1. Reconnaissons que nous sommes déjà  parfaitement saints en Christ.  C’est l’une des réalités glorieuses de l’Evangile que, du fait de notre union avec le Christ par la foi, nous jouissons du statut de  »  sanctifiés … et … saints   » (1 Co 1.2).  Le Nouveau Testament emploie souvent la terminologie de la sanctification dans ce sens qui connote notre appartenance à  Dieu, notre séparation du péché, la justice parfaite qui nous est imputée en Christ.  Nous avons été sanctifiés une fois pour toutes (Hé 10,10)  !  Lorsque Paul appelle les Corinthiens à  fuir l’inconduite sexuelle, il leur signale qu’ils ont déjà  été sanctifiés (1 Co 6.11)  : il n’est pas cohérent pour un saint de ne pas vivre comme tel  !
  2. Soyons honnêtes avec nous-mêmes devant Dieu.  Si nous sommes sanctifiés au sens statutaire en Christ, nous ne le sommes pas encore dans la pratique de notre vie quotidienne.  Cela nous amène à  l’autre emploi des termes  »  saint  « / » sainteté  « /  »  sanctifier  « / »  sanctification   » dans le Nouveau Testament, à  savoir le sens progressif.  Nous sommes censés devenir sanctifiés par l’action du Saint-Esprit en nous (1 Th 4.3ss).  Jésus prie pour ses disciples dans ce sens (Jn 17.17)  ; de même, Paul prie pour la sanctification des Thessaloniciens (1 Th 5.23).  Ne nous berçons cependant pas d’illusions quant à  notre degré de sanctification dans ce second sens !  Gardons-nous en particulier des courants théologiques qui veulent nous faire croire que nous pouvons connaître la sanctification totale dès cette vie  : même l’apôtre Paul devait reconnaître qu’il n’était pas encore  »  parvenu à  l’accomplissement   » (Ph 3.12).  Se croire plus saint que l’on est va de pair avec la malhonnêteté et/ou la désillusion  : c’est une démarche hostile à  la croissance spirituelle.  C’est seulement lorsqu’on se sait coupable de jalousie ou d’amertume, par exemple, qu’on peut prendre des mesures concernant ces péchés en vue de faire des progrès dans la sanctification.
  3. Abreuvons-nous des Ecritures.  Les adeptes de l’école de la sanctification totale prônent parfois une définition du péché qui cadre avec ce qui est atteignable.  Même pour John Wesley, le grand évangéliste du 18e  siècle, le péché ne correspond qu’à   »  une transgression  volontaire  d’une loi  connue  que nous sommes  en mesure de respecter   »  !  Si nous nous abreuvons des Ecritures, nous serons obligés de constater que la barre est placée nettement plus haut  : nous sommes appelés à  la perfection, à  l’instar de Dieu lui-même (Mt 5.48  ;  1 P 1.15-16).  Qui oserait affirmer avoir aimé Dieu  »  de tout [son] cœur, de toute [son] âme, de toute [sa] force et de toute [son] intelligence et [son] prochain comme [soi]-même   » (Lc 10.27)  ?  Bien plus, ce sont les Ecritures qui sont le moyen dont l’Esprit se sert pour notre sanctification (Jn 17.17  ;  2 Tm 3.16-17  ; cf.  Rm 12.1-2).  L’Esprit, dont l’épée est la parole (Ep 6.17), nous convainc de notre péché (cf.  Jn 16.8) et nous incite à  nous en repentir.  La parole sert également de garde-fou, aiguisant notre conscience et nous sensibilisant aux dangers du péché (Ps 19.12  ;  Ps 119.11  ; cf.  Dt 17.18-20  ;  Rm 12.1-2).
  4. Lorsqu’on brûle d’envie de devenir aussi saint que possible, on risque d’être attiré par des  »  techniques   » censées nous propulser rapidement vers un état de sanctification supérieur.  Méfions-nous cependant de toute technique qui ne touche pas le cœur, source du problème (Mc 7.20-23)  !  Au milieu des années 90, la prétendue  »  bénédiction de Toronto   » a happé un  bon nombre de croyants  : il s’agissait de tomber par terre dans le cadre de rencontres entre croyants et parfois de pousser des cris d’animaux.  Selon l’une des chevilles ouvrières du mouvement charismatique en Angleterre, il fallait accueillir le phénomène sans poser trop de questions.  Depuis lors, le phénomène s’étant démodé, voire tombé en désuétude depuis une quinzaine d’années, où sont les preuves qu’il a apporté des fruits durables (cf.  Jn 15.16)  ?  Une autre technique – moins passagère – est celle de suivre toute une série de prescriptions externes ou de pratiques ascétiques qui s’ajoutent aux Ecritures et qui – quoique parfois utiles – deviennent aisément une source de fierté mais sans que le caractère soit réellement transformé.  Il pourrait s’agir des jeûnes des pharisiens (Lc 18.12), de l’abstinMéfions-nous des  »  techniques  « .ence du mariage ou de relations sexuelles (notons les mises en garde d’1 Timothée 4.3  et d’1 Corinthiens 7.1-5), d’un programme d’introspection, de la répétition de formules liturgiques, de l’alimentation diététique (notons la mise en garde de  Colossiens 2.20-23  et d’1 Timothée 4.3).  De même, contrairement à  ce qu’on pourrait croire, fuir le monde en se renfermant dans un monastère ne promeut pas  ipso facto  la sanctification.  Certes,  »  la religion pure et sans souillure devant celui qui est Dieu et Père consiste à  … se garder de toute tâche du monde   » (Jc 1.27), mais le défi qu’il faudrait relever revient à  faire preuve,  parmi les non-croyants, d’une conduite qui fasse honneur à  l’Evangile (1 P 2.12  ;  Tt 2.5  ;  Tt 2.8).  La sagesse du livre des Proverbes n’est pas destinée à  être mise en pratique en vase clos  !
  5. Vivons dans la dépendance à  l’égard de Dieu.  Même si l’on reste dans le monde, il ne faut pas pour autant imaginer qu’il n’y ait pas de place pour le  »  culte personnel   » traditionnel de nos milieux évangéliques  !  Au contraire, c’est le Maître qui souligne l’importance de notre vie de prière privée  :  »  Mais toi, quand tu pries, entre dans la pièce la plus retirée, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le secret  ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra   » (Mt 6.6).  A coup sûr, la prière n’est pas exclusivement réservée aux moments de retrait individuels, mais il est difficile de cultiver une vie de prière saine sans maintenir une discipline.  Et quoi de plus normal, dans le cadre de cette discipline, que de prier pour la sanctification de nos frères et sœurs en Christ (p. ex.,  Ph 1.9-11  ; Co 1.9-14)  ?  Plusieurs injonctions du Nouveau Testament se trouvent étroitement liées aux commandements quant à  la prière (cf., par exemple, le contexte proche des versets suivants  :  Marc 14.38-39  ;  Romains 12.12  ;  Ephésiens 6.18  ;  1 Thessaloniciens 5.17  ; Jude 20).  Cela tombe sous le sens  !  En effet, nous ne pouvons rien faire en dehors du Christ qui est notre sanctification (Jn 15.5  ;  1 Co 1.30).  Si nous grandissons en sainteté, c’est uniquement parce que Dieu  »  opère en [nous] le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant   » (Ph 2.13).
  6. Ne cédons pas au découragement, mais émerveillons-nous devant la  grâce.   »  Nous bronchons tous de plusieurs manières   » (Jc 3.2).    »  [L]e péché … nous enveloppe si facilement   » (Hé 12.1).   Nous avons tous des commandements divins auxquels notre cœur est particulièrement réfractaire, et nous en avons honte.  Mais la bonne réaction n’est pas finalement de sombrer dans le désespoir et de baisser les bras, mais de se tourner vers la croix et de reconnaître, bouche bée, que le péché que nous commettons pour la énième fois est, lui aussi, pardonné, et que nous sommes revêtus de la justice du Christ.  C’est le rôle de Satan de nous accuser (Ap 12.10) et de miner notre confiance en la réalité que notre Dieu  »  pardonne abondamment   » (Es 55.7  ; cf.  Mt 18.21-35).  Nous avons été adoptés comme fils héritiers de Dieu  : non seulement rien ne pourra nous séparer de son amour en Jésus-Christ (Rm 8.39), mais encore il a le projet de nous rendre conformes à  l’image de son Fils – projet qu’il ne compte certainement pas abandonner en cours de route (Ph 1.6  ;  Rm 8.28-30)  !
  7. Valorisons nos responsabilités les uns envers les autres.  Notre approche de la vie chrétienne risque d’être influencée par l’individualisme qui caractérise notre époque.  Rappelons-nous que la plupart des injonctions qui se trouvent dans les lettres du Nouveau Testament sont adressées aux croyants dans un contexte communautaire.  Considérons en particulier l’appel lancé par l’auteur de l’épître aux Hébreux  :  »  Prenez … garde, frères, que personne parmi vous n’ait un cœur méchant et incrédule, au point de se détourner du Dieu vivant.  Mais exhortez-vous chaque jour, aussi longtemps qu’on peut dire  : Aujourd’hui  ! afin qu’aucun de vous ne s’endurcisse par la séduction du péché  » (Hé 3.12-13).   »  Veillons les uns sur les autres pour nous inciter à  l’amour et aux œuvres bonnes.  N’abandonnons pas notre assemblée … mais exhortons-nous mutuellement…   » (Hé 10.24-25).  Quel privilège de pouvoir bénéficier d’amitiés proches qui permettent de s’exhorter mutuellement à  la sanctification  !  Y a-t-il des amis avec lesquels nous pouvons développer des liens de responsabilité particulière  ?  Y a-t-il des croyants qui nous posent la question,  »  Ce film-là , es-tu sûr qu’il ne nuit pas à  la pureté de tes pensées  ?   »   Ou bien  :  »  Pour les revenus de cette année, as-tu tout déclaré  ?   »   Ou encore  :  »  Le frère qui s’attache à  miner ta réputation, pries-tu pour lui  ?  « 
  8. Tenons compte de la gamme des motivations présentées dans la Bible.  Pourquoi vaut-il la peine de poursuivre le degré maximal de sainteté  ?  Logiquement, plus nous sommes au clair sur la réponse à  cette question, plus nous serons motivés à  nous y consacrer.  Dans son livre influent  Prendre plaisir en Dieu  l’auteur populaire  John Piper  insiste sur cette thèse  : le but primordial du croyant est de glorifier Dieu en faisant de lui sa joie.  En effet, la motivation de la satisfaction personnelle qu’apporte le fait de vivre conformément à  la volonté de Dieu n’est pas à  négliger (Ps 19  ; Ps 119), et celle de la glorification de Dieu prime sans aucun doute (p. ex.,  Mt 6.9-10  ;  Ep 1.6,  1.12,  1.14).  Mais nous devrions viser à  tenir compte de toutes les motivations présentées dans les Ecritures  : la gratitude pour la croix (p. ex.,  Rm 12.1) et l’espérance de notre héritage céleste (p. ex.,  Hé 11-12) figurent grandement parmi elles.  Il est frappant de constater que certaines exhortations se trouvent enchâssées dans une logique de va-et-vient entre les réalités du passé et celles de l’avenir (Ph 3.17″”4.1  ; Co 3.1-5  ; 1 P 1  ;  1 Jn 3.1-3).  Les chrétiens devraient ainsi  »  loucher  « , un œil rivé sur la mort de Jésus, l’autre fixé sur le terminus de leur trajet de pèlerin  !  Ne perdons pas de vue non plus les motivations suivantes  : le désir d’avoir un plus grand impact sur les non-croyants que nous côtoyons (1 P 3.1,  2.15-16) et celui de recevoir une plus grande récompense lorsque nous comparaîtrons devant le tribunal du Christ (2 Co.5,9-10).
  9. Choisissons nos modèles avec prudence.  Il est tout à  fait normal et sain de vouloir imiter d’autres croyants dans notre poursuite de la sanctification (cf.  Ph 2.19-30  ;  Hé 13.7).  Quel privilège d’observer la vie des sœurs et frères de notre Eglise qui ont  »  fait leurs preuves   » pendant des décennies d’adoration et de service du Christ  !  Quelle inspiration pour les plus jeunes parmi nous  !   Mais soulignons-le : ce sont les vies calquées sur celle du Christ qui valent la peine d’être imitées (1 Co 11.1)  !  Si nous ne connaissons pas beaucoup de croyants mûrs, il nous faut oser devenir un modèle pour autrui.  Si certains péchés – tels que le bavardage ou le matérialisme – sont considérés comme étant culturellement acceptables dans nos milieux évangéliques, il nous appartient de nous démarquer de la norme et de montrer aux autres, de manière humble, une autre voie.  Jerry Bridges  identifie (et dénonce) plusieurs péchés qui sont communément considérés comme  »  respectables   » tels que le manque de contentement, l’irritabilité, l’anxiété, l’ingratitude.   Que nos modèles et nous-mêmes sachions reconnaître ces péchés pour l’abomination qu’ils sont.
  10. Soyons à  la fois  »  impatients   » et patients.   Il existe une sorte d' »  impatience   » saine qui consiste en la faim et la soif de justice (Mt 5.6), dans le fait de désirer,  »  comme des enfants nouveaux-nés  « , le  »  lait non frelaté de la parole   » en vue de la croissance (1 P 2.2).  Cette  »  impatience   » surgit à  de nombreuses reprises dans le livre des Psaumes (p. ex.,  Ps 27.4  ; 42.1  ; 84.3).  En même temps, il nous faut savoir attendre le jour où nos soupirs arriveront à  leur terme (cf.  Rm 8.23).  Nous chercherons en vain un bouton sur lequel appuyer et qui nous permettrait d’accéder instantanément à  un nouveau palier dans notre capacité à  plaire à  Dieu  !  Les Ecritures ne sanctionnent pas l’idée d’une  »  seconde expérience   » de bénédiction par laquelle nous connaîtrions plus d’intimité dans notre relation avec le Seigneur.  En revanche, ce à  quoi nous sommes confrontés, c’est à  la guerre (Ep 6.10ss  ;  2 Co 10.3-6  ;  1 P 2.11  ;  Ga 5.16-24  ;  Rm 8.13).  Une fois que le diable aura été  »  jeté dans l’étang de feu et de soufre   » (Ap 20.10), le combat cessera.

Lorsque nous nous repentons de tel ou tel péché, c’est douloureux, mais nous ne regrettons pas la démarche (2 Co 7.10).  En revanche, la sainteté apporte beaucoup de joie et de paix (Ga 5.22  ;  Ps 119.165), et elle  »  a la promesse de la vie, pour le présent et l’avenir   » (1 Tm 4.8).  Nous pouvons déjà  reprendre à  notre compte les paroles qu’aurait prononcées John Newton  :  »  Bien que je ne sois pas ce que je devrais être, ni ce que je voudrais être, ni ce que j’espère devenir, je peux affirmer véritablement que je ne suis pas ce que j’étais jadis…   »   Le Saint-Esprit est à  l’œuvre en nous, et un jour nous serons entièrement glorifiés (Rm 8.17.30  ;  1 Jn 3.2  ; Jude 24  ;  1 Th 5.23  ;  Ep 5.27).  Entre-temps, le mot d’ordre est de viser le niveau maximal de sainteté.  Que nous nous efforcions  »  d’être trouvés par lui sans tâche et sans défaut dans la paix  « , de croître  »  dans la grâce et la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.   A lui la gloire, maintenant et jusqu’au jour de l’éternité  !  «  (2 P 3.14-18)


Note éditoriale :  cet article a paru dans la revue La Bonne Nouvelle, 2008/4 et dans le magazine de l’Institut Biblique Belge,  Le Maillon, printemps 2009, p. 5-7.

Originaire d’Irlande,  James Hely Hutchinson  est marié avec Myriam  et père d’une jeune Clara. Formé au  Moore College de  Sydney (Australie), puis titulaire d’un doctorat de Vaux-sur-Seine sur les Psaumes, il assume la direction de l’Institut Biblique Belge (à  Bruxelles) depuis 2007.