Je me suis rendu voici peu à  Paris où je n’étais pas allé depuis seize mois, et ce que j’ai vu m’a serré la gorge et donné les larmes aux yeux.

Ce n’était pas très différent de ce que j’avais quitté quand je suis parti, mais c’était pire.

 

 

L’aéroport de Roissy est de plus en plus mal entretenu et ressemble à  l’aéroport d’un pays du tiers-monde: encore que je connais des aéroports du tiers monde qui ont meilleure allure. A la sortie, j’ai retrouvé l’asphyxie de la circulation que je ne connais que trop bien, en plus grave. J’ai songé une fois de plus que dans un pays censé être une démocratie, le gouvernement devrait veiller à  ce que les habitants puissent quêter librement le bonheur, et je me suis dit à  nouveau que la France est un pays où, comme en Union Soviétique autrefois, le gouvernement cherche plutôt à  créer le malheur, le souci, l’oppression.

J’ai songé un instant à  louer une voiture, mais j’ai renoncé: je ne pouvais ignorer que je serais confronté sans cesse à  des embouteillages délibérément fabriqués. J’ai regardé ceux qui m’entouraient, et j’ai vu de la tristesse sur nombre de visages, de l’irritation, et de l’énervement dans les gestes. Je n’ai pas été surpris, hélas.

 

J’aurais pu prendre le métro (je l’ai fait quelquefois ensuite), mais je savais que voici peu, deux hommes avaient été poignardés par un autre homme qui criait Allahou Akbar, mais qui, bien sûr, était juste un « malade mental ». J’ai donc pris un taxi. Je savais que je n’échapperais pas aux embouteillages, mais je n’aurais au moins pas à  me garer.

Je savais que j’allais payer assez cher, malgré la baisse des prix résultant de la concurrence créée par Uber. Je savais que ce n’était pas la faute du chauffeur. Je n’ignore pas depuis longtemps que tout ce qui doit être versé à  l’Etat augmente tous les prix, et que dès lors, si les prélèvements obligatoires en France s’élèvent à  cinquante-sept pour cent, quiconque gagne correctement sa vie en France verse, si l’on ajoute impôts et taxes multiples, bien davantage.

Je n’ignore pas non plus que cela accroît la pauvreté, et que le nombre de pauvres en France ne cesse d’augmenter. J’ai pu le constater jusqu’à  l’obscénité: la pauvreté n’est pas visible partout, mais elle est désormais flagrante dès qu’on quitte les beaux quartiers et le centre-ville.

J’ai pu voir le long de l’autoroute, alentour de la porte de La Chapelle, au bord du boulevard périphérique de véritables bidonvilles faits de tôle et de planches bâtis par les migrants que la police est parfois chargée de déplacer, mais qui reviennent inlassablement.

J’ai constaté que l’islamisation est plus flagrante que jamais: les femmes portant le voile sont plus nombreuses, les hommes en djellaba aussi.

Je n’étais pas à  Paris lors de récentes manifestations, mais ce que j’ai vu en photo des manifestations m’a semblé pathétique. Comment peut-il y avoir encore des adhérents à  la CGT (et à  tout autre syndicat français d’ailleurs)? Je sais depuis des années que des casseurs utilisent les manifestations pour commettre des actes de vandalisme, et j’ai pu observer le long du parcours traditionnel République-Bastille, des magasins et des banques dont la façade était couverte de plaques de bois en attendant que vienne le vitrier.

J’ai entendu à  nouveau en direct et non depuis la distance les « informations » à  la radio, et j’ai pu constater une fois de plus que les « informations » en France ont elles-mêmes une dimension soviétique. Je me suis souvenu une fois de plus de ce que me disait un dissident qui avait pu quitter Moscou, il y a une trentaine d’années, et qui, comprenant le français, m’avait dit que la population russe avait plus de chance que la population française: en Union Soviétique, m’avait-il expliqué, il y avait une seule Pravda, et ceux qui la lisaient ou qui écoutaient son équivalent radiophonique savaient que rien de ce qui était écrit ou dit n’était vrai. En France, avait-il ajouté, il y a plusieurs Pravda, et nombre de gens pensent qu’elles disent la vérité.


Je vis désormais dans un pays qui n’est pas parfait, mais où il reste tout un ensemble de libertés qui ont disparu en France. J’aimerais regretter d’être parti. Je ne regrette pas.

Je suis juste révolté en constatant ce que devient la France.

J’aimerais qu’une immense colère s’empare de la population française et vienne dissiper ce que je perçois comme un immense assassinat.

J’ai perçu lors des conférences que j’ai données que la colère existe, mais qu’elle est, hélas, accompagnée d’un sentiment pleinement justifié d’impuissance.

Cette impuissance renforce la révolte qui m’habite.

Bien que revenir à  Paris me donnera encore sans aucun doute les larmes aux yeux, je reviendrai, par fraternité envers ceux qui viennent m’écouter et qui me lisent, et pour leur donner des informations, des vraies, celles que les Pravda françaises ne donnent pas.

 

© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.