« S’il est chose plus effroyable qu’une science sans conscience, c’est assurément une science qui assume sans complexe le fait que sa conscience soit pervertie ».

TRIBUNE – Lorsque j’étais enfant, la recherche scientifique, telle qu’on me la présentait, avait pour objectif majeur de trouver des solutions à des problèmes humains cruciaux, en s’attaquant à leur cause.

Aujourd’hui, il semblerait que l’élite scientifique, dans sa vaste majorité, ne s’intéresse plus vraiment aux causes. Pour preuve, cet étonnant article publié le 10 septembre dernier par le Dr Peter J. Hotez dans le magazine Trends in Pharmacological Sciences, intitulé « Malnutrition vaccines for an imminent global food catastrophe » (Face à une catastrophe alimentaire mondiale imminente : des vaccins contre la malnutrition).

Des vaccins contre la malnutrition, donc. Des vaccins pour lutter contre ce que l’auteur considère comme une pandémie de famine quasi inéluctable. L’article commence ainsi :

« Outre le changement climatique, les événements géopolitiques en Ukraine et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement dues à la pandémie de COVID-19 pourraient provoquer des pénuries alimentaires mondiales, voire des famines de masse. Parmi les nouvelles interventions prometteuses, citons les vaccins destinés à prévenir les causes infectieuses de la malnutrition ou les infections causant de manière disproportionnée la mort des personnes mal nourries. »*.

Le Dr Hotez développe son argumentaire en précisant que « certaines infections humaines, notamment les infections chroniques, [qui] peuvent provoquer une carence en micronutriments, une dénutrition ou, dans certains cas, les deux formes de malnutrition. »

Et le chercheur d’énumérer les pathogènes et maladies coupables de tant de malheurs, puis de proposer sa vision d’un monde meilleur : des populations entièrement vaccinées et revaccinées contre des infections qu’il semble considérer comme la cause première de leurs carences alimentaires. En tête de peloton : l’ankylostomose, objet favori de ses recherches depuis le tout début de sa carrière; puis la schistosomiase, la malaria, les shigelles et enfin, la tuberculose.

Pour le Dr Hotez, « ces vaccins pourraient être priorisés, tout comme les décideurs mondiaux ont accéléré les vaccins COVID-19 à partir de 2020. Ces actions seraient en accord avec les engagements de la Décennie d’action des Nations unies pour la nutrition lancée en 2016 (et qui s’étend jusqu’en 2025) pour renforcer les systèmes sanitaires et alimentaires nationaux autour des besoins et des urgences nutritionnels. »*

Comme nombre de ses collègues adeptes de ce que j’appellerai la « science unique », celle qui ne supporte pas la réflexion critique et s’établit en seule détentrice d’une vérité indiscutable, le Dr Hotez raisonne potentiellement juste, mais sur des bases assurément fausses. Le hiatus proviendrait-il d’une représentation trop simpliste du cycle des causes et des effets ?

Le site de VOICE (the Value Of Immunization Compendium Evidence), ardent avocat de la cause de la vaccination de masse perpétuelle, présente le cycle de la sous-nutrition d’une façon intéressante. Voici ma traduction du diagramme que propose VOICE pour expliquer pourquoi il faut vacciner les personnes sous-alimentées :

 

Comme vous le voyez, ce diagramme représente un cercle vicieux sans début ni fin, qui ne présente en aucun cas la malnutrition comme étant la cause majeure de la sous-nutrition, de laquelle découlent toutes les autres conséquences.

Mais un article du journal Frontiers in Immunology nous propose un diagramme tout différent pour expliquer le lien entre malnutrition et maladies infectieuses, que je résume ici très succinctement (voir le diagramme complet en anglais) :

La phrase d’introduction de cet article (Mechanisms of Kwashiorkor-Associated Immune Suppression: Insights From Human, Mouse, and Pig Studies) montre que pour ses auteurs, la malnutrition est bel et bien la cause première, la prémisse fondamentale, dont découle le cercle vicieux évolutif décrit par VOICE :  « La malnutrition désigne un apport insuffisant en énergie et/ou en nutriments. La malnutrition présente une relation bidirectionnelle avec les infections, par laquelle la malnutrition augmente le risque d’infections qui aggravent encore la malnutrition. »*

Nous sommes donc en présence de deux courants distincts parmi les chercheurs : une minorité d’entre eux utilise son sens commun et tente de considérer l’ensemble des causes d’un problème pour en déterminer l’origine véritable, tandis que certains membres de l’élite scientifique choisissent le facteur qui leur convient et le présente comme étant la cause première du problème en question, facilitant ainsi l’acceptation par leurs pairs des solutions technologiques qu’ils proposent.

Et, lorsqu’on néglige de s’intéresser à la cause première d’une situation dramatique, il devient facile de s’attacher à rechercher des solutions purement cosmétiques, qui permettent de masquer la dimension réelle du problème sans avoir à tenter de le résoudre.

L’exemple du Dr Hotez à cet égard me paraît frappant : il fait tout simplement abstraction du fait que la sous-nutrition est causée par la misère des populations (misère elle-même causée par des facteurs économiques, politiques et moraux sur lesquels nous ne nous appesantirons pas), et se concentre sur la recherche d’une technologie permettant de gérer quelques-uns des effets de ladite misère, la rendant ainsi plus présentable. Il s’agit pour moi d’une magnifique illustration de ce qu’est la perversion de la pensée rationnelle, qui est l’apanage de la science unique.

À la lecture de l’article du Dr Hotez, ma première réaction (épidermique, je l’avoue) a été de penser qu’il devait avoir un intérêt financier personnel à poursuivre de telles recherches : imaginez la rentabilité du marché d’un vaccin qui pourrait gérer certains effets de la misère à l’échelle planétaire ! Un marché qui ne pourrait que croître et embellir, puisqu’en masquant partiellement l’horreur de la famine, on pourrait plus facilement se dispenser de s’attaquer aux causes de cette dernière, la faisant ainsi perdurer ad vitam æternam sans le plus petit remords de conscience.

Forte de l’image négative que j’avais initialement formée au sujet du Dr Hotez, image renforcée par son omniprésence médiatique ultra-pro-vaccination tous azimuts aux États-Unis, le fait que son laboratoire ait développé le vaccin anti-Covid Corbevax (voir : extrait de la notice d’utilisation du Corbevax, répertoriant les effets secondaires possibles reconnus par le fabricant indien Biological E. Limited) distribué en Inde, et ses propos extrêmes sur ceux qui souhaitent avoir le choix d’être vaccinés ou non (il qualifie cette prise de position d’ « agression anti-science »), j’ai décidé de confirmer mes soupçons au sujet de son éthique professionnelle et ai entrepris quelques recherches. Quelle n’a pas été ma surprise de constater que le patrimoine total estimé du Dr Hotez ne se montait qu’à quatre malheureux millions de dollars, somme raisonnable pour les États-Unis, surtout si l’on tient compte du fait qu’il a trente ans de carrière derrière lui, de multiples casquettes, et qu’il s’est vu décerner de nombreuses récompenses (dont la prestigieuse Scientific Achievement Award de l’AMA, reçu début 2022) qui n’ont pu qu’influencer favorablement sa rémunération.  Mais, le plus étonnant, c’est que le docteur Hotez ne cesse de clamer que les chercheurs doivent cesser de breveter les vaccins pour en tirer bénéfice, afin que ces produits soient reproductibles librement et gratuitement dans les pays les plus pauvres. Et, il met scrupuleusement en pratique ce qu’il dit, puisque les vaccins élaborés par son laboratoire sont brevetés de telle sorte qu’ils ne peuvent générer aucun revenu.

Si mes informations sont justes, il semble donc que nous ayons affaire à un homme qui a foi en ce qu’il fait, et pense vraiment aider l’humanité par son travail. Du reste, il est tout à fait possible que ses travaux permettent à un certain nombre de personnes de vivre plus longtemps. Dans la même misère et souffrant toujours de la faim, certes, mais plus longtemps. Car si bien intentionné qu’il puisse être, le Dr Hotez contribue activement à la pérennisation d’un système qui préfère maquiller joliment les problèmes plutôt qu’essayer de les résoudre.

Prenons, par exemple, le cas de ces gouvernements qui, minés par la corruption, ne peuvent empêcher que certains de leurs membres rentabilisent quotidiennement la famine et la maladie qui rongent leurs populations, en détournant les aides financières généreusement octroyées par les organisations mondiales, et en trayant à l’envi les vaches à lait que sont devenues les ONG. Les campagnes vaccinales sont une manne inépuisable pour ces hommes et femmes de pouvoir corrompus, qui ont tout intérêt à ce que la situation ne change pas. Les recherches du Dr Hotez, entre autres, représentent pour eux la perspective d’une source de juteux revenus additionnels.

Et, ceci n’est qu’une illustration parmi d’autres des effets pervers de ce que j’appelle la cosmétisation des actions humanitaires, un agréable fardage de la réalité, facilité par l’influence de cette science unique qui ne souffre pas la controverse.

Les inquiétudes qu’exprimait Rabelais au sujet de la science paraissent aujourd’hui bien désuètes, largement dépassées par la réalité du 21ème siècle. Car s’il est chose plus effroyable qu’une science sans conscience, c’est assurément une science qui assume sans complexe le fait que sa conscience soit pervertie.