Le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision, qui sans surprise, valide en grande partie le projet de loi instaurant le passe vaccinal – même sur le contrôle d’identité qui suscitait pourtant bon espoir chez de nombreux juristes.

La poursuite de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé venant cette fois tout contredire en bloc, le Conseil Constitutionnel n’hésite pas par la même occasion à se contredire lui-même sur ce qu’il justifiait encore quelques mois auparavant. L’âge, certainement.

 

Pour rappel, une soixantaine de députés de tous bords avaient saisi lundi 17 janvier le Conseil Constitutionnel pour un recours a priori (avant la promulgation de la loi) afin d’examiner la constitutionnalité de certains points du texte.

Les principes avancés par le Conseil Constitutionnel en août

 

La Décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, qui avait intronisé l’élargissement du passe sanitaire à notre quotidien, indiquait qu’une atteinte aux libertés fondamentales pouvait s’entendre à partir du moment où un objectif à valeur constitutionnelle était poursuivi (ici la protection de la santé). Il avait cependant posé certaines limites. Toutes ces atteintes devaient être limitées dans le temps et tant qu’il n’y avait pas de contrôle d’identité effectué auprès du détenteur d’un passe, il déclarait le dispositif proportionné.

Afin de justifier le recours au passe sanitaire d’un point de vue scientifique, il avait également scander très imprudemment quelques certitudes. Au regard des informations en sa possession il y a quelques mois, il estimait que les personnes vaccinées ou testées ne propageaient pas la maladie, et que d’ailleurs le virus ne se propageait pas entre personnes vaccinées. Aujourd’hui nous avons la preuve que cette affirmation n’a jamais été vraie.

Aussi, il n’y avait pas d’obligation vaccinale déguisée, puisque les personnes non vaccinées avaient la possibilité de se tester pour accéder aux lieux soumis à passe sanitaire.

Une obligation d’isolement de 10 jours, sous peine de sanctions pénales, pour les personnes positives avait été envisagée lors du projet de loi voté par l’Assemblée nationale le 25 juillet 2021. Sur ce point, le Conseil constitutionnel avait décidé de censurer la loi du Gouvernement, l’objectif poursuivi ne justifiant pas une telle atteinte.

 

 

Mais ça, c’était avant.

 

L’évolution rapide des principes chez « les Sages »

 

Le temps passe vite en période Covidienne, ce qui était vrai en août ne l’est plus vraiment en janvier. Dans sa décision d’aujourd’hui il n’est plus question d’avancer un autre motif que celui de la protection de la Santé.

Le parlement estime qu’en l’état des connaissances scientifiques dont il dispose (corroborées par les avis du comité de scientifiques du 24 décembre 2021 et du 13 janvier 2022) les personnes vaccinées présentent des risques de transmission et de développement d’une forme grave de la maladie bien plus faibles que les personnes non vaccinées.

Il n’appartient pas au Conseil Constitutionnel d’estimer si la stratégie mise en place par le gouvernement est la meilleure, mais elle justifie néanmoins que le passe vaccinal soit déployé pour des lieux à forte diffusion du virus, qui ne sont que des lieux de loisirs, finalement. L’atteinte aux libertés fondamentales reste ainsi proportionnée.

Même si le passe vaccinal peut être imposé dans les grandes surfaces, l’accès aux biens de première nécessité reste libre. Pour le train, il n’y a pas d’atteinte à la liberté d’aller et venir puisque le motif d’urgence peut être invoqué (sous réserve d’effectuer un test). Quant aux mineurs de plus de 16 ans, ils sont eux aussi vecteurs du virus, alors l’atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant doit être mise en balance avec la protection de la santé.

S’agissant du contrôle d’identité, il n’est pas suivi d’une sanction pénale ou administrative, la seule conséquence de ne pas présenter un document d’identité est de ne pas avoir accès à un lieu de loisir.

Et si les agents de services préfectoraux veulent connaitre des mesures de mises en quarantaine et d’isolement d’un citoyen, ce ne sont que des agents spécialement habilités et ce n’est pas grave si les obligations d’isolement avait été déclarées inconstitutionnelles quelques mois plus tôt.

Le recours au passe vaccinal est toujours limité dans le temps, c’est le Gouvernement qui le promet, alors tout va bien.

 

Par contre pour les meetings politiques, pas de passe obligatoire, on n’est pas chez les sauvages ici.

 

Même si cette décision est sans surprise (et sans appel) – les décisions du Conseil Constitutionnel s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et ne sont susceptibles d’aucun recours – nous vous rappelons qu’il peut encore être saisi par tout citoyen dans le cadre d’un éventuel litige d’ordre privé via une question prioritaire de constitutionnalité (sait-on jamais, un jour pas fait comme un autre). Pour l’heure, la chute des institutions de la Ve république n’en finit pas, faut-il s’en réjouir ?