Gilles-William Goldnadel voit dans la dernière manifestation des Gilets jaunes, la prise de parole d’une France populaire trop longtemps méprisée par une gauche qui se contente de lui coller des étiquettes.

Les deux manifestations qui ont eu lieu à  Paris samedi en disent long sur l’état de la société française, y compris lorsqu’elles ne disent rien.

 

 

C’est ainsi que sans surprise, lors de la manifestation féministe ou plutôt néo- féministe menée par Caroline de Haas et ses amies, ou dans leurs pétitions, si on a bien glosé sur les femmes racisées, rien n’a été dit, malgré un communiqué louable de l’association Osez le féminisme qui semble enfin se réveiller, sur cet étrange acquittement par la Cour d’Assises de la Manche d’un jeune réfugié d’origine bangladaise coupable du viol d’une lycéenne de 15 ans à  Saint-Lô mais pourtant acquitté.

Au procès, son avocate avait invoqué des difficultés d’interprétation de son client qui « n’avait pas les codes culturels » pour prendre conscience qu’il imposait à  sa victime une relation par crainte ou par surprise. L’individu a par ailleurs été condamné à  deux ans de prison avec sursis pour l’agression sexuelle d’une autre fille mineure dans son logement au foyer des jeunes travailleurs de Saint-Lô.

Convenons que la justice est bonne fille pour certains qui agressent les filles.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle décision est prise en Europe, un tribunal allemand avait récemment cru devoir prendre un jugement pour des raisons similaires. On associera à  cette affaire l’agression homophobe dans le quartier du Luth à  Gennevilliers du militant Lyes Alouane. Comme le note le site de France Info: M. Alouane « a déjà  déposé une quinzaine de plaintes pour insultes et agression homophobe déplorant la « banalisation totale » de ce type de violence dans certains quartiers ». Citons le militant anti-homophobie: « j’étais à  une distribution de prospectus à  Gennevilliers avec deux autres militants et un journaliste. Une dizaine de jeunes sont arrivés: « casse-toi de là , sale pédé, sale tapette », ils ont enchaîné les insultes homophobes… Il m’a mis un coup sur le nez. Ensuite, il m’a mis par terre il m’a mis des coups avec les pieds et les poings ».

Madame De Haas, ordinairement prolixe, fait profil assez bas sur certaines raisons de l’augmentation des agressions homophobes que, par ailleurs, elles dénoncent à  hauts cris. Il est vrai que celle-ci préconisait l’élargissement des trottoirs du quartier de la Chapelle pour éviter les agressions des femmes. Bref, il n’y a de mâle violence hétérosexuelle que blanche.

Pour en revenir à  l’étrange attitude judiciaire à  l’égard de l’altérité, la décision de la Cour de la Manche n’est pas sans rappeler la prise de position de la Cour Européenne des Droits de l’Homme à  l’égard du blasphème. Ainsi dans un arrêt récent (Sabaditsch-Wolf)) la Cour de Strasbourg considère que la portée de l’article 10 (de la liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme doit dorénavant être limitée afin, littéralement, de préserver la « paix religieuse ».

Dans ce cadre précautionneux, il ressort que cette décision admet l’interdiction de l’allégation du caractère pédophile du comportement de Mahomet ayant connu bibliquement une fillette de neuf ans, épousée à  l’âge de six ans afin de calmer la colère islamiste, en l’espèce en Autriche, et qu’avait apaisée un juge autrichien par la condamnation du blasphémateur. Bref, il n’y a de blasphème autorisé qu’à  l’égard des religions qui ne condamnent pas à  mort les blasphémateurs et les apostats.

L’autre manifestation parisienne, autrement plus nombreuse et plus hétéroclite, confirme ma sympathie pour le mouvement jaune canari et mes réserves pour ses débordements telles que je les exprimais fermement dans ma dernière chronique.

Mais l’essentiel est ailleurs. Il se confirme en définitive que le « beauf » se rebiffe. Et que la gauche mondaine, continuant de le snober, achève définitivement de se déconsidérer.

Dans mon dernier livre,  »  Névroses médiatiques   » *, je dis d’où vient le « beauf ». J’explique, preuves historiques et sémantiques à  l’appui, qu’il est le fils du b.o.f, ce marchand pétainiste en beurre, œufs et fromage immortalisé de manière savoureuse par Jean Dutourd. Mais 68 est passé par là , et l’exception du bof est devenue la règle du beauf qui a transformé l’ensemble des Français blancs franchouillards en racistes impénitents. Le principal succès de la gauche médiatique aura été de persuader les fils de l’immigration que Dupont était con et raciste comme la joie.

Mais à  force d’être insulté et rançonné, le beauf s’est rebiffé. Il est redescendu samedi dans la rue.

La majorité silencieuse est devenue sonore. La périphérie s’est placée au centre.

Il s’est passé quelque chose de nouveau: ceux qui se sentent insultés d’abord dans leur identité culturelle comme ceux qui se sentent d’abord insultés dans leur dignité sociale se sont rassemblés et sont en train d’échanger leur sensibilité sous le même drapeau.

Et on verra que l’immigration illégale et massive, vécue à  la fois comme une atteinte à  la dignité culturelle et sociale, sur laquelle ce gouvernement voudrait diviser les Français en deux camps, deviendra un sujet national rassembleur.

Car le « beauf » qui se rebiffe se moque bien à  présent d’être insulté. Le centre-gauche mondain peut bien le traiter de lépreux, de fâcheux, de fasciste ou de poêle à  frire, qu’il a pris le parti d’en rire.

La grosse ficelle antinazie est usée jusqu’à  la trame.

Dans la droite ligne très gauche de son maître président, qui veut toujours séparer le bon grain progressiste de l’ivraie nationaliste, Monsieur Castaner s’est perdu.

Il aura fait le plus mauvais choix tactique et stratégique et aura commis, ce faisant, un manquement à  l’éthique. Il aurait pu, il aurait dû se présenter comme le ministre du respect de l’État de droit contre les casseurs et les perturbateurs et j’aurais entièrement approuvé son choix car la foule encolérée n’est jamais longtemps ni raisonnable ni raisonnée.

Au lieu de cela, il a voulu agiter l’épouvantail de l’extrême droite, alors que tout porte à  croire, mais peu importe, que l’inadmissible violence émanait des Black Blocks.

Au lieu de faire de la politique et convaincre rationnellement, il a préféré jouer avec de vieilles cartes au café des fantasmes et il a tout gâché.

Monsieur Macron se trompe s’il pense que le comité Théodule sur l’écologie qu’il envisagerait de créer serait de nature à  lui faire regagner la sympathie perdue par son manque de compréhension du peuple français.

Il avait l’intelligence, il avait le charme. Il lui manquait profondément l’essentiel: l’amour charnel pour la France profonde.

Le « beauf » s’est rebiffé. Il ne fallait pas l’insulter, il fallait le réhabiliter et l’aimer.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro Vox.