« Ni par la puissance ni par la force, mais bien par mon esprit ! dit l’Eternel-Tsévaot» (Zacharie 4 : 6).

Au moment où les chefs d’Etat des plus grandes Nations du monde montent à Jérusalem afin d’y commémorer les soixante-quinze ans de la libération d’Auschwitz, lieu génocidaire, la puissance d’Israël, ressuscité de ses cendres, demeure un modèle de non-violence.

Un monde de violence

Dès le début de la Création, la Torah fait apparaître au grand jour la cruauté et le mal dont est capable l’Homme.

À partir du tout premier fratricide de l’Histoire humaine, les déviations morales et l’iniquité de Sodome, l’Humanité décline graduellement et semble, même après la génération corrompue de Noé, sombrer dans un total chaos sans retour possible.

Pourtant, le premier Patriarche d’Israël, Avraham, celui par lequel « toutes les Familles de la Terre seront bénies » (Genèse 12 : 3) enseigne la voie du Retour vers une normalisation des principes fondamentaux, faisant prévaloir le respect d’autrui, l’amour du prochain et le compromis.

Avraham s’avère disposé à renoncer aux meilleures terres d’Israël afin d’éviter toute forme de confrontation avec son propre neveu Lot (Genèse 13 : 8-9). Avraham est aussi le premier à conclure un accord de paix avec le roi Avimelekh. Ce dialogue avec autrui se fonde sur l’idée que la guerre ne connaît aucun vainqueur.

Il incombe à chacun d’entre nous d’éviter, à tout prix, que le sang de l’autre ne soit versé. À propos de Jacob, le petit-fils d’Avraham, la Torah écrit que « la crainte l’étreignit » (Genèse 32 : 8).

Jacob, sans cesse protégé par l’Eternel, aurait-il donc eu peur de rencontrer Esaü ? Or, Jacob, comme son grand-père Avraham, craignait d’être contraint à combattre son propre frère Esaü qui, quelque temps plus tôt, éprouvait à son encontre du ressentiment, si ce n’est même une virulente haine.

« Et il [Jacob] eut peur à l’idée d’être tué, et il a été angoissé à celle de devoir tuer » (Béréchith Raba 76 :2). De plus, la Torah ordonne d’appeler à la paix afin d’éviter qu’une guerre ne conduise à la mort inutile d’hommes, de femmes et d’enfants innocents : « Quand tu marcheras sur une ville pour l’attaquer, tu l’inviteras d’abord à la paix » (Deutéronome 20 : 10).

Ce principe de non-violence est si fondamental qu’il s’applique également aux arbres dont aucune guerre ne pourrait justifier sa destruction : « Si tu es arrêté longtemps au siège d’une ville que tu attaques pour t’en rendre maître, tu ne dois cependant pas en détruire les arbres en portant sur eux la cognée : ce sont eux qui te nourrissent, tu ne dois pas les abattre… ». (Deutéronome 20 : 19).

Israël, une Tradition de non-violence

La vision d’Israël est toute tournée vers le Shalom, la plénitude vers laquelle tout être doit tendre et, alors, pleinement s’épanouir. Le plus grand évènement de l’Histoire humaine qui inspira de nombreuses figures emblématiques comme le pasteur Martin Luther King, la Libération d’Egypte, se déroule sans même que les fils d’Israël ne versent le sang de leur ennemi.

C’est l’Eternel et Lui Seul qui frappe l’Egypte avec la dixième plaie fatale aux premiers-nés égyptiens (Exode 12 : 29). Puis, après la Traversée de la mer des Joncs et la noyade des troupes égyptiennes, l’on pourrait naturellement s’attendre de la part des Hébreux à une réaction de joie en voyant leurs ennemis neutralisés. Or, il n’en n’est rien.

La source biblique précise : « Alors Moïse et les enfants d’Israël chantèrent l’hymne suivant à l’Éternel. Ils dirent : « Chantons l’Éternel, il est souverainement grand ; coursier et cavalier, il les a lancés dans la mer. Il est ma force et ma gloire, l’Éternel ! Je lui dois mon salut. Voilà mon Seigneur, je lui rends hommage ; le Seigneur de mon père et je le glorifie. L’Éternel est le maître des batailles ; Éternel est son nom ! »  (Exode 15 : 1-3).

Israël rend gloire à la Providence divine mais ne se réjouit point de la mort de ses adversaires. Ainsi, à Pessah commémorant la Sortie d’Egypte, le peuple d’Israël réuni dans toutes les synagogues ne chante le Hallel complet[1] que le premier jour de la fête et non point les six autres jours.

Selon les Maîtres du Midrash, l’Eternel rabroue les anges qui entonnèrent un cantique de joie à l’annonce de la noyade de l’ennemi égyptien, et leur dit :  « Quoi ?! Les créatures, œuvre de Mes mains, se noient et vous osez chanter devant moi ?! » Traité Sanhedrin 39 : 2). La mort d’homme, même celle de notre ennemi, ne peut en aucune manière être une considérée comme une source de réjouissance car tout être a été créé à la ressemblance de l’Eternel :

« Lorsque ton ennemi tombe, ne te réjouis point ; s’il succombe, que ton cœur ne jubile pas ! » (Proverbes 24 : 17).

La puissance de la modération

Qui est donc le véritable vainqueur ? Commentant ce verset : « Qui résiste à la colère l’emporte sur le héros ; qui domine ses passions sur un preneur de villes ». (Proverbes 16 : 32), le Sage Ben Zoma en déduit : « Quel est le véritable héros ? celui qui contrôle ses passions » (Maximes des Pères 4 : 1).

N’est fort que celui qui détient la faculté de retenue, de maîtrise de soi et de modération intérieure. La racine du terme « héros » – G. B [V]. R. – signifie « surmonter, dominer ».

Deux grands personnages bibliques font preuve d’une grande modération et, en surmontant leur propre ego, n’éprouveront aucune tentation de vengeance à l’encontre de ceux-là mêmes qui auront fomenté le mal contre eux, leurs propres frères : Joseph et Moïse.

Joseph, humilié à maintes reprises par ses frères tentant de le faire disparaître, leur tient ces propos :

« Vous, vous aviez médité contre moi le mal : le Seigneur l’a transformé en bien, afin qu’il arrivât ce qui arrive aujourd’hui, qu’un peuple nombreux fût sauvé. Donc, soyez sans crainte : j’aurai soin de vous et de vos familles. Et il les rassura et il parla à leur cœur. » (Genèse 50 : 20-21).

Quant au Prophète Moïse, il conserve le silence après que sa sœur aînée Myriam eût médit à son encontre :

« Or, cet homme, Moïse, était fort humble, plus qu’aucun homme qui fût sur la terre » (Nombres 12 : 3).

Rashi explique : « [humble : Il était] Modeste et patient. » Joseph et Moïse, pleinement confiants en l’Eternel, appliquent à leur manière : « Tu ne te vengeras point ni ne garderas rancune aux enfants de ton peuple, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même : je suis l’Éternel. » (Lévitique 19 : 18).

Puissent tous les hommes suivre l’exemple de Moïse et de son beau-père, Jéthro, prêtre idolâtre en Midian:

« Moïse alla au-devant de son beau-père; il se prosterna, il l’embrassa et ils s’informèrent mutuellement de leur bien-être puis ils entrèrent dans la tente ». (Exode 18 : 7).

Rashi fait remarquer : « On ne sait pas qui s’est prosterné devant qui. » La source biblique se garde bien de nous le dire afin d’enseigner l’importance du respect mutuel s’enracinant sur le principe de non-violence. Moïse et Jéthro constituent à eux deux l’antithèse de la coercition religieuse et du rejet d’autrui en raison de son appartenance communautaire.

Lorsque les hommes et les femmes de notre Planète seront capables de se parler et de communiquer les uns avec les autres, au-delà de leurs différences respectives, alors, de cette non-violence ancrée dans les cœurs naîtra une nouvelle ère de bien-être et de confiance entre tous les êtres :

« Parlez loyalement l’un à l’autre, rendez des sentences de vérité et de paix dans vos portes ! Ne méditez dans votre cœur aucune méchanceté l’un contre l’autre, n’aimez pas le faux serment, car toutes ces choses, je les hais, dit l’Eternel. » (Zacharie 8 : 16-17).

Cet idéal de non-violence s’inscrit à même le symbole de l’Etat d’Israël, la Menorah à sept branches. Celle-ci s’inspire directement de la vision biblique de Zacharie qui, après la promulgation de l’Edit du roi perse Cyrus autorise les exilés de Babylone à revenir construire le Temple à Jérusalem :

« Ni par la puissance ni par la force, mais bien par mon esprit ! dit l’Eternel-Tsévaot » (Zacharie 4 : 6).

[1] Hallel complet (Louange complète) : Psaumes 113 à 118. Les autres jours, ces psaumes ne sont pas tous récités.