire, fait d’une étoffe héroïque dans laquelle vous et moi ne sommes pas taillés. Etienne était un homme de chair et d’os tout comme nous, mais c’était un homme sanctifié, un homme mis à  part. Il était plein de sagesse et d’Esprit Saint. Et s’il fallait un homme de cette trempe rien que pour servir aux tables au début de l’histoire de l’Eglise, que ne nous faut-il pas à la fin de son histoire, quand les puissances des ténèbres entreront en collision avec les puissances de lumière dans un ultime accès de fureur apocalyptique, où il est dit que la prostituée de Babylone sera ivre du sang des martyrs ?  

Et ceux qui auront été décapités à cause du Seigneur crieront,

« Jusqu’à quand, Seigneur, tarderas-Tu à nous faire justice ? »

Telle est l’image que l’Ecriture nous donne de la fin, aussi bien dans l’Apocalypse que dans cet ouvrage apocalyptique de l’Ancien Testament, le Livre de Daniel. A la fin, les saints seront vaincus. Dieu donne aux pouvoirs des ténèbres le droit de vaincre les saints. Je ne l’invente pas : c’est la Bible qui le dit.

Qu’est-ce que cela signifie, et pourquoi Dieu permettrait-il une chose pareille ? Nous ferions bien de nous poser la question, car les temps ne sont plus très loin où ces choses arriveront. Savez-vous ce que je dis à  l’Eglise dans le monde occidental, depuis des décennies ?

« Honte à nous ! L’absence de persécution est un scandale. »   

Honte à nous, car notre vie chrétienne est si timide, si mécanique, si anodine, que beaucoup d’entre nous pouvons être chrétiens pendant toute une vie, sans jamais rencontrer d’opposition, ni de scandale, ni d’opprobre, ni de persécution, ni de souffrance.

Or la nature même de la foi apostolique nous garantit une réaction de la part du monde. Si cela n’a pas été le cas jusqu’à  ce jour, cela ne plaide pas en notre faveur: c’est bien plutôt une honte. Nous vivons au-dessous de la norme apostolique, sinon nous aurions suscité cette réaction depuis longtemps.   C’est donc un privilège d’avoir rencontré en Allemagne de l’Est des femmes qui lèvent constamment les yeux vers le ciel.

Il y a exactement un an, j’ai eu également le privilège de me trouver au Zimbabwe en Afrique, pour prendre la parole pendant un culte d’actions de grâce en souvenir de seize chrétiens qui avaient été mis à mort, là, à coups de hache. Ces gens vous auraient tous surpassés, tant que vous êtes, par leur beauté, leur connaissance des langues, leur profession, tout leur savoir-faire et leurs qualifications. Le monde n’était pas digne d’eux. Il ne s’agissait pas d’anciens drogués dépenaillés, un peu déséquilibrés, qui se seraient tournés vers Jésus-Christ. C’étaient des gens qui auraient pu réussir, avoir de très belles situations; mais ils avaient choisi de renoncer à tout cela pour aller vivre dans un coin reculé de l’ancienne Rhodésie du Sud; c’était une région troublée, sortant de huit années de guerre civile. Un gouvernement noir avait été formé. La plupart des blancs s’étaient enfuis par peur de ce qui allait arriver. Les blancs qui étaient restés étaient des chrétiens pour la plupart. Ils restaient parce que le Saint-Esprit les y poussait; ils désiraient contribuer à l’avenir de cette nation, et voulaient bien se soumettre au gouvernement noir, au risque de perdre leurs terres, ou de perdre la vie, car la tribu qui avait perdu le pouvoir se répandait dans la campagne, essayant de renverser le gouvernement en place et s’attaquant aux agriculteurs blancs.

Ces chrétiens se sont établis dans cette région afin de fonder une communauté de la réconciliation. Ils n’étaient pas armés, ayant décidé de faire confiance à  Dieu pour leur vie et leur sécurité. Au bout de sept années dans cette région, ils avaient remarquablement bien réussi. Ils faisaient de la pisciculture et ils élevaient des volailles, ce qui relevait considérablement le niveau de vie de la région, qui avait connu une longue période de dépression économique. La réussite était à son comble, quand les événements survinrent inopinément. C’est toujours ainsi que cela arrive, au moment où l’on s’y attend le moins. La réaction qui est la nôtre, quand nous sommes ainsi pris au dépourvu, montre tout simplement la mesure de notre foi. Celle-ci ne se mesure pas à  nos « Amen!«  ni à  nos « Alléluia!« : ce qui compte, c’est ce que nous sommes, au moment ultime, au moment suprême. Tout est mis au jour à ce moment-là. Et nous, comment réagirons-nous quand nous serons pris au dépourvu, quand tout à coup notre vie même sera gravement menacée ? Voilà  ce qu’ont vécu les gens dont je vous parle. Ils n’ont pas été dignement mis à mort par un peloton d’exécution, mais tués à coup de trique et de hache, un à la fois. On les a emmenés, les poignets attachés avec du fil de fer barbelé en guise de menottes. On les a emmenés dans un bâtiment, et là , toute la nuit, on n’a entendu que les coups de hache. Pas un seul hurlement, pas le moindre cri ni le moindre gémissement. Aucun n’a supplié les meurtriers de lui laisser la vie sauve.

Une chose est certaine: c’est que les racistes fanatiques noirs qui les ont tués ont reçu un témoignage, le témoignage suprême. Quand il paraîtra devant Dieu, pas un seul d’entre eux ne pourra soutenir qu’il n’a jamais vu la gloire de Dieu dans le visage de ses saints.

J’ai donc eu le privilège de revenir sur ces lieux pour ce culte du souvenir. J’ai revu les bâtiments, à  présent calcinés, que j’avais visités bien des années auparavant, quand j’avais rendu visite à ces frères avec lesquels je correspondais. Cette question du martyre n’avait plus rien de théorique : j’avais correspondu avec ceux qui étaient morts ainsi; nos vies s’étaient touchées.

Quand j’ai appris ces événements, j’étais à  New York, prospectant pour le Seigneur, et craignant que mes propres frères juifs ne m’ôtent la vie dans ma ville natale, cette grande Babylone. J’ai dit au frère qui était à  mes côtés, quand la nouvelle nous est parvenue : « Le prochain récit ne viendra pas de si loin« . Ce n’est pas toujours derrière le rideau de fer ni en Afrique, ni dans des endroits réputés ténébreux que cela se passera.

Désormais on le verra arriver dans les rues d’Honolulu, de Manhattan, et de San Francisco, dans tous les lieux où ces immondes et féroces puissances de l’enfer ne peuvent supporter la gloire qui rayonne des enfants de Dieu sanctifiés.

J’ai été reçu à Johannesburg dans la demeure d’un riche médecin, dont l’épouse, une chrétienne, était parente des martyrs du Zimbabwe. Sept membres d’une de ces familles avaient été mis à mort le même jour ! Ce médecin, un inconverti, était l’un des leaders de la communauté juive. Il incarnait toutes les valeurs éthiques, tous les accomplissements que les juifs exaltent, mais il restait inconverti. Il m’a dit: « Ces gens m’agaçaient. Il y avait parmi eux un de mes meilleurs amis, qui avant sa conversion était un type épatant, drôle au possible. On allait au bar ensemble, on buvait un bon coup. Lui, c’était un don juan et un bon vivant. Mais après sa conversion il est devenu insupportable. Il n’arrêtait pas de me raconter son témoignage et de dire, en pointant l’index vers moi: « Tu as besoin d’être sauvé ! » Je n’arrivais pas à le supporter, et je regrettais notre amitié perdue. Mais vers la fin, Art, me dit-il, ces gens avaient changé.   Vers la fin, ils avaient le visage rayonnant. Ils ne me travaillaient plus comme au début, mais leur silence en disait bien plus long que leur attitude initiale au moment où ils me cassaient les pieds.« 

Quand il m’a dit qu’ils avaient le visage rayonnant, j’ai pensé au chapitre que nous lisions tout à l’heure: « Tous ceux qui siégeaient au sanhédrin fixaient les regards sur Etienne et virent son visage comme celui d’un ange » (Actes 6:15).

Vous voulez éviter le martyre? Conservez la même tête qu’aujourd’hui. Nous sommes bien gentils, mais pas rayonnants.

Si vous permettez à Dieu de vous donner un visage angélique, il ne se passera pas longtemps avant que nous ne rencontriez l’opposition et la persécution. Le monde est encore ennemi de Dieu; les ténèbres haïssent toujours la lumière et voudraient toujours l’éteindre. Ce matin, nous pouvons choisir jusqu’où nous voulons aller avec Dieu, et à quel point nous voulons réellement être remplis de Son Esprit. Savez-vous dans quel lieu la gloire de Dieu est présente et rayonne sur le visage des siens?

C’est dans l’Eglise. Mais pas dans une église où l’on se rend simplement pour occuper une chaise. Pas dans l’église composée d’individualistes qui condescendent, le dimanche, à s’asseoir les uns à côté des autres : dans l’église où le peuple est un. L’église dont les membres vont chaque jour de maison en maison pour y rompre le pain. L’église dont les membres reçoivent la Parole de Dieu, et où l’on se dit la vérité dans l’amour, où l’on s’exhorte réciproquement chaque jour tant qu’il est possible de dire « aujourd’hui »; l’église dont les membres s’admonestent et s’exhortent les uns les autres, avec sévérité s’il le faut. En effet dans ce monde souillé où la femme de Potiphar ne cesse de susurrer: « viens, couche avec moi ; tu vas voir comme c’est bon, » pas un seul d’entre nous ne peut tenir àlui tout seul, et rester debout devant Dieu, avec l’œil en bon état, demeurant pur et propre, s’il ne reçoit pas la force, l’encouragement, les exhortations, la prière et l’exemple que nous donne, au sein du Corps, un peuple uni dans une même pensée et avançant dans une même direction.

Suite.